La décision récente de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire Feldstein c. 364 Northern Development Corporation (PDF - disponible en anglais seulement) est un rappel  important que les employeurs fournissant des renseignements inexacts ou trompeurs à un employé potentiel lors du processus d'embauche peuvent être trouvés coupables d'avoir fait de fausses représentations de façon négligente. 

Les faits

M. Feldstein a postulé un emploi d'ingénieur en logiciels auprès de la société 364 Northern Development Corporation (« NDC »). Avant d'accepter le poste, M. Feldstein a demandé au directeur principal de l'information (« DPI ») de NDC des renseignements sur les exigences d'admissibilité au régime d'invalidité de longue durée (« ILD ») de la société. Cette question était très importante pour M. Feldstein, puisqu'il souffrait de fibrose kystique et savait qu'il aurait éventuellement besoin de prestations d'ILD plutôt substantielles. 

Le DPI a remis à M. Feldstein un dépliant qui résumait le régime d'ILD de NDC et qui contenait une clause exigeant une « preuve de bonne santé ». M. Feldstein a demandé au DPI ce que signifiait cette clause et le DPI lui a expliqué qu'il serait admissible au régime d'ILD après une période d'emploi de trois mois. Sur le fondement de ces renseignements, M. Feldstein a accepté le poste et a signé un contrat d'emploi.

Le contrat d'emploi contenait une clause intitulée « entente intégrale ». Cette clause stipulait que le contrat remplaçait toute communication, tout accord et toute entente préalables entre les parties. Le contrat ne contenait aucune disposition relative au régime d'avantages sociaux.

Peu de temps après l'entrée en fonction de M. Feldstein, son état de santé s'est gravement détérioré. Il a présenté une demande de prestations d'ILD et s'attendait à recevoir le plein montant de la couverture qui pouvait atteindre 5 000 $ par mois. Il a plutôt découvert qu'il n'était admissible à recevoir que 1 000 $ par mois et qu'après les déductions applicables, ce montant atteignait moins de 36,56 $ par mois. Il a également découvert qu'il aurait dû remplir un questionnaire médical complet pour établir une « preuve de bonne santé ». Or, M. Feldstein, ne l'avait pas rempli et il n'était pas admissible à recevoir les prestations maximales d'ILD. M. Feldstein a poursuivi NDC pour lui avoir fait de fausses déclarations de façon négligente

La décision

Le juge de première instance a conclu que NDC avait fait de  fausses déclarations de manière  négligente au sujet des conditions d'admissibilité à son régime d'ILD. Les critères en matière de fausses déclarations faite de manière négligente sont :

  1. une obligation de prudence fondée sur une « relation particulière » existe entre les parties;
  2. la déclaration doit être inexacte, fausse ou trompeuse;
  3. la personne qui a fait la déclaration a fait preuve de négligence;
  4. la personne qui a reçu la déclaration a raisonnablement fondé sa décision sur la déclaration; 
  5. la personne qui a reçu la déclaration  a subi des dommages en  fondant sa décision sur cette déclaration.

L'obligation de diligence

NDC a admis qu'elle avait une obligation de diligence envers M. Feldstein, à titre d'employeur faisant des déclarations  à un employé potentiel.

La déclaration est inexacte, fausse ou trompeuse

Le tribunal a conclu que l'explication du DPI au sujet de la « preuve de bonne santé » était manifestement inexacte. L'explication donnée aurait convaincu à tort une personne raisonnable qu'elle devenait admissible aux prestations maximales d'ILD après trois mois de travail continu auprès de NDC, sans qu'il soit nécessaire de remplir un questionnaire médical.  

La négligence au moment de la déclaration

La Cour a statué que NDC a été négligente au moment où elle a fait ces déclarations au sujet du régime d'ILD. Le DPI n'a fait aucune vérification pour s'assurer de l'exactitude de ses déclarations. L'employeur a également omis de remettre à M. Feldstein le questionnaire médical exigé par l'assureur.

Le fondement raisonnable sur la déclaration

La Cour a conclu que M. Feldstein avait raisonnablement  fondé sa décision sur les déclarations du DPI.

Le fait de  fonder sa décision sur les déclarations a entraîné un préjudice

Enfin, le tribunal a conclu que, compte tenu des préoccupations de M. Feldstein au sujet de sa santé, il n'aurait pas accepté une offre d'emploi qui n'était pas assortie d'une assurance d'ILD adéquate et de critères d'admissibilité acceptables. 

La clause d'entente intégrale

NDC a invoqué que la clause d'entente intégrale empêchait M. Feldstein d'intenter une action en raison de fausses déclarations faites de manière négligente.   Le tribunal n'a pas retenu cet argument aux motifs que la clause n'excluait pas précisément la responsabilité en cas de négligence et que l'explication du DPI au sujet de la notion de « preuve de bonne santé » n'était pas consignée au contrat d'emploi. Cette question était donc externe au contrat. Par conséquent, le tribunal a conclu que la clause ne pouvait pas exclure la responsabilité découlant de la fausse déclaration énoncée  préalablement à la signature du contrat.

La condamnation à des dommages-intérêts

Le juge de première instance a octroyé une somme de 83 336,80 $ à M. Feldstein à titre de compensation pour les prestations d'ILD perdues, et une somme additionnelle de 10 000 $ à titre de dommages-intérêts majorés.

L'appel

NDC a porté la décision du juge de première instance en appel. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a statué que NDC n'avait pas établi que le juge de première instance avait erré dans l'application des critères de la notion de fausses déclarations faites de manière négligente. Ainsi, la Cour a confirmé la décision du juge de première instance ainsi que le montant des dommages-intérêts octroyés pour pertes de prestations.

Toutefois, la Cour d'appel a jugé que l'octroi de dommages-intérêts majorés était inapproprié, au motif que de tels dommages ne sont justifiés que si la conduite de l'employeur est abusive. Bien que les renseignements fournis par NDC aient été trompeurs, la Cour a statué qu'aucune preuve n'établissait que NDC avait agi de manière délibérément dolosive ou abusive, et elle a annulé l'octroi de la somme de 10 000 $ en dommages-intérêts majorés.

Ce que les employeurs doivent retenir

Cette décision souligne l'importance de s'assurer de l'exactitude des renseignements fournis aux employés potentiels lors du processus d'embauche. Le responsable du recrutement doit faire preuve de jugement et faire appel à qui de droit au sein de la société ou même à un tiers qui est davantage en mesure de répondre aux questions d'un employé potentiel. À tout le moins, en cas de doute, le responsable a l'obligation de vérifier l'exactitude des renseignements qu'il transmet au candidat afin d'éviter des conséquences coûteuses pour l'employeur.

Sommaire : Le présent article résume une  décision récente de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans laquelle la Cour confirme l'octroi de dommages-intérêts pour avoir communiqué à un employé potentiel de fausses déclarations de manière  négligente lors du processus d'embauche. 

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