Les auteurs abordent certaines des politiques récemment annoncées par le gouvernement provincial et expliquent quels sont les niveaux de connaissance de la langue française qui sont requis afin de pouvoir présenter une demande de sélection permanente.

Auteurs :

Jean-Philippe Brunet et Marc-Alexis Laroche 1

Résumé

L'année 2023 a été marquée par de nombreuses nouvelles mesures en matière d'immigration au Canada ainsi qu'au Québec. Notamment, dans la province de Québec, plusieurs changements ont été annoncés par le gouvernement provincial,entre autres, afin d'assurer la protection de la langue française.

Dans ce contexte, de nombreux employeurs se demandent comment appuyer leurs travailleurs étrangers temporaires dansleurs efforts de francisation afin de leur permettre ultimement de cheminer vers la résidence permanente.

Dans cet article, les auteurs abordent certaines des politiques récemment annoncées par le gouvernement provincial et expliquent quels sont les niveaux de connaissance de la langue française qui sont requis afin de pouvoir présenter une demande de sélection permanente.

Nos avocats en immigration collaborent périodiquement avec les éditions Yvon Blais à la rédaction d'articles de fonds et de mises à jour juridiques. Cet article a initialement été publié dans le « Bulletin en ressources humaines » en mars 2023 sous la cote EYB2024BRH3658. Son format a été légèrement altéré pour rencontrer les exigences de format du site web de Galileo Partners.

Introduction

Depuis plusieurs années, le gouvernement du Québec instaure de nombreuses politiques afin de protéger la langue française, et ce, à travers toutes les sphères de la société. Ceci inclut notamment des lois concernant l'affichage public ainsique la langue d'instruction pour les enfants qui fréquentent l'école primaire et secondaire.

Il n'est donc pas étonnant de constater que cette volonté de protéger la langue française soit également présente dans les programmes d'immigration en vigueur au Québec, plus particulièrement au niveau des démarches permettant de présenter une demande de sélection permanente.

La demande de sélection permanente est généralement la première étape qu'un travailleur étranger temporaire doit compléter afin de pouvoir ensuite présenter une demande de résidence permanente depuis la province de Québec. La demande de sélection permanente permet ultimement d'obtenir un certificat de sélection du Québec (CSQ).

Le présent article brosse un portrait des différentes exigences mises en place par le gouvernement du Québec en matière deconnaissance de la langue française et explique également les moyens pouvant permettre aux employeurs d'accompagnerdes travailleurs étrangers temporaires dans le cadre de leur demande de sélection permanente.

I– L'échelle québécoise des niveaux de compétence en Français

Tout d'abord, et avant même d'étudier les exigences propres à chacun des programmes de sélection permanente en vigueurdans la province de Québec, il est essentiel de déterminer quels sont les barèmes et les échelles utilisés par legouvernement du Québec afin d'analyser le niveau de connaissance du français d'un travailleur étranger temporaire.

L'Échelle québécoise des niveaux de compétence en français (ci-après « l'Échelle québécoise ») a été créée par le ministère de la Langue française afin d'évaluer le niveau de compétence du français, que ce soit à l'oral ou à l'écrit.

Par conséquent, l'usage de l'Échelle québécoise n'est donc pas limité au domaine de l'immigration et elle peut être utilisée àplusieurs fins, notamment dans le domaine de l'éducation.

L'Échelle québécoise est divisée en trois stades :

  1. Débutant
  2. Intermédiaire
  3. Avancé

Chaque stade contient des niveaux de compétence en français sur une échelle de 1 à 12. Ces niveaux constituent desindicateurs du niveau de compréhension orale et écrite en français et du niveau de production orale et écrite en français 2.

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Selon le pointage obtenu, cela peut donc être déterminant afin de savoir si un travailleur étranger temporaire peut êtreadmissible à présenter une demande de sélection permanente selon les programmes présentement en vigueur.

II– Programmes de sélection permanente ayant une exigence de connaissance du français

Depuis l'entrée en vigueur du Règlement modifiant le Règlement sur l'immigration au Québec 3 en juin 2023, plusieursprogrammes de sélection permanente ont été modifiés ou seront modifiés prochainement afin d'imposer un niveau minimalde connaissance du français en fonction de l'Échelle québécoise. Par conséquent, la connaissance de la langue françaisedevient un critère essentiel de sélection sous l'un ou l'autre de ces programmes.

