Le 1er juin 2017, le gouvernement de l'Ontario a introduit le projet de loi 148 devant l'Assemblée législative. Par ce projet de loi, le gouvernement propose d'importants changements à la Loi de 2000 sur les normes d'emploi (LNE) et à la Loi de 1995 sur les relations de travail (LRT) de la province. Ces changements donnent suite aux consultations publiques et aux travaux de conseillers spéciaux nommés par le gouvernement. Le projet de loi 148 a franchi plusieurs étapes du processus législatif à la vitesse de l'éclair et le Comité permanent des finances et des affaires économiques en est déjà saisi. À la suite d'une brève consultation publique qui a eu lieu cet été, le Comité a voté certaines modifications au projet de loi.

Les plus importantes modifications introduites à LNE et à la LRT sont décrites ci-dessous. Les modifications en italiques sont les modifications supplémentaires adoptées le 21 août dernier.

Modifications proposées aux normes d'emploi

Hausse du salaire minimum

À quelques exceptions près, le salaire minimum sera porté à 14 $/heure en 2018 et à 15 $/heure en 2019, ce qui fera de l'Ontario la province la plus généreuse à cet égard, aux côtés de l'Alberta. Les salaires continueront d'augmenter en fonction de l'inflation.

Égalité salariale pour le même travail pour les employés occasionnels, à temps partiel, temporaires et saisonniers

Ces modifications visent à assurer non seulement que ces employés reçoivent le même salaire que leurs collègues travaillant à temps plein (avec certaines exceptions comme celle portant sur l'ancienneté), mais également qu'ils puissent s'en assurer en demandant une révision salariale s'ils croient que ce n'est pas le cas, sans crainte de représailles.

Les employés d'agences de placement temporaire auront droit à la même rémunération que les employés permanents et à un préavis de cessation d'emploi (ou une indemnité tenant lieu de préavis) d'une semaine si l'affectation devait durer plus de trois mois.

Des modifications au projet de loi 148 ont été introduites pour clarifier l'exception portant sur l'ancienneté. Cette exception autorise un système de rémunération différenciée si la différence du taux horaire est fondée sur les heures de travail accumulées.

Droits relatifs à la planification des horaires

Les employés auront le droit de demander des changements d'horaire ou de lieu de travail après trois mois de service. Les employeurs ne seront pas tenus d'accepter : la modification vise à protéger les employés qui font de telles demandes contre des représailles.

Les employés auront le droit de refuser d'effectuer des quarts de travail ou du travail « sur appel » lorsqu'ils auront reçu moins de quatre-vingt-seize heures de préavis. Des exceptions ont été introduites pour les demandes relatives aux « traitement d'une urgence », pour « réduire un danger pour la sécurité publique » ou « pour toute autre raison prescrite » par règlement. Des discussions sont en cours avec les employeurs de certains secteurs afin de minimiser l'impact de ces changements sur leurs entreprises.

Les employés dont le quart de travail est annulé dans un délai de moins de 48 heures ou les employés qui travaillent régulièrement plus de trois heures par jour, mais qui doivent se présenter au travail pour moins de trois heures, devront être rémunérés pour trois heures.

Les employés « sur appel » qui ne sont pas appelés à travailler devront également être rémunérés pour trois heures par période de 24 heures.

Classification erronée des employés en tant qu'entrepreneurs

Il incombera dorénavant aux employeurs confrontés à un différend sur la classification d'un entrepreneur de prouver que cette personne n'est pas un employé. Les employeurs fautifs pourraient faire face à des poursuites, à une divulgation publique de la condamnation dont ils ont été l'objet et à des sanctions pécuniaires.

Ces modifications législatives, dont l'entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2018, feront sans doute en sorte que les employeurs y penseront à deux fois avant d'embaucher des entrepreneurs.

Responsabilité conjointe facilitée pour les entreprises apparentées

À partir du 1er janvier 2018, il sera dorénavant plus facile de faire reconnaître deux employeurs comme un seul employeur aux fins de l'application de la LNE. La disposition actuelle exigeant que le demandeur fasse la preuve que l'arrangement des deux employeurs a pour « objet ou effet »  de faire échec à l'application de la LNE sera éliminée, ce qui facilitera le recouvrement des sommes dues par des entreprises tierces apparentées.

Augmentation du seuil de congés payés

À partir du 1er janvier 2018, l'Ontario se joindra au petit nombre de juridictions canadiennes qui offrent des congés annuels généreux : les employés auront droit à trois semaines de congés payés après cinq ans de service.

Congé d'urgence rémunéré

Tous les employeurs devront accorder dix journées de congé d'urgence personnelle aux employés, quelle que soit la taille de leurs effectifs. Deux de ces jours de congé d'urgence personnelle devront dorénavant être rémunérés et les employeurs ne pourront plus demander de billets médicaux d'un professionnel de la santé qualifié. Ils pourront cependant demander à leurs employés qu'ils fournissent une « preuve raisonnable » à cet égard.

