Dans le bulletin intitulé « Quelques conseils pratiques pour maximiser la valeur de votre portefeuille d'actifs intangibles » du 11 septembre 2018, nous mettions en relief notamment : « [...] dans la plupart des cas, le premier détenteur du droit d'auteur est la personne qui a rédigé ou conçu l'Suvre protégée. Ainsi, lorsqu'un franchiseur confie à un fournisseur de services (tels un designer ou une agence de publicité) la réalisation d'une Suvre pouvant être protégée par droit d'auteur, le premier propriétaire de ce droit peut très bien être cette personne mandatée par le franchiseur à moins qu'une entente ne stipule clairement que le droit d'auteur est cédé au franchiseur. »

Un franchiseur ontarien, Milano Pizza Ltd. (dont le réseau compte maintenant 35 pizzerias situées dans la région d'Ottawa et dans l'Est de l'Ontario) vient malheureusement de constater l'impact pratique de ce principe légal.

En effet, par un jugement rendu le 6 novembre dernier dans l'affaire Milano Pizza Ltd. et al. c. 6034799 Canada inc. (disponible en anglais uniquement), la Cour fédérale du Canada (« la Cour ») déclare que ce franchiseur n'est pas le propriétaire des droits d'auteur sur le logo de son réseau de franchises. En conséquence, elle rejette le poste de réclamation du recours judiciaire que ce franchiseur avait intenté contre un ex-franchisé qui continuait à faire affaire sous le nom de Milano Pizzeria.

En quelques mots, selon la preuve présentée devant la Cour, le fondateur de Milano Pizza Ltd. avait eu l'idée du logo de ce réseau qui comprend notamment une pointe de pizza intégrée dans le « o » de Milano. Il en aurait dessiné un premier croquis et l'aurait ensuite confié à un designer qui en avait dessiné la version finale.

Même en acceptant cette preuve du franchiseur (laquelle était par ailleurs contestée par l'ex-franchisé qui avait une version tout autre de la manière dont le logo avait été conçu), la Cour a souligné que :

  • Le franchiseur n'a pas clairement décrit ce qui avait été précisément remis par son fondateur au designer, ni jusqu'à quel point le logo final dessiné par le designer se comparait à ce qui lui avait été remis (quelles en étaient les similarités et quelles en étaient les différences); ni
  • Dans quelle mesure l'esquisse préparée par le fondateur du franchiseur ressemblait au dessin final fait par le designer.

Devant ces constatations, la Cour a conclu que la preuve du franchiseur quant à la conception de son logo était vague, inconsistante et, surtout, incomplète.

La Cour a rappelé dans son jugement que le droit d'auteur sur une Suvre (notamment un logo) ne porte pas sur des idées ou des concepts, mais sur leur expression concrète. Ainsi, la personne qui suggère l'idée ne détient pas de droit d'auteur sur sa réalisation.

La Cour a donc conclu que le franchiseur n'avait pas démontré que son fondateur, plutôt que le designer, était la personne ayant exercé les habiletés et le jugement ayant mené à la réalisation de ce logo.

Comme le franchiseur n'avait pu fournir aucune preuve à l'effet que ce designer avait cédé son droit d'auteur au franchiseur, la Cour a donc jugé que le franchiseur n'était pas le détenteur du droit d'auteur sur son logo et a rejeté ce poste de réclamation de son recours judiciaire contre son ex-franchisé.

Allant encore plus loin, la Cour a aussi énoncé que, même si le franchiseur avait réussi à prouver que son fondateur était le véritable créateur de son logo, et, donc, le détenteur du droit d'auteur sur celui-ci, le franchiseur n'était pas le véritable propriétaire du droit d'auteur sur celui-ci puisque aucune preuve n'avait non plus été faite à l'effet que ce fondateur avait cédé son droit d'auteur à la société franchiseur. À cet effet, le juge a rappelé que l'article 13 (4) de la Loi sur le droit d'auteur exige que, pour être valide, toute cession de droit d'auteur doit nécessairement être « rédigée par écrit et signée par le titulaire du droit qui en fait l'objet, ou par son agent dûment autorisé. »

Ce jugement souligne fort bien l'importance pour tout franchiseur de bien prendre toutes les mesures requises afin de s'assurer :

  1. Qu'il est bel et bien propriétaire du droit d'auteur sur toutes les Suvres pouvant être assujetties à, ou protégées par, la Loi sur le droit d'auteur, lesquelles comprennent notamment (et non seulement) tous les textes (imprimés et électroniques), les logiciels, les dessins, les vidéos, les annonces publicitaires (imprimées, électroniques, radiophoniques et télévisuelles), les ritournelles (« jingles »), les dessins (y compris les logos), les menus et les combinaisons particulières d'information (notamment des répertoires), notamment en obtenant des cessions écrites et signées de la part de toute personne (y compris ses dirigeants et ses actionnaires) susceptible de détenir, en totalité ou en partie, quelque droit d'auteur sur celles-ci; et
  2. Que toutes les précautions et formalités légales requises à la protection de son droit d'auteur sur ces Suvres ont bien été respectées.

Comme il s'agit là d'un domaine complexe, tout franchiseur sérieux devrait donc se faire assister par un avocat expérimenté en matière de propriété intellectuelle et de protection d'actifs intangibles.

En terminant, mentionnons que ce jugement traite aussi de plusieurs autres questions importantes pour tout franchiseur, notamment sur le risque qu'un franchiseur ne puisse perdre ses droits sur ses marques de commerce (même sur celles qui sont enregistrées) en permettant l'usage à des personnes qui, même si elles lui sont apparentées, ne sont pas liées par des ententes en vertu desquelles le franchiseur conserve le contrôle, exigé par l'article 50 de la Loi sur les marques de commerce, sur « les caractéristiques ou la qualité des produits et services ». La Cour ne se prononce pas, dans ce jugement, sur cette question, mais, puisque celle-ci exigera une preuve factuelle de part et d'autre, la réserve plutôt pour un autre jugement qui pourra être rendu plus tard au terme d'un procès.

Fasken possède toute l'expertise et toutes les ressources nécessaires pour vous aider à bien protéger, et à maximiser la valeur, de vos actifs intangibles, et ce, autant au Canada que partout ailleurs au monde.

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