Dans l'arrêt Angang Steel c. le président de l'ASFC, 2020 CAF 67, Angang Steel Company Limited et Angang International Trade Corporation (collectivement, Angang) ont présenté une demande de contrôle judiciaire devant la Cour d'appel fédérale (la Cour) en vertu de l'alinéa 96.1(1)b) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI). Angang a contesté la décision définitive de dumping rendue par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (le président) concernant les tôles d'acier résistant à la corrosion importées de Chine, du Taipei chinois, de l'Inde et de la Corée du Sud, en faisant valoir que la marge de dumping (c'est-à-dire la différence entre le prix sur le marché du pays exportateur ou « valeur normale », et le prix sur le marché canadien ou « prix à l'exportation ») précisée dans la décision finale du président était trop élevée.

La question centrale de la requête était de savoir si la compétence de la Cour pour réviser les décisions définitives s'étend à la taille de la marge de dumping qui a été trouvée, ou plutôt si elle est limitée à la conclusion de dumping elle-même.

Pour déterminer que la marge de dumping applicable pour Angang s'élevait à 53,3 pour cent du prix à l'exportation, le président s'est fondé sur les modalités fixées par le ministre visées au paragraphe 29(1) de la LMSI, établissant la valeur normale et le prix à l'exportation pour le dumping allégué de certaines feuilles d'acier résistant à la corrosion. Le président a adopté cette approche après avoir conclu qu'Angang n'avait pas fourni suffisamment de renseignements pour permettre une détermination plus adaptée à la situation.

Angang a fait valoir que la marge de dumping n'aurait pas dû être établie de cette manière, sans toutefois contester l'existence même du dumping ni soutenir que sa marge de dumping est « minimale &raraquo; (dans la LMSI, cet adjectif s'entend, dans le cas de la marge de dumping, d'une marge inférieure à deux pour cent du prix à l'exportation des marchandises).

En bref, la question en litige était de savoir si la Cour a compétence pour annuler la décision définitive rendue par le président en vertu de l'alinéa 41(1)b) de la LMSI si la marge de dumping, bien qu'elle ne soit pas minimale, est inférieure à celle établie. Après des analyses textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions pertinentes de la LMSI, la demande d'Angang a été rejetée par la Cour.

Analyse textuelle

Dans deux décisions récentes, basées sur une ancienne version de l'article 41 de la LMSI, la Cour a conclu qu'une décision définitive de dumping rendue par le président ne pouvait pas être annulée si la réduction de la marge de dumping n'avait pas pour effet de rendre cette marge minimale (voir Seah Steel Corporation c. Evraz Inc. NA Canada, 2017 CAF 172, et JFE Steel Corporation c. Evraz Inc. NA Canada, 2018 CAF 111). Angang a invoqué l'argument textuel selon lequel ces arrêts ne s'appliquent plus puisque l'article 41 de la LMSI a été modifié.

Avant que les modifications soient apportées, la décision définitive du président était rendue relativement à un pays donné, alors que l'attention est désormais portée sur l'exportateur.

La Cour a estimé que, malgré ces modifications, le critère donnant lieu à la décision définitive demeure le même. Ainsi, le président doit déterminer a) si des marchandises ont été sous-évaluées et, le cas échéant, b) si la marge de dumping est minimale. Le président ne peut rendre une décision définitive de dumping que s'il a établi que la marge de dumping est de deux pour cent ou plus. Comme le même processus s'applique maintenant à l'exportateur plutôt qu'au pays, la Cour a conclu qu'elle ne peut réviser que la décision définitive de dumping, et non la marge de dumping établie par le président.

Analyse contextuelle et téléologique

La Cour a également examiné la pertinence de la marge de dumping précisée par le président en vertu du sous-alinéa 41(1)b)(i) de la LMSI. Elle a conclu que cette détermination permet simplement au président d'établir si le dumping est minimal ou non, et qu'elle n'a aucune incidence sur les droits antidumping qui peuvent être imposés.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE) est chargé de décider si les marchandises sous-évaluées ont causé un dommage au marché intérieur ou menacent d'en causer un. Ce n'est que si une telle conclusion est tirée que des droits antidumping seront imposés. Par ailleurs, même après que le TCCE ait déterminé qu'un dommage a été causé, ce n'est pas la marge de dumping établie par le président qui s'appliquera. L'article 55 de la LMSI prévoit plutôt que le président doit désigner un agent qui supervisera la détermination des marges de dumping devant être utilisées pour calculer le montant des droits antidumping qui pourraient être imposés.

Comme il est manifeste que le législateur n'avait pas l'intention que la marge de dumping précisée par le président soit utilisée pour l'imposition des droits antidumping, remplacer une marge de dumping par une autre marge de dumping n'entraînerait aucune conséquence juridique si ces marges sont minimales.

Conclusion

Sur la base de ses analyses textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions pertinentes de la LMSI, la Cour a conclu qu'il n'existe aucun fondement permettant d'accueillir la demande de contrôle judiciaire d'Angang, puisque la décision définitive de dumping demeurerait inchangée, quelle que soit la marge de dumping applicable (si elle n'est pas minimale). À l'inverse, la Cour aurait été disposée à annuler la décision définitive si la marge de dumping avait été minimale.

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