Plusieurs franchiseurs, de même que plusieurs conseillers juridiques appelés à rédiger un contrat de franchise, hésitent à y stipuler des pénalités.

Il est vrai que les clauses pénales stipulées dans un contrat suscitent souvent certaines craintes de la part de futurs franchisés, et de leurs conseillers juridiques et financiers, et rendent donc le contrat qui les comporte un peu plus difficile à faire accepter et à négocier.

Vaut-il donc vraiment la peine de les inclure au contrat?

De telles clauses vous protègent-elles vraiment ou ne vous procurent-elles qu'une illusion de sécurité?

Les clauses pénales constituent selon moi un excellent outil de gestion du risque et de dissuasion face à un franchisé qui envisagerait de contrevenir à ses engagements.

Un contrat de franchise se démarque de plusieurs autres types de contrats par le nombre, et l'importance, des engagements de faire et de ne pas faire que l'on y retrouve.

À défaut de clause pénale, le franchiseur n'aura, selon la loi, que deux recours à sa disposition en cas de contravention par un franchisé à l'un ou plusieurs de ces engagements de faire ou de ne pas faire, soit :

  • un recours en injonction pour le contraindre à respecter le contrat ou à cesser de poser des gestes allant à l'encontre de ses obligations, et
  • un recours en dommages en réparation des pertes causées par une telle contravention.

Notamment dans le cas de défaut à un engagement de confidentialité, de non-concurrence ou en matière de protection des renseignements confidentiels et des droits de propriété intellectuelle du franchiseur, il est souvent difficile d'obtenir (surtout rapidement) des injonctions et des ordonnances efficaces pour assurer une protection adéquate des droits du franchiseur.

D'autre part, il s'agit aussi là d'engagements pour lesquels le franchiseur pourra avoir beaucoup de difficulté à prouver à un tribunal les dommages directs et prévisibles (lesquels sont, sauf dans de rares cas, les seuls pouvant être compensés par voie judiciaire) subis en cas de contravention.

Par exemple, prenons le cas d'un ex-franchisé qui décide de faire fi de ses engagements de non-concurrence en continuant à exploiter un établissement similaire dans le même local que sa franchise.

Comment le franchiseur, qui n'a alors plus de points de vente à cet endroit (puisque son seul point de vente dans ce marché était celui exploité par l'ex-franchisé), pourra-t-il évaluer, et surtout prouver à un tribunal, les dommages directs subis en raison de cette contravention?

Aussi, comment un franchiseur peut-il évaluer les dommages directs subis dans le cas d'un franchisé qui a divulgué à un concurrent des normes d'exploitation confidentielles du réseau?

Les clauses pénales sont d'abord là pour régler cette difficulté en établissant, dans le contrat même, des montants que le franchisé s'engage à payer dans de tels cas.

Mais leur rôle le plus important n'est pas celui-là.

Le but premier de toute clause pénale en est un de dissuasion.

Lorsqu'un franchisé envisage de contrevenir à une clause du contrat, il évaluera souvent cette possibilité en tenant compte des conséquences prévisibles d'un tel défaut.

La gravité des conséquences prévisibles, de même que la probabilité que le franchisé ait à les subir, seront donc des facteurs importants dans sa décision de contrevenir, ou de ne pas contrevenir à son engagement.

Une clause pénale bien rédigée viendra jouer sur ces deux facteurs et contribuera à rendre plus difficile toute décision d'aller à l'encontre du contrat.

Il faut cependant savoir que, en vertu de l'article 1623 du Code civil du Québec, un tribunal peut réduire (mais non augmenter) une pénalité stipulée à un contrat « si l'exécution partielle de l'obligation a profité au créancier ou si la clause est abusive ». Il est donc important de bien la calibrer afin d'en obtenir le plein effet dissuasif sans qu'elle ne soit perçue comme démesurée ou exorbitante (ce qui en diminuerait l'effet dissuasif en raison de la quasi-certitude qu'un tribunal la réduira de façon importante en raison de son caractère abusif).

