Les lois, les règlements, la jurisprudence et la pratique étant en constante et rapide évolution, la nécessité de rester à jour est plus pressante que jamais.

C’est dans cet esprit que nous avons préparé, au début de l’année, un résumé des principales tendances des litiges canadiens, regroupées en trois catégories :

  • les litiges liés au cannabis,
  • les actions collectives et
  • les litiges dans le secteur de l’énergie.

Les litiges des deux premières catégories se feront sentir à l’échelle nationale, tandis que ceux de la dernière catégorie concernent surtout l’Alberta.

Litiges liés au cannabis

Un an après la légalisation du cannabis à usage récréatif dans tout le Canada, les litiges dans ce secteur d’activité commencent à faire leur apparition.

En raison de problèmes d’approvisionnement, de distribution et de réglementation, les titres de nombreux émetteurs ont perdu leur éclat : à la mi-novembre 2019, la valeur de certains avait chuté de plus de 70 pour cent par rapport à leur cours le plus haut. Les risques d’insolvabilité et les actions collectives en valeurs mobilières liées au cannabis ont commencé à se matérialiser, et des litiges concernant la qualité, la quantité, les dates de livraison et les conditions contractuelles uniques ont commencé à apparaître. Les autorités de réglementation ont renforcé leur surveillance, ayant dans leur mire le respect des attentes en matière de divulgation, l’indépendance des administrateurs, le manque de transparence relativement aux participations croisées et les conflits d’intérêts entre les émetteurs.

Cela montre que les litiges à multiples facettes et multiterritoriaux valent vraiment la peine d’être surveillés.

Actions collectives

En matière d’actions collectives, trois domaines sont susceptibles de dominer en 2020 :

Actions collectives relatives à la protection des renseignements personnels

Les tribunaux canadiens ayant récemment reconnu un nouveau délit civil appelé « intrusion dans l’intimité » (c’est-à-dire une atteinte à la vie privée), et la déclaration obligatoire des atteintes à la protection des données étant en vigueur depuis novembre 2019, les litiges relatifs aux atteintes à la protection des données devraient continuer d’augmenter en 2020 et au-delà. Deux développements récents sont favorables pour les défendeurs : (i) une décision rendue par la Cour supérieure du Québec statuant que les désagréments et angoisses à la suite d’un vol de données personnelles sont des inconvénients normaux de la vie en société et (ii) des décisions rendues en première instance en Ontario selon lesquelles dans certains cas d’atteintes à la vie privée, le traitement collectif n’est pas adapté en raison des nombreux enjeux individuels.

Actions collectives en valeurs mobilières

Les actions collectives en valeurs mobilières sont loin d’être aussi répandues au Canada qu’aux États-Unis. On voit assez peu de procédures individuelles au Canada qui ne font pas suite à un retraitement des résultats ou à une intervention réglementaire. La plupart sont intentées dans la foulée (i) de la déclaration d’information rectifiée par l’émetteur, (ii) d’une enquête d’un organisme de réglementation ou (iii) de procédures de mise à exécution. Si les procédures de mise à exécution sont par nature publiques, de nombreuses enquêtes sont menées de manière confidentielle. Toutefois, certaines défraient la chronique en raison de la portée de l’enquête ou parce que l’autorité réglementaire décide que la communication de certains enjeux est dans l’intérêt du public.

Nous nous attendons à ce que cette surveillance accrue se poursuive en 2020. Les organismes de réglementation se concentrent particulièrement sur les secteurs d’activité naissants comme le cannabis et les cryptomonnaies. Comme les poursuites ont tendance à suivre les interventions des autorités, une augmentation du nombre d’actions collectives en valeurs mobilières semble inévitable. Leur nombre avait diminué, mais elles sont à nouveau en hausse, notamment en Ontario et, dans une moindre mesure, au Québec.