En effet, pour les travailleurs étrangers temporaires qui souhaitent présenter une demande de sélection permanente, il estimportant de noter que la connaissance du français est maintenant un critère obligatoire à quelques exceptions près. Il existeeffectivement très peu de programmes qui ne requièrent pas de connaissance du français. Dans de tels cas, et même si laconnaissance du français n'est pas un critère essentiel, on requiert cependant de prendre un engagement que l'on apprendrale français suite à l'obtention de la résidence permanente.

Pour les programmes suivants, le niveau de connaissance de la langue française est présentement ou sera déterminécomme suit :

  1. Programme de l'expérience québécoise (PEQ)
    • Volet diplômés : Niveau 7 – connaissance orale et écrite 4
    • Volet travailleurs : Niveau 7 – connaissance orale uniquement
  2. Programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ) 5
    • Volet 1 : Niveau 7 – à l'oral et niveau 5 à l'écrit
    • Volet 2 : Niveau 5 – connaissance orale uniquement
    • Volet 3 :
      • Pour les professions hautement qualifiées : Niveau 7 à l'oral et niveau 5 à l'écrit
      • Pour les professions moins qualifiées : Niveau 5 – connaissance orale uniquement
    • Volet 4 : Aucune exigence de connaissance du français
  3. Programme des investisseurs : Niveau 7 – connaissance orale uniquement
  4. Programme des entrepreneurs : Niveau 7 – connaissance orale uniquement
  5. Programme des travailleurs autonomes : Niveau 7 – connaissance orale uniquement

De plus, et pour la grande majorité des programmes identifiés ci-haut, si l'époux ou le conjoint de fait du demandeur estinclus dans la demande, cette personne doit également posséder une connaissance du français à l'oral de niveau 4 ou plus.

Comme il est possible de le constater, seul le volet 4 du PSTQ ne requiert pas une connaissance du français afin d'être admissible à présenter une demande de sélection permanente. Cependant, il est à noter que ce volet possède des critères de sélection hautement discrétionnaires et qui seront interprétés au courant des prochains mois et années. Seul un petit nombre de candidats pourront ainsi faire partie de ce volet.

III– Signification des niveaux de connaissance du français

Par conséquent, et en prenant en considération les indications susmentionnées, il est possible de conclure que, de manièregénérale, le demandeur principal doit avoir une connaissance du français à l'oral de niveau 7 ou plus et/ou une connaissanceà l'écrit de niveau 5 ou plus.

A. Le niveau 7

Le niveau 7 de l'Échelle québécoise fait partie du stade intermédiaire. Dans le jargon populaire, on considère bien souventqu'il s'agit d'un stade intermédiaire avancé, car le niveau demandé est quand même important.

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Selon l'Échelle québécoise, une personne qui possède ce niveau de connaissance du français à l'oral est en mesure de comprendre l'essentiel des conversations sur des sujets généraux et/ou spécifiques et est en mesure de communiquer avecd'autres personnes sur certains sujets spécifiques.

L'Échelle québécoise donne notamment à titre d'exemple la personne qui comprend le reportage d'un analyste économique ou même la personne qui explique les avantages et inconvénients du co-voiturage à ses collègues. Par conséquent, la personne souhaitant atteindre ce niveau à l'oral doit posséder un vocabulaire varié et être autonome tant dans la compréhension orale que dans la communication orale du français.

Pour ce qui est de l'écrit, l'Échelle québécoise indique qu'une personne possédant le niveau 7 devrait normalement être enmesure de comprendre l'essentiel de textes d'une à deux pages et comprendre les contenus concrets et parfois implicites formulés dans des constructions syntaxiques parfois complexes. De plus, elle devrait être en mesure de rédiger de tels textes.

À titre d'exemple, l'Échelle québécoise indique que la personne devrait être en mesure de distinguer les informations factuelles d'opinions dans un article de journal portant sur le végétalisme.

B. Le niveau 5

Le niveau 5 de la connaissance écrite du français, selon l'Échelle québécoise, vise également le stade intermédiaire. Toutefois, il s'agit du niveau le plus bas de ce stade.

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Selon l'Échelle québécoise, une personne qui possède ce niveau de compétence à l'oral devrait être en mesure de communiquer et de comprendre des conversations ou des présentations touchant des sujets courants. Elle devrait être en mesure d'échanger sur des propos factuels et concrets au moyen de constructions syntaxiques simples ou complexes.