Dans la décision d'inclure, ou non, une clause pénale à un contrat de franchise, il faut aussi tenir compte du fait qu'une telle clause peut réduire la possibilité d'obtenir rapidement une ordonnance d'injonction pour mettre fin au comportement allant à l'encontre des clauses du contrat.

En effet, deux des critères importants à l'obtention d'une injonction portent sur la difficulté d'évaluer le préjudice et sur son caractère irréparable. Or, une clause pénale constitue, en quelque sorte, une forme d'évaluation anticipée du dommage subi par le défaut qui en fait l'objet et, dans la mesure où le franchisé est en mesure de payer la pénalité stipulée, offre donc un moyen de réparation du préjudice subi.

Malgré ceci, la présence d'une clause pénale ne constitue pas, en soi, un obstacle insurmontable à l'obtention d'une injonction dans les cas qui s'y prêtent, surtout lorsque la clause réserve clairement au franchiseur le droit de recourir à l'injonction pour assurer le respect de ses droits.

Cependant, il faut aussi savoir que, en vertu de l'article 1622 du Code civil du Québec, le franchiseur en faveur duquel une clause pénale a été stipulée « ne peut en aucun cas demander en même temps l'exécution et la peine, à moins que celle-ci n'ait été stipulée que pour le seul retard dans l'exécution de l'obligation. » En langage plus clair, ceci signifie que le franchiseur ne peut réclamer à la fois la pénalité stipulée à la clause pénale et requérir une injonction pour contraindre son franchisé à respecter l'obligation qui en fait l'objet. En effet, il doit choisir entre ces deux recours, sauf seulement dans le cas où la pénalité porte sur le fait que l'obligation n'a pas été respectée en temps opportun.

TROIS CONSEILS PRATIQUES

Confiez la rédaction de vos clauses pénales à un juriste expérimenté dans ce type de disposition

La décision d'inclure une clause pénale à un contrat, le choix des clauses du contrat de franchise qui devraient être assujetties à une clause pénale ainsi que la détermination (ainsi que le mode de calcul) d'une pénalité adéquate (dissuasive sans être exorbitante) sont des décisions délicates pour lesquelles le recours à un juriste expérimenté en la matière est primordial.

Il est très risqué pour une personne non expérimentée de tenter de rédiger de telles clauses, d'autant plus que ce risque ne se manifestera que trop tard (puisque les déficiences et les faiblesses de cette clause ne se matérialiseront qu'après qu'un défaut aura été commis).

Faites bien attention à la pénalité calculée par jour : elle recèle souvent un piège important

Plusieurs contrats stipulent une pénalité calculée par jour que se poursuit un défaut.

Bien qu'une telle pénalité convienne pour plusieurs engagements (par exemple, pour une clause de non-concurrence), ce n'est pas le cas pour d'autres dont l'impact d'un défaut ne dépend pas de sa durée comme, à titre d'exemple, une contravention à un engagement de confidentialité.

En effet, un franchisé peut très bien, en une seule journée, remettre à un concurrent la totalité de votre manuel d'exploitation, de vos programmes et de vos projets publicitaires et promotionnels.

Le montant de votre pénalité devrait excéder (mais pas trop) tout profit ou gain potentiel que le franchisé peut espérer obtenir de son défaut

Une façon de maximiser l'effet dissuasif d'une clause pénale consiste à établir la pénalité à un montant qui excède, sans exagération cependant, tout profit ou gain potentiel que le franchisé peut espérer obtenir de son défaut.

Si le franchisé estime que son profit ou gain potentiel d'un défaut dépasse le montant de la pénalité, celle-ci peut devenir un « ticket à l'entrée » que le franchisé sera prêt à payer.

À l'inverse, plus la pénalité est élevée, plus grand sera le risque qu'elle soit réduite par un tribunal. Selon mon expérience, plus la pénalité est jugée exagérée par rapport au préjudice résultant de la contravention, plus la réduction en sera importante.

Fasken possède toute l'expertise et toutes les ressources nécessaires pour vous aider à rédiger des ententes qui protègent bien vos droits, et pour vous assurer que celles-ci soient et demeurent vraiment adaptées à vos besoins.

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