La dernière mode au sein d'une industrie du cannabis en pleine évolution : une forme de financement alternatif bien connu dans le secteur minier crée de grandes attentes chez les sociétés et leurs investisseurs. 

En avril 2017, le gouvernement Trudeau a annoncé son intention de légaliser la marijuana à des fins récréatives au Canada et d'en réglementer l'accès; la date d'entrée en vigueur a été fixée en juillet 2018. Bien que les détails doivent encore être précisés, on s'attend à ce que les adultes canadiens soient en mesure d'acheter légalement du cannabis et d'en consommer. Il sera légal pour les producteurs autorisés de cultiver, de produire et de vendre du cannabis. Le régime actuel régissant l'accès à la marijuana à des fins médicales demeurera inchangé.

Selon des estimations sur la taille probable du marché du cannabis à des fins récréatives au Canada, cette activité pourrait s'avérer lucrative. En effet, une étude réalisée par Deloitte en 2016 révèle que le marché du cannabis pourrait générer des revenus estimés entre 4,9 et 8,7 milliards de dollars par année, ce qui, à l'extrémité supérieure de cette fourchette, pourrait rivaliser avec la taille du marché de la bière au Canada. Cela ne comprend pas le marché déjà en place chez nos voisins du sud dans certains États américains, comme le Colorado, Washington, la Californie ou le Maine, où la culture, la vente et l'utilisation de la marijuana sont désormais permises par la loi en vertu de la loi de l'État (même si, techniquement, cette activité est toujours illégale en vertu des lois fédérales).

Avec des enjeux aussi élevés, les entreprises de l'industrie du cannabis se sont empressées d'obtenir du financement pour la construction et l'agrandissement de leurs installations de production, en prévision de la légalisation. À ce jour, les marchés boursiers ont été leur principale source de financement, puisque les banques étaient réticentes à prêter de l'argent aux entreprises dont les activités, jusqu'à tout récemment, étaient considérées comme criminelles. En plus de ces préoccupations liées à la réputation (qui ont conduit certaines banques canadiennes à refuser même d'offrir des comptes de dépôt aux entreprises de cannabis), comme la propriété et le transfert des permis de production sont restreints par les lois en vigueur, des inquiétudes demeurent quant à la capacité des prêteurs d'obtenir, de mettre à exécution et de réaliser des garanties sur les biens d'une entreprise de cannabis en cas de défaut de paiement d'un prêt.

Pour les entreprises qui éprouvent des difficultés d'accès aux marchés boursiers ou qui l'ont fait antérieurement et ne souhaitent pas diluer la valeur des actions des actionnaires en mettant davantage d'actions sur le marché, le financement peut constituer un problème. Par conséquent, un nombre croissant d'entreprises de cannabis se tournent vers un produit de financement bien connu du secteur minier comme mode de financement du développement minier : l'entente de flux de métaux (« streaming deal »), adaptée à l'industrie du cannabis.

L'entente de flux est une technique de financement structuré comme un contrat à long terme visant l'achat et la vente de produits. Dans le contexte minier, en échange d'un dépôt initial en espèces, l'acheteur partie à l'entente de flux se voit accorder le droit d'acheter un pourcentage de la production de métaux, de temps à autre, de la mine du vendeur, et bénéficie d'un rabais important par rapport au prix du marché. Le dépôt initial est souvent utilisé pour financer la construction ou l'agrandissement de la mine, et est généralement non remboursable au moment où démarre la production minière. Pendant la phase de production de la mine, l'acheteur paie au vendeur le prix réduit en espèces, par once ou livre de métal, et la différence entre ce prix en espèces et le prix au comptant du métal sert théoriquement à réduire le montant du dépôt initial. Une fois le dépôt initial entièrement amorti de cette façon, pour la durée de vie résiduelle du flux, le revenu du vendeur provenant de ses ventes à l'acheteur correspond au prix réduit.

Il a été question de conditions similaires dans des transactions récentes régies par des ententes de flux dans l'industrie de la marijuana, y compris l'utilisation d'un dépôt initial visant à financer la construction d'une installation donnée, l'achat par l'acheteur d'un pourcentage de production de marijuana, soit à un prix fixe, soit au coût de production majoré d'une marge bénéficiaire, et, parfois, simultanément, au moyen d'une souscription au capital par l'acheteur partie à l'entente. Tout comme dans le secteur minier, un nombre limité de parties à une entente de flux sont perçues comme occupant ce champ d'activités, y compris Cannabis Wheaton, PannCann Streaming, The Green Streaming Finance Company et Canopy River (une filiale du producteur de marijuana Canopy Growth Corp.), qui a récemment fait son entrée sur le marché.

L'utilisation de ce mode de financement dans l'industrie de la marijuana n'est guère étonnante vu la présence de certaines caractéristiques communes aux entreprises minières et à celles de la production de cannabis, notamment :

  • Une mise de fonds initiale importante;
  • Un rendement de production souvent prévisible (dans une fourchette raisonnable) mais vendu aux prix du marché de façon à ce que les revenus puissent varier;
  • La volonté de maintenir le contrôle opérationnel et la souplesse en gardant un minimum d'engagements financiers et d'autres engagements;
  • Particulièrement pour les petits émetteurs, les avantages qu'ils peuvent tirer de leur image découlant de la validation de leur modèle d'entreprise par un acheteur du flux bien établi;
  • La difficulté par moment d'obtenir du financement par actions ou par emprunt et l'opposition des actionnaires à la dilution au moyen de financements répétés par émission actions.

Les questions d'ordre commercial, comptable et juridique soulevées par les ententes de flux dans l'industrie du cannabis peuvent être semblables à celles soulevées dans le secteur minier, y compris :

  • D'un point de vue comptable, le traitement du revenu reporté du dépôt initial;
  • La structuration fiscale, qui, une fois encore, comprend la garantie du traitement du revenu reporté et la répartition des risques potentiels continus liés à l'impôt, comme la retenue et la nouvelle qualification;
  • Les questions liées à la prise de garanties sur les installations de production financées;
  • Le juste équilibre entre, d'un côté la volonté de l'acheteur du flux d'obtenir de l'information en permanence au sujet de la production, et de l'autre, le besoin de souplesse opérationnelle du producteur;
  • La nécessité de s'assurer que l'acheteur du flux est protégé en cas de vente de l'installation ou d'insolvabilité ayant une incidence sur le producteur.

Les personnes qui ont de l'expérience en matière d'ententes de flux de métaux connaissent bien ces questions et la façon de les aborder. Quant aux autres, le caractère à long terme de ces ententes, dont la durée peut s'étendre sur des décennies, ainsi que leurs répercussions possibles sur les revenus à long terme et la flexibilité commerciale du producteur exigent que tous les acteurs de ce nouveau secteur obtiennent les conseils juridiques, financiers, comptables et fiscaux nécessaires sur ces enjeux ainsi que sur d'autres enjeux.

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