Augmentation de la durée du congé familial pour raison médicale

Ce congé permettant d'accompagner ou de fournir des soins à un membre de la famille sur le point de décéder passera à 27 semaines sur une période de 52 semaines à partir du 1er janvier 2018.

Congé pour violence sexuelle ou familiale

Un nouveau congé non rémunéré pour violence sexuelle ou familiale est créé à des fins précises énoncées dans la loi. Le congé pourra durer jusqu'à dix jours ou 15 semaines par année. L'employé aura le choix de prendre des semaines ou des jours de congé, selon ce qui sera le plus approprié.

Prolongation du congé parental

La période de congé parental passera de 35 semaines (si l'employée s'est également prévalue d'un congé de maternité) à 61 semaines et de 37 semaines (si l'employé(e) n'a pas pris de congé de maternité) à 63 semaines. Cette modification est conforme aux changements récents apportés à la Loi sur l'assurance-emploi du gouvernement fédéral qui ne sont pas encore entrés en vigueur.

Accent sur l'application des normes

Plusieurs mesures sont attendues concernant l'application de la loi. On s'attend notamment à des sanctions accrues pour défaut de se conformer à la loi et à la facilitation du recouvrement de salaire, que ce soit par le gouvernement ou par un agent de recouvrement autorisé.

En plus de ces modifications législatives, le gouvernement a également fait part de son intention d'investir massivement pour favoriser le respect de la loi en embauchant jusqu'à 175 agents des normes d'emploi qui auront la responsabilité, entre autres, d'inspecter les lieux de travail et d'enquêter sur les plaintes.

Le ministère du Travail de l'Ontario a également annoncé son intention de procéder à un examen plus approfondi des diverses exemptions de la LNE et des règles spéciales selon les secteurs dès cet automne, dans le cadre de cette réforme. Cet examen devrait comprendre des exemptions pour les gestionnaires et les superviseurs.

Modifications proposées à la Loi sur les relations de travail

Retour au modèle d'accréditation syndicale fondée sur les cartes d'adhésion

L'accréditation sera maintenant fondée sur les cartes d'adhésion dans des secteurs spécifiques, soit : les agences de placement temporaire, les services de la construction, les soins à domicile et les services communautaires.

Comme l'ont noté les conseillers spéciaux, le système des cartes d'adhésion avantage nettement les syndicats dans le contexte des processus d'accréditation. Ces modifications auront vraisemblablement un impact important sur les lieux de travail touchés.

Faciliter l'accréditation automatique

Les syndicats pourront plus facilement être accrédités lorsqu'un employeur enfreindra la LRT.

Arbitrage de la première convention collective

Ces modifications visent à faciliter l'accès à l'arbitrage de la première convention collective ainsi qu'à la médiation.

Accès aux listes d'employés et à leurs coordonnées

Il sera dorénavant possible pour un syndicat de déposer une demande auprès de la Commission des relations de travail de l'Ontario (CRTO) pour avoir accès à une liste d'employés. Si la CRTO conclut que le syndicat a obtenu l'appui de 20 pour cent des employés, il aura le droit d'avoir accès à la liste d'employés. Cette liste doit comprendre le nom de chaque employé de l'unité de négociation proposée, le numéro de téléphone et l'adresse électronique personnelle de l'employé, dans la mesure où elle a été fournie à l'employeur.

Si l'employeur souhaite contester l'estimation du nombre d'employés dans l'unité d'accréditation faite par le syndicat, il devra fournir une déclaration établissant le nombre d'employés pouvant raisonnablement être compris dans l'unité de négociation proposée.

Ce changement facilitera la syndicalisation parce que les syndicats connaitront dorénavant le nombre de bulletins de vote nécessaire pour l'emporter lors d'un vote.

Structure des unités de négociation lorsqu'il y a plusieurs unités

Fait intéressant pour les employeurs, à l'instar du secteur fédéral, la CRTO sera habilitée à modifier la structure des unités de négociation lorsqu'elles ne seront plus appropriées et à regrouper des unités de négociation nouvellement accréditées pour un même employeur après le dépôt d'une demande par l'employeur ou le syndicat.

Protection améliorée concernant les grèves ou les lock-out légaux et contre les mesures disciplinaires sans motif valable

La limite actuelle de six mois pour un droit de retour au travail après une grève ou un lock-out légal sera éliminée.

Les employeurs auront aussi l'obligation de prouver qu'il ont un motif valable d'imposer des mesures disciplinaires ou d'effectuer un congédiement lorsque ces évènements se produiront entre la date du début du droit de grève / lock-out et la date de la conclusion de la première convention collective, ainsi que durant la période entre le moment de l'accréditation et la conclusion d'une première convention collective.

Les prochaines étapes

Le projet de loi 148 continuera sa progression à l'Assemblée législative cet automne. Il est probable que cette version du projet de loi devienne loi, étant donné que le gouvernement est majoritaire et la vitesse à laquelle le projet de loi a franchi les diverses étapes du processus. Toutefois, il n'est pas impossible que des modifications supplémentaires soient faites et les employeurs devraient donc continuer à surveiller étroitement cette question.

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