À titre d'exemple, cette personne devrait être en mesure de fournir des conseils pour la recherche d'un logement à une personne nouvellement arrivée au Québec.

De plus, l'Échelle québécoise précise qu'une personne qui possède ce niveau de connaissance comprend l'essentiel des textes qui portent sur des sujets généraux et est en mesure de rédiger de courts textes qui portent également sur des sujets courants.

L'Échelle québécoise, à titre d'exemple, cite le cas d'une personne qui comprend les clauses d'un bail de logement ou une personne qui est en mesure de rédiger un courriel à l'un de ses collègues afin de déterminer si un stagiaire est disponible àeffectuer certaines tâches.

La personne utilise donc un vocabulaire usuel tant dans la compréhension écrite que dans la communication écrite.

C. Le niveau 4

Finalement, et comme mentionné plus haut, si l'époux ou le conjoint de fait du demandeur accompagne dans le cadre d'une demande de sélection permanente au Québec, celui-ci devra probablement démontrer une connaissance du français à l'oralde niveau 4 ou plus.


Ce niveau de connaissance correspond à un stade de débutant selon l'Échelle québécoise.

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Selon l'Échelle québécoise, la personne doit comprendre de courtes conversations qui portent sur des activités usuelles, et ce, de manière générale. De plus, la personne participe à de brèves conversations liées, encore une fois, à des activitéscourantes.

L'Échelle québécoise cite en exemple une personne qui comprend les explications d'un vendeur sur la garantie prolongée enlien avec l'achat d'un électroménager ou d'une personne qui explique un problème de plomberie à son propriétaire.

Par conséquent, une personne qui possède ce niveau de compétence est en mesure de communiquer et de comprendre lefrançais de manière fonctionnelle.

D. Conseil aux employeurs

Bien qu'il soit complexe pour un employeur d'évaluer le niveau de connaissance du français des travailleurs étrangers temporaires à son emploi, il est tout de même recommandé de tenter de faire une évaluation préliminaire afin de déterminer si ceux-ci semblent atteindre le niveau de connaissance du français qui est requis selon le programme identifié.

Au cours d'une conversation ou même en révisant un document rédigé par le travailleur étranger temporaire, il est normalement possible de déterminer si la personne semble s'approcher du niveau de connaissance requis ou si des cours de francisation sont requis.

Cet effort permettra ultimement à l'employeur d'appuyer le travailleur étranger temporaire dans ses démarches de sélection permanente tout en lui permettant de planifier les démarches d'immigration pouvant être requises en faveur du travailleur concerné, incluant une demande de renouvellement de permis de travail si jamais le travailleur ne sera pas en mesure d'obtenir la résidence permanente prochainement.

Au besoin, il peut être judicieux pour un employeur de débourser les frais qui seraient requis afin qu'un travailleur étranger temporaire puisse compléter un test de connaissance du français reconnu, tel que mentionné ci-dessous. Les résultats de ce test pourraient être utilisés afin de déterminer le niveau actuel du travailleur étranger temporaire et ainsi planifier de manière proactive les délais liés à la présentation d'une demande de sélection permanente.

IV– Comment démontrer le niveau de connaissance du français

À la lumière des informations mentionnées ci-dessus, il est donc possible de comprendre que le niveau de connaissance du français puisse être difficile à atteindre pour certains demandeurs qui souhaiteraient cheminer vers la résidence permanentedepuis la province de Québec.

Lorsqu'un travailleur étranger temporaire croit toute fois avoir atteint le niveau de connaissance de la langue française, il existe plusieurs moyens de le démontrer dans le cadre d'une demande de sélection permanente.

Il est notamment possible de le faire en utilisant une attestation de résultats à un test de français reconnu, joindre une copie d'un diplôme d'évaluation du français ou une copie d'un diplôme et des relevés de notes obtenus après avoir terminé des études secondaires ou post secondaires entièrement en français.

Il est cependant important de noter que seuls les tests de langue et les diplômes reconnus par le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration peuvent être utilisés à titre de preuve du niveau de connaissance en français 6.

Ainsi, les tests de français reconnus sont les suivants :

  • Test de connaissance du français pour le Québec (TCFQ)
  • Test de connaissance du français pour le Canada (TCFC)
  • Test de connaissance du français (TCF)
  • Test d'évaluation du français adapté pour le Québec (TEFAQ)
  • Test d'évaluation du français pour le Canada (TEFC)
  • Test d'évaluation du français (TEF)

Il est aussi important de noter que, dans le cadre de certains programmes, il existe des conditions quant à l'attestation de résultats à un test de français. Par exemple, pour le Programme des investisseurs et le Programme des travailleurs autonomes, les résultats au test doivent dater de moins de deux ans à compter de la date de présentation de la demande afin de respecter l'exigence de la connaissance du français.

