Introduction

Le projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l'usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d'autres lois  (ci-après appelé le « projet de loi ») a reçu la sanction royale le 20 juin 2023. L'adoption du projet de loi C-13 par le gouvernement canadien fait suite à l'adoption par l'Assemblée nationale du Québec du projet de loi 96, qui apporte d'importantes modifications à la Charte de la langue française,  touchant notamment les droits des employés dans les milieux de travail au Québec. À cet égard, le projet de loi C-13 accorde aux employés de compétence fédérale qui travaillent au Québec ou dans une autre région du Canada à forte présence francophone, le droit exprès de travailler en français.

La présente publication résume les éléments du projet de loi qui sont pertinents pour les entités de compétence fédérale canadiennes.

I. Loi sur les langues officielles (« LLO »)

La LLO a été initialement adoptée en 1969 et a fait de l'anglais et du français les langues officielles du Canada. Elle s'applique aux institutions fédérales assujetties au gouvernement canadien et garantit l'égalité de statut quant à leur usage de l'anglais et du français, notamment en ce qui touche les débats et travaux du Parlement, l'administration de la justice et les communications avec le public ou la prestation des services.

La partie 1 du projet de loi modifie la partie 1 de la LLO pour reconnaître la diversité des régimes linguistiques provinciaux et territoriaux et reconnaître que la Charte de la langue française du Québec dispose que le français est la langue officielle du Québec. Les modifications à la LLO comprennent ce qui suit :

  • rendre obligatoire la mise à la disposition du public simultanée, dans les deux langues officielles, des décisions définitives des tribunaux fédéraux si elles ont valeur de précédent;
  • établir des mesures positives particulières que les institutions fédérales peuvent prendre pour respecter des engagements précis pris par le gouvernement du Canada, comme la protection et la promotion du français. Ces mesures comprennent :
    • encourager et faciliter le perfectionnement des compétences en anglais et en français au Canada, et
    • aider les secteurs qui jouent un rôle essentiel dans l'épanouissement des minorités francophones et anglophones ainsi que protéger et faire croître des institutions solides au service de ces minorités;
  • prévoir que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration doit établir une politique en matière d'immigration francophone qui devrait comprendre divers éléments comme des objectifs, des balises et des indicateurs;
  • exiger du Conseil du Trésor qu'il fasse ce qui suit :
    • élaborer des politiques pour mettre en Suvre certains aspects de la LLO;
    • surveiller et vérifier le respect par les institutions fédérales des politiques, instructions et règlements en matière de langues officielles;
    • évaluer l'efficacité des politiques et des programmes des institutions fédérales en matière de langues officielles;
    • fournir des renseignements précis au public et aux employés des institutions fédérales; et
  • autoriser le commissaire aux langues officielles à conclure des accords de conformité, à infliger des sanctions administratives pécuniaires et, dans certaines circonstances, à rendre des ordonnances.

II. Loi sur l'usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale (la « Loi »)

La Loi protège et promeut la langue française. Elle vise à garantir que les employés des entreprises privées à compétence fédérale qui travaillent au Québec ou dans une région à forte présence francophone aient le droit de travailler en français. Les entreprises privées à compétence fédérale comprennent les banques, les transporteurs aériens et les services de transport aérien, les services portuaires, les entreprises de transport maritime, les traversiers, les pipelines (pétrole et gaz) qui traversent les frontières internationales ou provinciales, les services postaux et de messagerie, les chemins de fer ou les entreprises de transport routier qui traversent les frontières provinciales ou internationales, y compris les camions et les autobus, les télécommunications, comme les réseaux de téléphone, d'Internet et de câble (sauf la radiodiffusion).

1. Langue de travail

Les employés des entreprises assujetties à la Loi ont les droits suivants :1

  • le droit d'exercer leur travail et d'être supervisés en français;
  • le droit de recevoir toute communication et toute documentation de leur employeur en français, y compris les politiques, les lignes directrices, les textes des régimes de retraite et les documents connexes, les offres d'emploi et de promotion, les préavis de licenciement, les conventions collectives et les griefs;
  • le droit d'utiliser des instruments de travail et des systèmes informatiques d'usage courant et généralisé en français.

