Résumé

Le présent texte est consacré aux règles et critères gouvernant l'émission d'ordonnances provisoires, notamment des injonctions, dans le cadre du recours pour oppression prévu par la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi sur les sociétés par actions (Québec).

Le recours pour oppression constitue un outil majeur de protection des intérêts et attentes raisonnables des parties prenantes d'une société par actions. Cette protection profi te notamment aux actionnaires minoritaires de ces sociétés, qui bénéfi cient de la fl exibilité du recours et des vastes pouvoirs qu'il accorde aux tribunaux pour se prémunir contre les abus potentiels de la majorité et du conseil d'administration.

La popularité du recours pour oppression dans la jurisprudence québécoise des dernières années ne se dément pas. Il n'existe toutefois aucun doute que ce recours pourrait souvent s'avérer ineffi cace s'il n'était pas assorti de la possibilité d'obtenir des ordonnances au stade provisoire. Il est établi que de telles ordonnances peuvent être obtenues en début de dossier ou, du moins, avant le jugement fi nal. De plus, il est clair depuis l'arrêt de la Cour d'appel dans St-Germain, rendu en 2011, qu'une partie ne peut normalement obtenir une ordonnance provisoire dans un recours pour oppression sans démontrer qu'elle respecte les quatre critères de l'injonction interlocutoire provisoire, soit l'apparence de droit, le préjudice sérieux et irréparable, la balance des inconvénients et l'urgence.

On constate pourtant que, malgré ce rappel, certaines questions persistent quant au fardeau devant être rempli pour obtenir ces ordonnances. (1) Les tribunaux font-ils la distinction entre l'injonction interlocutoire provisoire, l'ordonnance de sauvegarde et l'injonction interlocutoire lorsqu'il s'agit d'un recours pour oppression et l'urgence doit-elle vraiment toujours être démontrée ? (2) Existe-t-il une exception à l'application des critères en présence d'oppression manifeste selon la théorie du « strong prima facie case of oppression » ? (3) Qu'en est-il des ordonnances demandées au stade provisoire dans un recours pour oppression mais pour lesquelles les lois ou la jurisprudence prévoient d'autres critères ? (4) Les critères de l'injonction provisoire doivent-ils s'appliquer à une demande d'obtenir de la documentation ? Ces questions font l'objet de la première partie du présent texte.

Par ailleurs, chacun des quatre critères sera analysé par les tribunaux en tenant compte du fait qu'on évolue en matière d'oppression et, donc, selon la grille d'analyse et les particularités de ce recours. La deuxième partie du présent texte est consacrée à cette réalité. Par exemple, l'analyse de l'apparence de droit sera considérablement marquée par la notion d'attentes raisonnables, fondamentale en matière d'oppression, et il faudra d'abord et avant tout s'interroger sur l'existence ou non d'une réelle ouverture au recours pour oppression en vertu de la loi. Lorsqu'on procédera à l'analyse du préjudice irréparable, il sera forcément nécessaire de s'attarder à la position économique des parties. D'un côté, le tribunal peut-il permettre qu'on mette une pression fi nancière considérable sur le plaignant sous prétexte que son préjudice est théoriquement compensable en argent ? De l'autre, est-il adéquat d'émettre des ordonnances provisoires en faveur d'un plaignant qui demande le rachat ou l'achat de ses actions ? Quant à la balance des inconvénients, les tribunaux accorderont une importance toute particulière à l'intérêt de la société touchée par le recours pour oppression. Sur l'urgence, les tribunaux tiendront compte du caractère continu de l'oppression et des motifs qui ont pu faire en sorte qu'un plaignant ait attendu avant de solliciter des ordonnances provisoires. Le traitement par les tribunaux de ces critères dans le cadre du recours pour oppression fait l'objet de la deuxième partie du présent texte.

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Previously published in Revue du Barreau/Tome 76/2017

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