Actions collectives en droit de la concurrence

Dans un jugement rendu à la fin de 2019, la Cour suprême du Canada (CSC) a conclu que les « acheteurs sous parapluie » — c’est-à-dire, les acheteurs qui ont acheté un produit de fabricants qui n’auraient pas participé à un complot de fixation des prix, mais chez qui ce complot aurait provoqué une hausse du prix — ont le droit d’intenter une action collective sur la fixation des prix au Canada.

La plupart des actions collectives en matière de concurrence au Canada découlent de procédures de mise à exécution d’organismes de réglementation américains et internationaux, ainsi que du Bureau de la concurrence du Canada. Il est toutefois intéressant de noter que les tribunaux américains ont jugé que les intérêts des acheteurs sous parapluie sont trop éloignés pour donner matière à une poursuite. La décision de la CSC signifie que même lorsque les actions collectives canadiennes découlent de procédures de mise à exécution américaines ou sont des poursuites inspirées de recours similaires, les actions collectives canadiennes deviendront plus importantes, les risques potentiels augmenteront et les coûts de litige augmenteront à mesure que de nouveaux groupes de demandeurs rendront l’évaluation des dommages-intérêts plus complexe.

Aussi, le commissaire de la concurrence du Canada, Matthew Boswell, prône une politique d’« application ferme de la loi » et le Bureau de la concurrence se concentre sur les secteurs du numérique, des télécommunications et des infrastructures, ainsi que sur l’industrie pharmaceutique. Depuis la nomination de M. Boswell en mai 2019, le Bureau a démontré son intention de respecter cet engagement. En conséquence, nous constaterons probablement une augmentation encore plus marquée du nombre d’actions collectives en droit de la concurrence.

Litiges dans le secteur de l’énergie

Les litiges dans le secteur de l’énergie sont nombreux et imprévisibles depuis le ralentissement de 2015. La faiblesse des prix du pétrole brut lourd et du gaz naturel canadiens, combinée aux restrictions des marchés mondiaux, a provoqué d’importantes tensions financières pour les sociétés du secteur de l’énergie, situation qui persiste pour une cinquième année et qui a des répercussions majeures sur les litiges dans l’Ouest canadien.

Litiges des secteurs pétroliers et gaziers

La faiblesse persistante des prix, les tensions financières et la nécessité d’accroître les flux de trésorerie ont conduit les entreprises concernées, en particulier celles qui font partie de coentreprises dans les secteurs amont et intermédiaire, à porter leurs causes devant les tribunaux au lieu de faire preuve de souplesse comme c’était le cas en des périodes plus favorables pour ce secteur interconnecté. En d’autres termes, les cas de litiges Bet-the-Company sont plus nombreux aujourd’hui, la survie de l’entreprise étant moins avantageuse financièrement que lorsque les bénéfices affluaient. Cette approche plus « agressive » de la résolution des différends a entraîné une augmentation du nombre de litiges devant les tribunaux et portés en arbitrage.

Restructuration et insolvabilité

D’autres restructurations et insolvabilités sont à prévoir pour 2020 et 2021 dans ce secteur. L’activité est en forte hausse pour les avocats, qui sont occupés depuis la deuxième moitié de 2019. Les banques, qui ont longtemps été indulgentes avec leurs clients, commencent à s’impatienter dans un contexte où de plus en plus d’entreprises ne tiennent qu’à un fil, sans aucune perspective d’amélioration à court ou moyen terme. De récentes procédures intentées en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) et portant sur d’importantes sociétés à moyenne capitalisation témoignent de cette tendance, qui devrait se maintenir au cours des prochaines années.

Litiges en construction

Une vague de litiges dans le secteur de la construction en Alberta pourrait sembler être une incohérence, compte tenu de la relative rareté des projets de construction dans cette province par les temps qui courent. Mais, comme d’habitude, les litiges ont tendance à suivre les périodes d’essor, et le ralentissement a entraîné un plus grand nombre de litiges en construction qui n’auraient peut-être pas eu lieu ou qui auraient été réglés lorsque la conjoncture était favorable. Ces litiges concernent souvent des projets de construction en difficulté qui ont été lancés en période de prospérité et qui sont maintenant ralentis ou bloqués en raison de la contraction des flux de trésorerie.

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