Les diplômes suivants sont ceux qui sont reconnus par le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration et qui peuvent être utilisés afin de démontrer le niveau de connaissance du français :

  • Diplôme approfondi de la langue française (DALF)
  • Diplôme d'études en langue française (DELF)
  • Baccalauréat général, professionnel ou technologique délivré par le ministère de l'Éducation nationale de France
  • Certificat d'enseignement secondaire supérieur (CESS) délivré par le gouvernement de la Communauté française deBelgique
  • Certificat de maturité remis à la fin des études d'une école située dans un canton francophone en Suisse.

Ultimement, il est aussi important de rappeler que, même si le travailleur étranger temporaire joint une attestation de résultats à un test de français ou une copie d'un diplôme reconnu, la législation et la réglementation en vigueur permettent à l'agent responsable du traitement de la demande de sélection permanente de convoquer le demandeur à une entrevue afin d'évaluer son niveau de connaissance du français.

Cette entrevue se déroule devant un linguiste et l'accompagnement d'un avocat ou d'une tierce partie n'est pas permis, sauf avec une permission spéciale accordée par le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration.

Conclusion

En définitive, la connaissance du français est aujourd'hui un critère essentiel afin de pouvoir cheminer vers la résidence permanente à titre de travailleur étranger temporaire séjournant au Québec.

Dans l'éventualité où un travailleur étranger temporaire souhaiterait présenter une demande de sélection permanente, il est fortement recommandé de s'assurer que cette personne possède le niveau de connaissance requis et qu'elle sera en mesurede le démontrer si jamais elle est convoquée à une entrevue.

Malheureusement, plusieurs demandeurs ont vu leur demande être refusée suite à une entrevue, et ce, même s'ils avaient joint la copie de résultats à un test de français reconnu par le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration. Il est donc également important de bien préparer les travailleurs étrangers temporaires à l'entrevue qui pourrait être convoquée par un agent responsable, cela peut notamment passer par des cours d'appoint avec des professionnels oumême des ateliers informels avec des membres de l'équipe à l'interne.

Si un travailleur étranger temporaire a l'intention d'effectuer une demande de sélection permanente, nous recommandons de consulter un avocat spécialisé en immigration d'affaires afin d'évaluer l'ensemble des critères, incluant l'exigence du français,et de déterminer l'admissibilité aux programmes décrits ci-haut.

Footnotes

1. Me Jean-Philippe Brunet est associé et fondateur du bureau de Montréal Avocats Galileo Partners Inc. Il possède plus de 25 ans d'expérience en immigration d'affaires et mobilité internationale. Me Marc-Alexis Laroche est avocat au sein du même bureau et pratique dans le même domaine. Les auteurs tiennent à remercier Mme Mathilde Laroche, stagiaire en droit aucabinet Avocats Galileo Partners inc., pour sa contribution à la rédaction de cette chronique.

2. Pour accéder aux détails et à la description complète de l'Échelle québécoise de la langue française, il est possible deconsulter le site Web suivant : https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/francisation/MIFI/referentiel/NM_echelle_niveaux_competences.pdf.

3. (2023) 155 G.O. II, 2181.

4. Jean-Philippe BRUNET et Marc-Alexis LAROCHE, « Les récents changements apportés à la catégorie des diplômés duQuébec dans le programme de l'expérience québécoise (PEQ) », dans Bulletin en ressources humaines, décembre 2023, Laréférence Ressources humaines, EYB2023BRH2642 et versions antérieures.

5. Jean-Philippe BRUNET et Marc-Alexis LAROCHE, « Réforme 2023 de l'immigration au Québec : Programme de sélectiondes travailleurs qualifiés », dans Bulletin en ressources humaines, août 2023, La référence Ressources humaines, EYB2023BRH2630 et versions antérieures.

6. Il est possible d'obtenir de plus amples détails concernant les tests de langue et les diplômes reconnus par le ministère del'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration sur le site Web suivant : https://www.quebec.ca/immigration/travailler-quebec/travailleurs-qualifies/programme-experience-quebecoise/conditions-selection/connaissance-francais. Date de dépôt : 5 mars 2024

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