Dans l'ensemble du Canada, les employés congédiés ont généralement l'obligation d'atténuer leurs dommages découlant d'un congédiement déguisé ou injustifié en cherchant un emploi comparable. Un emploi comparable n'est pas nécessairement un emploi identique, mais plutôt un poste comparable en termes de :

  • statut;
  • heures de travail;
  • rémunération.

Si l'employé ne s'est pas acquitté de son obligation d'atténuer ses dommages, la responsabilité de l'employeur à l'égard du préavis raisonnable de congédiement peut être réduite. Fait important, il incombe à l'employeur de prouver que l'employé ne s'est pas acquitté de son obligation d'atténuer ses dommages par la prise de mesures raisonnables ou l'acceptation d'une offre raisonnable de l'employeur actuel ou d'un nouvel employeur. Certains tribunaux ont déclaré que, pour faire valoir qu'un employé ne s'est pas acquitté de son obligation d'atténuer ses dommages, les employeurs doivent contribuer aux efforts de réemploi de l'employé en lui fournissant des conseils en matière d'emploi, des pistes d'emploi ou une lettre de recommandation. Il peut donc s'avérer très difficile de prouver qu'un employé a manqué à son obligation.

Des décisions récentes de l'Ontario et du Québec donnent une idée des circonstances où les tribunaux concluront que les employés n'ont pas réussi à atténuer leurs dommages.

Gannon c. Kinsdale Carriers

Une récente décision d'une cours de l'Ontario1 concernait une employée ayant été congédiée sans motif valable après 22 ans de service en raison de la fermeture de l'entreprise pour laquelle elle travaillait. Au moment de son congédiement, les fonctions de l'employée comprenaient la gestion des comptes clients, la répartition et le travail de commis de bureau.

Après avoir informé l'employée de la fermeture imminente de l'entreprise, l'employeur lui a fourni les coordonnées d'une entreprise du même secteur afin qu'elle s'informe des possibilités d'emploi. L'employée s'est rendue à une entrevue d'emploi auprès de cette entreprise. Le tribunal a établi que l'employée s'était vue offrir un poste de répartitrice à temps plein, avec des tâches administratives connexes. L'employée n'a pas accepté le poste, choisissant plutôt de « sonder le marché » et de suivre des cours en ligne.

L'employée a soutenu qu'aucune offre formelle ne lui avait été faite et que, si elle avait reçu une telle offre, celle-ci ne constituait pas un emploi comparable. Le tribunal n'était pas d'accord avec l'employée. Il a conclu qu'un emploi comparable raisonnable lui avait été offert et qu'il ne devrait pas incomber à l'employeur de financer les « projets d'études » de l'employée.

Le manquement à l'obligation d'atténuer ses dommages a été prouvé et l'employée n'a pas eu droit à des dommages-intérêts à titre de préavis raisonnable.

Poulin c. Hydro-Québec

Bien que de telles circonstances soient rares, l'obligation d'atténuer les dommages qui incombe à un employé peut nécessiter l'acceptation d'un nouvel emploi auprès de son ancien employeur dans un poste différent. Cette situation a récemment été analysée dans une décision de la Cour supérieure du Québec, où un haut dirigeant comptant 35 années de service a fait l'objet d'un congédiement déguisé en raison d'une restructuration des responsabilités de direction au sein de l'entreprise2.

L'employé a été informé qu'il serait réaffecté d'un poste de vice-président, principalement chargé de fonctions stratégiques, à un poste de directeur principal chargé de la mise en Suvre et de l'exécution de la stratégie. La Cour a conclu que le nouveau poste offert n'avait pas le même niveau de prestige que l'ancien poste et que l'employé avait effectivement été rétrogradé.

Malgré la conclusion selon laquelle l'employé avait fait l'objet d'un congédiement déguisé, la Cour a rejeté la demande et n'a accordé aucuns dommages-intérêts à titre de préavis raisonnable, au motif que l'employé aurait dû accepter le nouveau rôle et avait donc manqué à son obligation de limiter son préjudice.

En concluant qu'une personne raisonnable aurait accepté le nouveau rôle, la Cour a estimé que :

  • l'employé était très apprécié de l'employeur et de ses employés;
  • l'employé était pleinement qualifié pour le poste de directeur principal;
  • la relation de travail n'était pas acrimonieuse et il n'aurait pas été placé dans une position d'hostilité, d'embarras ou d'humiliation;
  • le travail n'aurait pas été dégradant;
  • la rémunération de l'employé demeurerait la même;
  • l'autre offre a été faite à l'employé alors qu'il était encore à l'emploi et avant qu'il ait intenté une action en justice.

La Cour a également souligné une décision de la Cour suprême du Canada selon laquelle l'obligation d'un employé d'accepter un autre poste est renforcée si la suppression du poste d'origine de l'employé n'est pas liée à l'employé, mais plutôt aux besoins légitimes de l'entreprise3.

Cette décision a été portée en appel. Nous surveillerons la progression de cette affaire.

Points à retenir

Dans le contexte actuel de l'emploi, les réclamations pour congédiement injustifié sont de plus en plus courantes, les périodes de préavis accordées sont de plus en plus longues et les clauses de cessation d'emploi des contrats de travail font l'objet d'un examen toujours plus minutieux. Le fait d'établir que l'employé ne s'est pas acquitté de son obligation d'atténuer ses dommages constitue l'un des rares moyens dont disposent les employeurs pour réduire leur responsabilité.

Footnotes

1. Gannon c. Kinsdale Carriers, 2024 ONSC 1060

2. Poulin c. Hydro-Québec, 2024 QCCS 280

3. Evans c. Teamsters Local 31, 2008 CSC 20

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