Au Canada, un employé congédié a habituellement le droit de recevoir un préavis de licenciement ou son salaire durant la période de préavis travaillé, à moins qu'il ait été congédié pour un motif valable. Lorsqu'un employé reçoit des prestations de retraite ou des prestations d'invalidité pendant la période du préavis, la question se pose de savoir si ce dernier peut recevoir à la fois son salaire de base tenant lieu de préavis et des prestations de retraite ou d'invalidité. Les prestations de retraite ou d'invalidité devraient-elles être déduites du salaire que doit verser l'employeur durant la période de préavis?

Double indemnisation?

Il peut arriver qu'un employé congédié commence à recevoir des prestations de retraite peu de temps après son congédiement. Ces paiements pourraient commencer au cours de la période durant laquelle l'employé aurait autrement reçu un salaire tenant lieu de préavis. Dans d'autres cas, des employés peuvent être congédiés pendant qu'ils sont en congé de maladie et qu'ils reçoivent déjà des prestations d'invalidité de courte ou de longue durée. S'agit-il de double indemnisation? Un employé peut-il légitimement demander que l'employeur lui verse son salaire même si l'employé reçoit de telles prestations, le plaçant ainsi, pour la période de préavis, dans une meilleure situation que s'il n'avait pas été congédié?

Tout dépend de la situation.

La question était auparavant très complexe. L'analyse reposait presque entièrement sur la question de savoir qui avait contribué au régime de retraite ou au régime d'assurance invalidité (voir par exemple: Sylvester c. Colombie-Britannique; Sills v. Children's Aid Society of the City of Belleville; McNamara v. Alexander Centre Industries Ltd.) Cette question demeure pertinente, mais en 2013, la Cour suprême du Canada a statué qu'il fallait y accorder peu de poids (voir IBM Canada Limitée c. Waterman). Les nouvelles règles sont plus faciles à appliquer.

En bref

Il y aura toujours des exceptions, mais voici en quelques mots les réponses à nos questions :

Les prestations de retraite : Règle générale, lorsqu'un employé a directement ou indirectement cotisé à un régime de retraite, il a droit aux prestations de retraite et au salaire tenant lieu de préavis. Cela se produit parce que les prestations de retraite constituent une forme d'épargne-retraite différée pour les services rendus par l'employé. Elles constituent un type d'épargne-retraite et non une indemnité pour la perte de salaire découlant d'une perte d'emploi.

Les prestations d'invalidité : Règle générale, les prestations d'invalidité à court ou à long terme que reçoit un employé congédié pendant la période de préavis sont déduites du calcul du montant tenant lieu de préavis que doit verser l'employeur (voir, en plus de Waterman, Morris v. ACL Services Ltd.et Lethbridge Industries Ltd v Alberta (Human Rights Commission)). En effet, les prestations d'invalidité représentent une indemnité pour la perte de revenu. Elles ont donc la même fonction que le préavis versé par l'employeur en contexte de congédiement.

Un principe et des exceptions

Il existe un principe en droit des contrats au Canada voulant qu'en cas d'inexécution d'un contrat, des dommages-intérêts sont versés par la partie qui brise le contrat afin de remettre la partie lésée dans la situation où elle aurait été si le contrat n'avait pas été violé. Ces mesures sont de nature réparatrice et les dommages sont calculés en fonction de la perte réelle de la partie lésée. De manière générale, ces règles s'appliquent au congédiement injustifié, un cas d'inexécution du contrat d'emploi.  L'employé doit donc être « dédommagé » en recevant son salaire durant la période de préavis « raisonnable » à laquelle il avait droit. Parfois,  un revenu d'une source autre que les dommages‑intérêts payables par l'employeur atténue la perte causée à l'employé. Dans certains cas, l'employeur peut déduire ces avantages du montant du salaire payé au lieu du préavis. Dans d'autres cas, cela n'est pas possible.

Par exemple, la double indemnisation est permise lorsque l'exception de l'assurance privée s'applique.

L'exception de l'assurance privée

Selon cette exception, les indemnités que reçoit l'employé par l'entremise d'une assurance privée (ou au moyen d'autres régimes comparables aux assurances privées) ne réduisent pas le montant que l'employeur verserait autrement à l'employé.

La nature et l'objet de la prestation constituent des facteurs importants permettant de déterminer  si l'exception de l'assurance privée s'applique. Si la prestation ne vise pas à indemniser l'employé du type de perte causé par le manquement de l'employeur (ici, perte de salaire), elle ne sera généralement pas déduite du calcul du montant du préavis pour congédiement injustifié.  Plus la prestation s'apparente à un dédommagement pour le type de perte causée par le congédiement injustifié (perte de salaire), plus les circonstances militent en faveur de la déduction des prestations du montant du préavis versé par l'employeur.

À retenir

Si un employeur se demande s'il devrait déduire les prestations de retraite ou d'invalidité du montant du salaire tenant lieu de préavis, il doit se pencher sur la nature et l'objet du régime de prestations. Règle générale, les prestations de retraite sont « non indemnitaires » (elles ne représentent pas une indemnité pour une perte de salaire) et ne réduisent donc pas le montant du salaire tenant lieu de préavis que doit verser l'employeur. Au contraire, les prestations d'invalidité sont souvent « indemnitaires » et l'employeur peut généralement déduire du préavis à verser à l'employé les montants reçus à ce titre par l'employé durant la période de préavis.

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