Dans les dernières années, la pénurie de main-d'Suvre a contribué à une plus grande présence des enfants sur le marché du travail, ainsi qu'à une hausse des accidents du travail chez ces jeunes.

Le 28 mars 2023, le gouvernement du Québec a déposé un projet de loi visant à apporter des modifications au cadre juridique actuel afin de mieux encadrer le travail des enfants et de favoriser la persévérance scolaire. Contrairement à la majorité des provinces du pays, le Québec ne prévoit pas d'âge minimum pour travailler et ni d'heures maximales de travail pour les enfants. C'est dans ce contexte que le gouvernement provincial a introduit le Projet de loi n° 19, la Loi sur l'encadrement du travail des enfants (ci-après le « PL-19 »).

De façon concomitante, le gouvernement fédéral a adopté le 29 mars 2023 un Décret qui sera en vigueur le 12 juin 2023, modifiant le Code canadien du travail afin d'augmenter l'âge minimum d'emploi de 17 à 18 ans (le « Décret fédéral »). Des modifications réglementaires correspondantes ont été apportées au Règlement du Canada sur les normes du travail. Ces modifications ont aussi pour objectif de s'assurer que le régime est conforme à la Convention de l'Organisation internationale du travail qui stipule que les travaux pouvant compromettre la santé et la sécurité ne devraient pas être exécutés par des personnes de moins de 18 ans.

  1. Obligations générales préexistantes visant le travail des enfants

    Au Québec

Diverses lois encadrent présentement le travail des enfants au Québec. Principalement, la Loi sur les normes du travail (ci-après la « LNT ») prévoit qu'un jeune de moins de 14 ans qui veut travailler doit avoir le consentement de ses parents, conformément au principe établi au Code civil du Québec1. Conformément au Règlement sur la tenue d'un système d'enregistrement ou d'un registre, l'employeur doit obtenir des parents ou tuteurs une autorisation de travail écrite et doit la conserver pendant trois (3) ans dans un registre. La LNT prévoit que l'employeur ne peut confier à une personne âgée de moins de 18 ans un travail qui dépasse ses capacités ni qui est susceptible de compromettre son éducation ou nuire à sa santé ou son développement. Toutefois, le régime actuel ne prévoit pas d'âge minimal de travail pour les enfants dans la mesure où les restrictions mentionnées précédemment sont respectées.

La Loi sur l'instruction publique, quant à elle, prévoit qu'un jeune de 16 ans et moins n'ayant pas de diplôme, ne peut travailler durant les heures de classe. Il peut donc travailler les matins, soirs et durant la fin de semaine, mais leur horaire doit leur permettre d'être à la maison entre 23 h et 6 h le lendemain, une restriction prévue à la LNT. Le Règlement sur les normes du travail (ci-après le « RNT ») ouvre la porte à certaines exceptions, par exemple, aux enfants qui travaillent à titre de livreur de journaux, de créateur ou d'interprète dans les domaines de production artistique tels que la scène et le théâtre.

Par ailleurs, la Loi sur la santé et sécurité au travail (ci-après la « LSST ») accorde à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après la « CNESST ») le pouvoir de fixer des âges minimums pour effectuer certains travaux, par l'entremise de règlements. Cette restriction existe notamment pour certaines tâches telles que le travail en plongée sous-marine, le dynamitage et la manipulation de scie à chaîne.

Au fédéral

Au fédéral, le Code canadien du travail énonce qu'une personne âgée de moins de 17 ans ne peut exercer qu'une activité visée par règlement et est assujettie aux conditions d'emploi fixées par règlement pour les activités en cause.

Le Règlement du Canada sur les normes de travail prévoit qu'une personne âgée de moins de 17 ans peut travailler dans un milieu de travail de compétence fédérale si le travail qu'elle effectue ne se retrouve pas dans la liste de travaux dangereux, y compris dans les mines souterraines et dans d'autres travaux susceptibles de mettre en danger leur santé ou leur sécurité et si elle n'est pas tenue, en vertu de la loi de la province, de fréquenter l'école2 . Elle ne peut non plus travailler entre 23 h et 6 h le lendemain. De plus, les employeurs ont l'obligation de tenir des registres de l'âge des employés âgés de moins de 17 ans.

  1. Enjeux actuels

Face au manque de développements dans les lois régissant le travail des enfants au Québec, le Comité consultatif du travail et de la main-d'Suvre a émis, au mois de décembre 2022, un avis3 regroupant des recommandations de la part de diverses organisations.

Cet avis met en lumière le fait que le Québec est l'une des seules provinces n'ayant pas eu de réformes sur les lois du travail pour les enfants depuis leur adoption et urge le gouvernement de moderniser les lois applicables afin de refléter les besoins actuels. Ces organisations sont notamment en accord quant aux principes fondamentaux devant encadrer le travail des enfants, afin que leur éducation ne soit pas compromise, que les conditions de travail soient adaptées à leurs besoins et que celles-ci visent à respecter les droits à la protection et à l'autonomie des enfants4.

En outre, l'avis dénonce la hausse des blessures chez les enfants âgés de 14 et 15 ans qui travaillent et rapporte que le nombre d'accidents du travail chez les jeunes a beaucoup augmenté entre 2012 et 2021 : de 392% pour les 14 ans et moins, de 221% pour les 15 ans et de 17% pour les jeunes de 16 ans. Les secteurs ayant le plus d'accidents du travail chez les jeunes sont le commerce de détail, l'hébergement et les services de restauration5.

Par ailleurs, au fédéral, une enquête sur les milieux de travail de compétence fédérale a été effectuée6. Cette dernière rapporte que, pour la période allant de 2010 à 2020, des employés de moins de 18 ans ont été impliqués dans 67 situations comportant des risques. Parmi celles-ci, 65 ont entraîné des blessures invalidantes.

