Bien que la prudence soit de mise dans ce type de situation, la Cour supérieure a récemment rejeté la demande introductive d'instance re-re-re-re modifiée contre un ingénieur pour abus de procédure. En l'absence d'allégation précise quant aux reproches formulés contre lui et d'expertise établissant une erreur, le tribunal rejette l'action en dommages-intérêts à son égard.

En 2011, un ingénieur est mandaté pour préparer des plans des fondations et de structure destinés à la construction d'une nouvelle annexe de l'usine appartenant à la demanderesse, Aliment Baril inc. Suite à la préparation de ses plans et ceux d'un architecte, la construction s'enclenche. En mars 2012, la demanderesse retient les services de 9037-0610 Québec inc. ("FPR") pour effectuer la pose d'un revêtement d'étanchéité sur le plancher de béton qui a été préalablement coulé. Puis, au début de l'année 2013, le revêtement commence à se décoller. À la demande de la demanderesse, une expertise est menée afin de déterminer la cause du décollement. Selon cette expertise, la cause la plus probable est la présence d'humidité dans le béton dépassant l'exigence maximale au moment de l'installation du revêtement d'étanchéité, combinée à d'autres facteurs. Étant donné que FPR refuse de remédier au problème, la demanderesse intente une action en dommage-intérêts contre FPR. En réponse à cette demande, FPR produit un rapport d'expert concluant essentiellement que le décollement est lié à la présence d'un taux d'humidité excessif à l'origine dans le plancher de béton et à l'absence d'un pare-vapeur en dessous de celui-ci. L'expert note que le pare-vapeur fait partie du mandat des architectes et non des ingénieurs.

Suite à l'obtention de ce rapport d'expert, la demanderesse modifie sa demande en dommages-intérêts pour ajouter comme parties l'entrepreneur général, l'architecte et l'ingénieur du projet. Puis, environ un an après cette modification, elle modifie à nouveau sa demande pour ajouter l'assureur de FPR au moment du sinistre.

Dans ce contexte, l'ingénieur demande le rejet de cette demande en raison de l'absence d'allégation précise de faute à son égard et de rapport d'expert établissant une quelconque faute. Pour sa part, la demanderesse conteste cette demande en rejet alléguant que l'ingénieur doit être tenu conjointement responsable avec l'architecte du problème de décollement du revêtement car l'une des causes probables est l'absence de pare-vapeur sous le plancher de béton.

La Cour supérieure accueille la demande en rejet du professionnel statuant que l'action en dommages-intérêts n'a aucune chance raisonnable de succès à l'égard de l'ingénieur. Elle fonde notamment son analyse sur l'absence d'allégation dans la demande indiquant des erreurs ou défauts imputables à celui-ci. Ainsi, le seul fait que « les plans relativement à la structure avaient eux été préparés par monsieur [...] ingénieur », n'est pas suffisant. De même, le rapport d'expert de FPR concluant le pare-vapeur ne fait pas partie du mandat des ingénieurs, n'est aucunement contredit.

Ce jugement récent rappelle la possibilité d'obtenir le rejet d'une action contre un professionnel pour abus de procédure lorsque les circonstances le permettent. Tel est le cas lorsque les défauts ou erreurs allégués dans la demande ne sont pas assez spécifiques contre le professionnel et qu'une expertise ne permet pas non plus de préciser ces derniers.

Rejet pour abus de procédure d'une action en responsabilité contre un ingénieur

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