Cette mise à jour fait partie d'une série continue. Nous donnons un bref aperçu de l'état actuel de la législation d'urgence fédérale et provinciale, de la manière dont nos gouvernements utilisent (et pourraient éventuellement utiliser) leurs pouvoirs statutaires pour faire face à COVID-19, et des effets que leurs efforts pourraient avoir sur les entreprises canadiennes. Nous examinons également certaines des contraintes constitutionnelles qui pèsent sur l'action gouvernementale.

Dans cette mise à jour, nous considérons la Loi sur la santé publique et la Loi sur la sécurité civile du Québec.

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Ce que vous devez savoir

  • Le 14 mars 2020, en vertu de la Loi sur la santé publique (la « LSP »), le gouvernement du Québec a adopté un décret qui déclarait une « urgence sanitaire » dans tout le Québec en réponse à la pandémie de COVID-19.
  • Maintenant que le gouvernement provincial a déclaré une urgence sanitaire dans le cadre de la LSP, il peut exercer des pouvoirs importants pour protéger la population et atténuer l'impact de la pandémie. Entre autres choses, le gouvernement peut désormais restreindre la circulation des personnes dans la province, fermer les écoles et autres lieux où des groupes de personnes se rassemblent, exiger la divulgation d'informations personnelles ou confidentielles, et même obliger toute la population à se faire vacciner.
  • Le Québec n'a pas encore déclaré l'état d'urgence provincial en vertu de la Loi sur la sécurité civile (la « LSC ») de la province. Les pouvoirs du gouvernement sont donc limités à ce qui est prévu par la LSP.

La Loi sur la santé publique

Lorsque l'Assemblée nationale a adopté la LSP en 2001, elle a été considérée comme un tournant dans la politique de santé publique au Québec. La Loi confère aux autorités de santé publique des pouvoirs coercitifs qu'elles peuvent exercer lorsqu'elles estiment que la santé de la population est menacée. Les pouvoirs de la province en vertu de la LSP ont été utilisés, par exemple, pour ordonner une campagne de vaccination de masse lors de la pandémie de grippe H1N1 en 2009.

Le 14 mars 2020, conformément à la LSP, le gouvernement du Québec a déclaré une urgence sanitaire dans toute la province en réponse à la COVID-19. Plus précisément, les autorités québécoises ont déclaré un état d'urgence national en vertu de l'article 118 de la LSP. L'article 118 prévoit que :

Le gouvernement peut déclarer un état d'urgence sanitaire dans tout ou partie du territoire québécois lorsqu'une menace grave à la santé de la population, réelle ou imminente, exige l'application immédiate de certaines mesures prévues à l'article 123 pour protéger la santé de la population.

Le Dr Horacio Arruda, directeur de la santé publique du Québec, a utilisé les pouvoirs qui lui sont conférés par la LSP pour interdire tout rassemblement de plus de 250 personnes et pour ordonner la fermeture de lieux publics tels que les écoles, les gymnases, les bars et les cinémas. Le Dr Arruda pourrait encore utiliser ses pouvoirs en vertu de la LSP pour imposer un lock-out complet ou partiel aux résidents du Québec. Il s'agirait d'une première dans la province.

Même sans déclaration d'une urgence sanitaire, les autorités de santé publique du Québec et le directeur de la santé publique de la province peuvent exercer des pouvoirs étendus en vertu de la LSP. Ces pouvoirs demeurent disponibles après la déclaration d'une urgence sanitaire.

Plus précisément, lorsqu'un directeur de la santé publique est d'avis qu'il existe « une menace réelle pour la santé de la population », l'article 106 de la LSP lui confère le pouvoir, entre autres, de :

  • « ordonner la fermeture d'un lieu » (art. 106(1));
  • « ordonner la désinfection, la décontamination ou le nettoyage d'un lieu ou de certaines choses et donner des directives précises à cet effet » (art. 106(3));
  • « ordonner la cessation d'une activité ou la prise de mesures de sécurité particulières si c'est cette activité qui est une source de menace pour la santé de la population » (art. 106(5));
  • « ordonner à une personne ... de ne pas fréquenter un établissement d'enseignement, un milieu de travail ou un autre lieu de rassemblement, si elle n'est pas immunisée contre une maladie contagieuse dont l'éclosion a été constatée dans ce milieu » (art. 106(6));
  • « ordonner à une personne de respecter des directives précises pour éviter toute contagion ou contamination » (art. 106(8));
  • « ordonner toute autre mesure qu'il estime nécessaire pour empêcher que ne s'aggrave une menace à la santé de la population, en diminuer les effets ou l'éliminer » (art. 106(9), nos soulignements).