  1. Nouvelles dispositions législatives qui visent le travail des enfants

    Au Québec

Face à ce besoin de mettre à jour les dispositions législatives visant le travail des enfants et de leur assurer une plus grande protection, le gouvernement provincial a déposé le PL 19, lequel modifie la LNT, la LSST et le RNT et contient des dispositions transitoires. Reste à voir s'il sera sanctionné, et donc adopté, sous sa forme actuelle. Sauf quelques exceptions, la majorité des modifications anticipées entreraient en vigueur au moment de la sanction du PL-19.

Âge de travail minimal : La LNT est modifiée pour établir l'âge de 14 ans comme l'âge minimum pour travailler, sauf dans les cas et sous les conditions énoncées par règlement.

Enfants de moins de 14 ans qui peuvent travailler : Le RNT est modifié pour prévoir que l'interdiction de faire travailler un enfant de moins de 14 ans ne vise pas l'enfant qui effectue les travaux suivant : créateur ou interprète dans un domaine de production artistique, livreur de journaux, gardien d'enfants, l'aide aux devoirs ou le tutorat, dans une entreprise familiale comptant moins de dix (10) salariés lorsque le travailleur est l'enfant d'un patron, dans un organisme à but non lucratif et à vocation sociale ou communautaire, organisme à but non lucratif pour assister une autre personne ou en soutien.

Formulaire obligatoire pour les travailleurs de moins de 14 ans : La LNT est modifiée pour indiquer que dans les cas où le travail pour les moins de 14 ans est autorisé par règlement, l'employeur d'un enfant de moins de 14 ans devra obtenir le consentement écrit du titulaire de l'autorité parentale sur un formulaire établi par la CNESST. Le formulaire contient les principales tâches, le nombre maximal d'heures de travail par semaine et les périodes de disponibilité de l'enfant. Toute modification apportée à l'un ou l'autre de ces éléments devra faire l'objet d'un nouveau consentement écrit

Nombres d'heures de travail maximales : La LNT est modifiée pour prévoir qu'un enfant assujetti à l'obligation de fréquentation scolaire ne peut travailler plus de 17 heures par semaine ni plus de dix (10) heures du lundi au vendredi. Ces interdictions ne visent pas les périodes de plus de sept (7) jours consécutifs au cours desquelles aucun service éducatif n'est offert, donc certaines périodes telles que le congé d'été, le congé des fêtes ou la semaine de relâche pourraient être exclus. De plus, ces interdictions n'entreraient en vigueur qu'à compter du 1er septembre 2023.

Aide financière : La LNT est modifiée pour donner le pouvoir à la CNESST d'octroyer une aide financière pour soutenir des initiatives d'information, de sensibilisation ou de formation en matière de normes du travail.

Analyses de risques pour le travail des enfants de 16 ans et moins : La LSST est modifiée pour préciser qu'il faut identifier, analyser et prendre en compte les risques pouvant affecter particulièrement la santé ou la sécurité des travailleurs âgés de 16 ans et moins, par exemple dans les programmes de prévention ou les plans d'action devant être mis en place par les employeurs.

Dispositions transitoires : Finalement, le PL-19 prévoit des modifications de concordance et des dispositions transitoires et finales. Notamment, l'employeur qui emploie présentement un travailleur de moins de 14 ans devra mettre fin à son emploi dans les 30 jours suivant la sanction du PL-19 en lui donnant un préavis conforme au PL-19, sauf si ce travailleur est visé par l'une des exceptions du RNT. Dans ce cas, l'employeur devra obtenir l'autorisation parentale écrite requise dans les mêmes délais. Lorsqu'applicables, les dispositions en lien avec la santé et la sécurité du travail entreront en vigueur en même temps que les dispositions pertinentes de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail.

Au fédéral

Âge de travail minimal : Dans un même ordre d'idées, le Décret fédéral fait passer de 17 à 18 ans l'âge minimum d'emploi.

Disposition transitoire pour les travailleurs de 17 ans : Le Décret fédéral met également en place une disposition transitoire qui permet aux employés qui ont 17 ans au jour de l'entrée en vigueur des modifications législatives (le 12 juin 2023) d'être considérés comme s'ils avaient 18 ans, à condition de demeurer employés par le même employeur dans le poste qu'ils occupaient ce jour-là.

  1. Considérations générales pour les employeurs

En bref, le PL-19 et le Décret fédéral apportent des changements importants au travail qui peut être effectué par une personne mineure. Pour bien se préparer aux changements législatifs à venir, les employeurs ont tout intérêt à déterminer si, parmi leurs employés, ils ont des travailleurs âgés de moins de 18 ans (au fédéral) et de 16 ans et moins (au provincial). Ensuite, les employeurs devront, selon l'âge de leurs employés mineurs et leur juridiction respective, déterminer quelles prochaines actions devront être adoptées, notamment à l'égard de changements d'horaires, d'identification des risques pour la santé et la sécurité du travail, ou même en lien avec une cessation d'emploi potentielle.

Si vous êtes un employeur et avez des questions ou aimeriez obtenir notre assistance, n'hésitez pas à contacter l'un des membres de notre groupe national de droit du travail.

Footnotes

1. Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art 156.

2. Règlement du Canada sur les normes du travail, C.R.C., ch. 986, art 10 [RCNT].

3. Comité consultatif du travail et de la main-d'Suvre, Avis du CCTM concernant le travail des enfants au Québec, décembre 2022

4. Ibid à la p. 11.

5. Ibid aux pp 88 et 89.

6. Règlement modifiant le Règlement du Canada sur les normes du travail (employés de moins de dix-huit ans) dans La Gazette du Canada, Partie II, volume 157, numéro 7.

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