Le droit de l'employé de recevoir de l'entreprise privée de compétence fédérale des communications et de la documentation en français est maintenu même après la cessation d'emploi.2

Les employeurs assujettis à la Loi devront également prendre des mesures en vue de promouvoir l'usage du français dans leur lieu de travail et notamment :3

  • aviser le personnel que la Loi s'applique à l'entreprise;
  • informer les employés de leurs droits en vertu de la Loi et des recours existants si l'entreprise ne respecte pas ces droits; et
  • établir un comité chargé d'appuyer l'usage du français dans toutes les sphères de l'entreprise, ce qui pourrait comprendre une augmentation du nombre d'employés ayant une connaissance du français.

Si une offre d'emploi est publiée dans une langue autre que le français par un employeur assujetti à la Loi, cet employeur est également tenu de la publier en français et de s'assurer que la publication est de même nature que l'autre version linguistique et qu'elle est en mesure d'atteindre un public de taille comparable.4

Il convient également de noter que la Loi interdit à une entreprise privée de compétence fédérale qui a des lieux de travail au Québec ou dans des régions à forte présence francophone de traiter défavorablement un membre du personnel qui exerce ses droits en vertu de la Loi ou qui dépose une plainte auprès du commissaire aux langues officielles du Canada (appelé le « commissaire ») ou d'avoir un comportement défavorable à son égard.

Il incombe au commissaire de veiller à ce que les entreprises assujetties à Loi se conforment à ses dispositions. À ce titre, le commissaire reçoit des plaintes d'employés qui estiment que leur employeur contrevient à la Loi et enquête sur celles-ci. Il est important de noter que le commissaire ne peut pas procéder à une enquête de son propre chef, à moins qu'elle ne concerne un consommateur ou qu'une plainte n'ait été déposée par un employé ou un membre du public.5 En outre, le commissaire peut demander à être avisé des mesures que l'entité prévoit de prendre en réponse à une plainte.6

Il existe certaines exceptions aux dispositions de la Loi. Par exemple, les communications entre l'employé et l'employeur peuvent se faire dans une langue autre que le français, à condition que les deux parties soient d'accord.7

Il est également possible de conclure un contrat individuel de travail, qui est un contrat d'adhésion (c.-à-d. un contrat non négociable), dans une langue autre que le français si les deux parties en conviennent et si l'employeur a fourni à l'employé une version française du contrat en premier.8

2. Consommateurs

En ce qui concerne les consommateurs, pour les entreprises situées au Québec et dans des régions à forte présence francophone, la Loi permet aux consommateurs de communiquer, verbalement ou par écrit, en français avec ces entités. De plus, les consommateurs peuvent demander à recevoir des services et de la correspondance de ces entreprises en français ou dans une autre langue.9 Le droit de recevoir des services en français comprend tous les documents connexes reçus de ces entités (c.-à-d. les contrats).

3. Charte de la langue française du Québec

L'entreprise privée de compétence fédérale qui choisit d'être assujettie à la Charte de la langue française  du Québec doit alors donner avis de la date à laquelle elle y sera assujettie. Cela devra être fait conformément aux règlements du projet de loi C-13 qui n'ont pas encore été publiés.

4. Entrée en vigueur

La Loi devrait entrer en vigueur à une date fixée par décret du gouverneur en conseil. À la date du présent article, aucun décret n'a fixé cette date. En outre, les « régions à forte présence francophone » seront définies par des règlements qui entreront en vigueur au deuxième anniversaire de l'entrée en vigueur de la Loi.

 III. Modifications connexes

Le projet de loi modifie également la Loi sur le ministère du Patrimoine canadien,  qui a constitué le ministère du Patrimoine canadien en 1993 pour promouvoir et soutenir l'identité, les valeurs, le développement culturel et le patrimoine canadien. La modification prévoit que le ministre peut prendre toute mesure pour fournir du financement à un organisme indépendant du gouvernement fédéral chargé d'administrer un programme dont l'objectif est de fournir du financement en vue de la présentation devant les tribunaux de causes types d'importance nationale qui visent à clarifier et à faire valoir des droits constitutionnels en matière de droits de la personne. La modification exige que les causes aient pour objectif de promouvoir une meilleure compréhension des droits de la personne, des libertés fondamentales et des valeurs qui en découlent.

Footnotes

1. a. 54(9)(1)a), b) et c)

2. a. 54(9)(1.1)

3. a. 54(10)(1)a), b) et c)

4. a. 54(9)(2.1)

5. a. 54(14)(2)a) et 19(2)

6. a. 54(14)(1) et (2)

7. a. 54(9)(6)

8. a. 54(9)(4) et (5)

9. a. 56(7)(1)

To view the original article click here.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.