Une fois qu'une urgence sanitaire a été déclarée conformément à l'article 118 de la LSP, le gouvernement provincial peut exercer un large éventail de pouvoirs pour répondre à l'urgence. En vertu de l'article 123 de la LSP, le gouvernement ou le ministre de la santé peut, sans délai et sans autre formalité :

  • « ordonner la vaccination obligatoire de toute la population ou d'une certaine partie de celle-ci contre ... ou contre une autre maladie contagieuse menaçant gravement la santé de la population » (art. 123(1));
  • « ordonner la fermeture des établissements d'enseignement ou de tout autre lieu de rassemblement » (art. 123(2));
  • « ordonner à toute personne ... de lui communiquer ou de lui donner accès immédiatement à tout document ou à tout renseignement en sa possession, même s'il s'agit d'un renseignement personnel, d'un document ou d'un renseignement confidentiel » (art. 123(3));
  • « interdire l'accès à tout ou partie du territoire concerné ou n'en permettre l'accès qu'à certaines personnes et qu'à certaines conditions, ou ordonner ... l'évacuation des personnes de tout ou partie du territoire ou leur confinement et veiller, si les personnes touchées n'ont pas d'autres ressources, à leur hébergement, leur ravitaillement et leur habillement ainsi qu'à leur sécurité » (art. 123(4));
  • « ordonner la construction de tout ouvrage ou la mise en place d'installations à des fins sanitaires ou de dispensation de services de santé et de services sociaux » (art. 123(5));
  • « faire les dépenses et conclure les contrats qu'il juge nécessaires » (art. 123(7));
  • « ordonner toute autre mesure nécessaire pour protéger la santé de la population » (art. 123(8), nos soulignements).

La déclaration d'une urgence sanitaire expire après 10 jours, mais peut être renouvelée indéfiniment par la suite. Le Cabinet, agissant seul, peut prolonger la déclaration de 10 jours à la fois. Toutefois, avec le consentement de l'Assemblée nationale, le Cabinet peut prolonger la déclaration de 30 jours à la fois (art. 119).

La Loi sur la sécurité civile

L'état d'urgence en matière de santé publique diffère de l'état d'urgence provincial (appelé « état d'urgence national » dans la LSC). Alors que d'autres provinces - à savoir la Colombie-Britannique, le Saskatchewan, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick - ont chacune déclaré un état d'urgence provincial, le Québec ne l'a pas encore fait. Si un état d'urgence provincial devait être déclaré, le gouvernement du Québec pourrait exercer des pouvoirs en vertu de la LSC qui sont beaucoup plus vastes et étendus que les pouvoirs dont il dispose actuellement en vertu de la LSP.

La LSC est entrée en vigueur en 2001. Le Québec n'a jamais déclaré une urgence provinciale en vertu de la LSC.

La LSC permet au gouvernement provincial de déclarer un état d'urgence national pour protéger la vie, la santé ou l'intégrité physique des personnes. L'article 88 de la LSC prévoit que :

Le gouvernement peut déclarer l'état d'urgence national, dans tout ou partie du territoire québécois, lorsqu'un sinistre majeur, réel ou imminent, ou un autre événement qui perturbe le fonctionnement de la communauté au point de compromettre la sécurité des personnes exige, pour protéger la vie, la santé ou l'intégrité des personnes, une action immédiate qu'il estime ne pas pouvoir se réaliser adéquatement dans le cadre des règles de fonctionnement habituelles des autorités responsables de la sécurité civile ou des ministères et organismes gouvernementaux concernés ou dans le cadre du plan national de sécurité civile.

Une fois l'état d'urgence déclaré, la LSC habilite le Premier ministre et les autres ministres à exercer les pouvoirs spécifiés dans la Loi. Pendant que l'état d'urgence est en vigueur, le gouvernement, ou tout ministre habilité à agir à la suite de la déclaration de l'état d'urgence, peut, entre autres, sans délai et sans formalité :

  • « ordonner la fermeture d'établissements dans le territoire concerné » (art. 93(2));
  • « contrôler l'accès aux voies de circulation ou au territoire concerné ou les soumettre à des règles particulières » (art. 93(3));
  • « requérir l'aide de toute personne en mesure d'assister les effectifs déployés » (art. 93(8));
  • « rationner les biens et services de première nécessité et établir des priorités d'approvisionnement » (art. 93(11));
  • « avoir accès à tout lieu nécessaire pour l'exécution d'un ordre donné en vertu du présent article » (art. 93(12));
  • « faire les dépenses et conclure les contrats qu'il juge nécessaires » (art. 93(13));
  • « prendre la décision de mettre en Suvre, pour le territoire concerné, les programmes d'assistance financière visés à l'article 100 » (art. 93(14)).

