Le Conseil fédéral a enfin ouvert fin octobre la procédure de consultation concernant les ordonnances d'application de la LS Fin (P-OSFin) et de la LE Fin (P-OEFin). Elle prendra fin le 6 février 2019.

L'un des grands changements amenés par ces lois concerne les gestionnaires de fortune externes (GFE) et les Trustees, lesquels devront dorénavant être autorisés par la FINMA et seront surveillés par un organisme de surveillance (« OS »). La FINMA autorisera et surveillera les OS qui pourront requérir une autorisation dès l'entrée en vigueur des lois, étant précisé que plusieurs organismes d'autorégulation (OAR) se sont déjà manifestés pour annoncer la création d'entités qui déposeront une telle requête (Chapitre I).

De plus, la LS Fin prévoit de nouvelles obligations en termes de comportement et d'organisation qui touchent notamment les GFE (Chapitre II ).

1. Autorisation FINMA pour GFE et Trustees

1.1. Acteurs concernés par la nouvelle autorisation FINMA pour GFE et Trustees prévue par la LE Fin

En premier lieu, ce sont les GFE qui sont concernés par cette nouvelle autorisation FINMA. La LE Fin n'utilise pas les termes GFE, ni d'ailleurs GFI, mais les nomme « Gestionnaire de Fortune »1 et les qualifie de la façon suivante : « E st réputé Gestionnaire de Fortune quiconque peut, sur la base d'un mandat, disposer à titre professionnel, au nom et pour le compte de clients, de leurs valeurs patrimoniales »2.

Ainsi, si un GFE dispose d'un pouvoir de disposition sur les valeurs patrimoniales de ses clients, la LE Fin lui est applicable. A contrario, par exemple, la société qui fait du conseil en placement mais qui ne peut pas disposer des valeurs patrimoniales de ses clients, notamment si elle ne bénéficie pas d'un pouvoir sur les comptes bancaires de ces derniers, ne devrait en principe pas être soumise à autorisation de la FINMA. Si cette société se limite ainsi à du pur conseil en placement, elle devra néanmoins respecter les règles de comportement de la LSFin dont notamment l'obligation d'obtenir l'inscription de ses conseillers (personnes physiques) au registre des conseillers à la clientèle (voir 1.2. Registre des conseillers à la clientèle ci-dessous).

En deuxième lieu, les Trustees devront obtenir une autorisation FINMA. Ils sont définis comme suit : « quiconque gère, sur la base de l'acte constitutif d'un trust, à titre professionnel, un patrimoine distinct ou en dispose en faveur d'un bénéficiaire ou dans un but déterminé ».

1.2. Registre des conseillers à la Clientele

S'agissant des sociétés qui fournissent des services financiers ou des instruments financiers, mais qui ne sont pas soumises à autorisation de la FINMA selon la LE Fin, elles auront tout de même l'obligation de respecter les règles de la LSFin. Il s'agit par exemple des conseillers en placement ou des distributeurs de produits financiers, comme notamment les actuels distributeurs de placements collectifs.

Ces sociétés devront par exemple obtenir l'inscription de leurs conseillers à la clientèle3 au registre des conseillers à la clientèle, sachant que ce registre est encore à créer.

Il faut noter par ailleurs que contrairement aux GFE soumis à autorisation FINMA, les conseillers à la clientèle, inscrit à ce nouveau registre, ne feront pas l'objet d'une surveillance prudentielle, bien qu'ils aient l'obligation de respecter les règles de comportement prévues par la LSFin (voir 2. Obligations de la LSFin ci-dessous).

1.3. Conditions d'autorisation FINMA pour GFE et Trustees

S'agissant des conditions d'autorisation FINMA pour GFE et Trustees, la LE Fin les définissait déjà dans les grandes lignes, à savoir principalement une organisation adéquate, des garanties financières, la garantie d'une activité irréprochable et l'affiliation à un organe de médiation. Le P-OE Fin apporte certains éclaircissements s'agissant de ces exigences.

Organisation adequate

Les GFE et les Trustees devront s'organiser de manière à pouvoir remplir leurs obligations légales. Le P-OE Fin précise néanmoins que leur organisation pourra et devra être adaptée notamment au nombre de leurs clients et au montant des valeurs patrimoniales administrées.

S'agissant de leur direction, elle sera en principe composée d'au moins deux dirigeants qualifiés qui devront justifier d'une expérience professionnelle de 5 ans dans la gestion de fortune ou dans le cadre de trusts et d'une formation adéquate dans le domaine correspondant.

En outre, tant les GFE que les Trustees devront disposer d'une gestion des risques et d'un contrôle interne (qui inclut la fonction de compliance). Les personnes en charge de ces tâches ne seront en principe pas en droit de prendre part aux activités qu'elles surveillent. Le P-OE Fin indique pourtant que si le modèle d'affaires présente peu de risques et si certains seuils ne sont pas dépassés (5 employés au maximum et produit brut annuel inférieur à CHF 1.5 million), « ces tâches ne doivent pas obligatoirement être indépendantes des activités génératrices de revenus ». Ces termes utilisés dans le P-OE Fin sont peu explicites et l'exemple cité dans le rapport explicatif ne permet malheureusement pas de comprendre de manière claire ce que cela signifie en pratique pour les GFE, de sorte que des précisions sur ce point sont à espérer dans le cadre de la consultation. En tout état de cause, le P-OE Fin confirme la possibilité d'externaliser la fonction de Compliance.

Enfin, le P-OE Fin prévoit des exigences supplémentaires en termes d'organisation pour les plus grandes structures (notamment si leur produit annuel brut dépasse certains seuils), comme celle d'avoir une révision interne indépendante de la direction ou un conseil d'administration dont la majorité des membres ne font pas partie de l'organe responsable de la gestion.