En plus de ces pouvoirs et d'autres pouvoirs spécifiés, l'article 93 de la LSC comprend une « clause omnibus » qui habilite le gouvernement à « prendre toute autre décision nécessaire » (article 93 alinéa 2).

Des sanctions importantes sont associées au non-respect de la LSC. Les personnes physiques et morales qui enfreignent la LSC sont coupables d'une infraction et sont passibles d'amendes de 1 000 à 5 000 dollars et de 3 000 à 15 000 dollars, respectivement (art. 128).

Limites aux pouvoirs du gouvernement

En plus des contraintes constitutionnelles nationales sur les pouvoirs d'urgence dont nous avons parlé dans les mises à jour précédentes - voir, par exemple, notre mise à jour sur la législation d'urgence de l'Ontario et notre mise à jour sur la Loi sur les mesures d'urgence du Canada- le Canada et les provinces sont limités par leurs obligations de droit international. Par exemple, le Canada et 195 autres pays ont signé le Règlement sanitaire international (2005) de l'Organisation mondiale de la santé (le « RSI »). Il s'agit d'un instrument de droit international contraignant qui est entré en vigueur le 15 juin 2007. Il concerne l'exercice par le Canada (et le Québec) des pouvoirs d'urgence en vertu de la législation applicable en réponse à la COVID-19.

L'objectif et le champ d'application du RSI sont « de prévenir, de protéger et de contrôler la propagation internationale des maladies et d'y apporter une réponse de santé publique proportionnée et limitée aux risques de santé publique, en évitant toute interférence inutile avec le trafic et le commerce internationaux ». Le RSI prévoit que toute action entreprise face à une menace sanitaire internationale doit être proportionnelle et limitée aux risques que cette menace présente pour la santé publique, et doit éviter de créer des obstacles inutiles au trafic et au commerce internationaux.

Des mesures telles que l'ordre de mise en quarantaine des voyageurs et des personnes présentant des symptômes de type grippal - mesures que le gouvernement du Canada a prises en réponse à la COVID-19 en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine fédérale - portent atteinte aux droits et libertés individuels. En vertu du droit international, ces mesures et d'autres mesures similaires ne peuvent être ordonnées, en vertu de la loi fédérale, de la LSP, de la LSC ou de toute autre législation nationale, que s'il existe des motifs raisonnables de croire que la personne visée par ces mesures a été en contact avec une maladie transmissible (telle que COVID-19) reconnue médicalement comme pouvant mettre gravement en danger la santé de la population, ou a récemment été en contact avec une personne susceptible d'être atteinte d'une telle maladie transmissible.

Les tribunaux québécois ne feront pas respecter directement ces obligations de droit international. Ils peuvent toutefois le faire indirectement, en présumant que le législateur a voulu se conformer au droit international en adoptant une législation d'urgence. Sur cette base, les tribunaux québécois peuvent limiter l'application des pouvoirs d'urgence des gouvernements en interprétant la portée de ces pouvoirs à la lumière des obligations internationales du Canada.

Conclusion

Ayant déclaré une urgence de sanitaire au Québec, le gouvernement du Québec dispose maintenant de larges pouvoirs discrétionnaires qu'il peut utiliser pour lutter contre la propagation de COVID-19. Bien que le gouvernement ait la latitude de prendre les ordonnances qu'il juge nécessaires pour faire face à la crise, ces ordonnances doivent être proportionnelles et limitées aux risques que la menace présente pour la santé publique.

Même sans avoir déclaré l'état d'urgence provincial en vertu de la LSC, le gouvernement du Québec a déjà imposé des mesures draconiennes dans le but de protéger sa population et de minimiser la propagation du COVID-19. Si le gouvernement devait déclarer un état d'urgence provincial en vertu de la LSC, il se doterait de pouvoirs supplémentaires et pourrait mettre en Suvre des mesures supplémentaires.

Comme d'autres provinces déclarent des états d'urgence provinciaux - dans certains cas, en plus de déclarer une urgence provinciale en matière de santé publique - le moment est venu d'examiner comment l'exercice des pouvoirs extraordinaires du gouvernement du Québec en vertu de la LSP et, potentiellement, de la LSC peut affecter votre organisation.

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