Garanties financières

Le capital minimum des GFE et des Trustees doit être de CHF 100'000.-, entièrement libéré et maintenu en permanence.

S'agissant des fonds propres, ils devront s'élever constamment à au moins un quart des frais fixes des derniers comptes annuels, jusqu'à concurrence de CHF 10 millions. Quant à la définition des éléments composant les fonds propres, elle s'inspire des règles applicables aux gestionnaires de placements collectifs.

En sus du capital et des fonds propres, la LE Fin prévoit que les GFE et les Trustees devront disposer de garanties appropriées. Le P-OE Fin précise que ces garanties seront considérées comme appropriées, dès lors que les dispositions relatives aux fonds propres sont respectées. Les GFE auront néanmoins la possibilité d'opter pour la conclusion d'une assurance responsabilité civile professionnelle, dont la somme d'assurance maximale annuelle pourra être imputée pour moitié sur les fonds propres.

1.4. Procédure d'autorisation et surveillance des GFE et Trustees

S'agissant de la procédure d'autorisation, le P-OE Fin précise que les GFE et les Trustees devront dans un premier temps obtenir une confirmation d'assujetissement auprès d'un OS, qu'ils seront en droit d'obtenir si leurs prescriptions internes et leur organisation garantissent le respect des prescriptions du droit de la surveillance, à savoir en particulier les obligations en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et les dispositions de la LSFin qui leur sont applicables.

A cet égard, il est attendu que la FINMA édicte des ordonnances, voire des modèles de requête en autorisation explicitant les informations et documents à soumettre par les GFE et les Trustees.

2. Obligations LSFin

Les GFE, de même que toute personne ou entité qui fournissent des services financiers, comme par exemple les établissements bancaires, les maisons de titres, les gestionnaires de placements collectifs et d'institutions de prévoyance et les conseillers en placements (« les prestataires de services financiers ») devront satisfaire aux règles édictées par la LSFin.

Quant aux Trustees, le rapport explicatif a apporté une précision bienvenue puisqu'il indique qu'ils ne sont pas soumis aux obligations de la LSFin, à moins que « leur activité englobe [...] la gestion de fortune ».

La LSFin complétée par l'P-OSFin instaure en substance les règles suivantes :

- Règles d'organisation : les prestataires de services financiers devront disposer d'une organisation et édicter des prescriptions internes adaptées notamment à leur taille, aux services proposés et aux risques qu'ils présentent. Ils auront dans ce cadre pour tâche de définir par écrit les processus requis pour fournir leurs services, prendre des mesures afin d'éviter les conflits d'intérêts et instaurer des contrôles internes. Ils devront de plus veiller à la sélection et la formation de leurs collaborateurs. A cet égard, ni la LSFin ni le P-OSFin ne définit la formation minimale adéquate des conseillers à la clientèle. Tout au plus, l'OE Fin indique que les dirigeants d'un GFE doivent justifier « d'une formation en matière de gestion de fortune qui soit équivalente à l'expérience nécessaire pour effectuer un audit de gestionnaire de fortune ». Cette question ne devrait à priori pas être définie de façon plus précise dans le cadre d'une ordonnance ou d'une circulaire de la FINMA mais sera vraisemblablement fixée par l'industrie.

- Classification de la clientèle : les prestataires de services financiers devront par ailleurs classer les clients dans différentes catégories, soit celles des clients privés, des clients professionnels ou des clients institutionnels, ceci afin d'adapter le niveau de protection légale à chaque catégorie de clients, les clients privés bénéficiant de la protection la plus élevée.

- Obligation de documentation : la LSFin et l'P-OSFin prévoient des obligations étendues en matière d'informations qui devront être transmises aux clients. En particulier, les prestataires de services financiers devront communiquer leur adresse, le type de surveillance à laquelle ils sont soumis, et de nombreux éléments concernant les services financiers qu'ils proposent, y compris leurs caractéristiques principales, les droits qui en découlent pour les clients et les risques et coûts associés à ces services. Ils auront également l'obligation d'informer leurs clients sur leurs relations économiques avec des tiers et, cas échéant, sur les conflits d'intérêts qui pourraient en découler. En outre, ils auront pour tâche de consigner par écrit, toutes les vérifications effectuées dans le cadre du « Suitability and appropriatness test ». La LSFin demande par conséquent un effort de documentation impor tant pour les prestataires de services financiers et nécessite l'adaptation de leurs contrats et la rédaction de documents standards à l'attention des clients (voir Packages Altenburger en page 35 du journal Point de Mire).

Il est important de relever que contrairement à la LE Fin qui donne au GFE et Trustees six mois pour s'annoncer à la FINMA, puis trois ans pour respecter les conditions d'autorisation et déposer auprès de la FINMA une requête en autorisation, les dispositions transitoires de la LSFin n'octroient aux prestataires de services financiers, y compris les GFE, qu'une période d'un an seulement, soit jusqu'au 1er janvier 2021, pour s'adapter à ses nouvelles règles de comportement et exigences en matière d'organisation.

Ils devraient donc commencer à anticiper ces changements et adapter leur organisation, leurs procédures internes et leur documentation.

Footnotes

1 Le terme GFE sera utilisé dans le présent article par souci de clarté

2 La loi distingue les GFE des gestionnaires de fortune collective. Cette catégorie regroupe les gestionnaires de placements collectifs de capitaux et d'institutions de prévoyance. Ils sont en principe soumis à autorisation et surveillance de la FINMA

3 Sont des conseillers à la clientèle les personnes physiques qui fournissent des services financiers au nom des prestataires de services financiers ou en tant que prestataires de services financiers (article 3 let. e LEFin)

Originally published in Point de mire

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