La Cour fédérale a récemment statué que les parties à un litige pour violation de brevet avaient conclu un règlement et elle a donné effet à celui-ci, en dépit de la subsistance de leur différend quant aux modalités du règlement. La décision du juge Brown dans Betser-Zilevitch v Nexen Inc et al, 2018 FC 735 nous rappelle que les parties peuvent conclure un règlement de façon informelle et inattendue. Le message clé est qu'une partie qui ne souhaite pas s'engager tant que toutes les modalités qu'elle juge subjectivement essentielles au règlement n'ont pas été acceptées par elle, doit l'indiquer de façon objectivement claire dans chacune de ses communications à cet égard.

Le tribunal peut conclure à l'existence d'un règlement lorsque : (a) objectivement, les parties ont eu la volonté commune de créer des relations juridiques ; (b) une contrepartie a été consentie en échange d'une promesse ; (c) objectivement, les modalités du règlement ont été arrêtées avec suffisamment de certitude ; (d) toutes les modalités essentielles du règlement qui ont été proposées ont été acceptées.

Dans la présente affaire, Betser a poursuivi Nexen pour violation d'un brevet canadien ayant trait à une pièce d'équipement servant à injecter de la vapeur dans des sables bitumineux pour en extraire du pétrole lourd. Betser a allégué que Nexen et les autres défendeurs avaient utilisé une technologie, servant à extraire du pétrole lourd dans le cadre d'un projet d'exploitation des sables bitumineux, en Alberta, en violation de ses brevets. Nexen a présenté une requête en nullité de la demande et pour jugement déclaratoire de non-violation de brevets. Betser détenait par ailleurs un brevet américain correspondant au brevet canadien en cause.

Après l'échange d'un certain nombre de propositions de règlement entre les parties, Betser a fait une offre de règlement portant sur quelques modalités de base :

  • Betser accorderait à Nexen une licence entièrement libérée pour fabriquer, construire et utiliser les inventions visées par les deux brevets en cause.
  • Betser dégagerait les défendeurs de toute responsabilité à l'égard des allégations contenues dans sa demande introductive.
  • Les parties abandonneraient leur procédure judiciaire respective.
  • Nexen signerait une entente de confidentialité, sous une forme jugée acceptable par Betser, selon laquelle Nexen s'engage à préserver la confidentialité des modalités du règlement.

En réponse à cette offre, Nexen a indiqué qu'elle était [traduction] « prête à accepter en principe les modalités de règlement [proposées] » et qu'elle préparerait un projet de règlement intégrant ces modalités [traduction] « ainsi que d'autres modalités de règlement standard » qu'elle présenterait à Betser aux fins d'examen. Peu de temps après, lorsqu'il a informé le tribunal (avec le consentement de Nexen) de l'état de la cause, l'avocat de Betser a écrit : « [...] un règlement a été conclu, sous réserve de la consignation par écrit, de l'examen et de la signature de celui-ci par les parties. »

Malgré l'échange de plusieurs projets de règlement, les parties n'ont pas été en mesure de convenir du libellé du règlement. Betser a adopté la position selon laquelle aucun règlement n'a été conclu et a « retiré » toutes ses offres de règlement antérieures. Nexen a présenté une requête visant à faire respecter les modalités de règlement.

Le juge Brown a déterminé que les parties avaient effectivement conclu un règlement, en se fondant sur la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Apotex Inc. c. Allergan, Inc. 2016 CAF 155, plus particulièrement sur la mise en garde formulée par ce tribunal : « [...] la transaction peut être conclue rapidement et sans formalité et, d'un point de vue subjectif, parfois de façon inattendue ». Appliquant la décision Allergan, le juge Brown a conclu qu'« un homme ou une femme d'affaires honnête et raisonnable, considérant objectivement la conduite des parties », conclurait raisonnablement que les parties avaient l'intention d'être liées par l'offre et son acceptation. Il a rejeté l'argument de Betser selon lequel l'« acceptation » de Nexen n'était que « de principe » et était conditionnelle à la consignation par écrit, à l'examen et à la signature du règlement. Ceci étant d'autant plus vrai que les négociations entre les parties duraient depuis près d'un an. 

Il a également souligné que le tribunal peut tenir compte de la conduite ultérieure des parties pour déterminer s'il y a eu entente sur toutes les modalités essentielles. En l'occurrence, lorsque Betser a écrit au tribunal pour l'aviser de l'état de la cause, il s'est exprimé de façon non équivoque en ces termes qu'il a lui-même choisis : « [...] un règlement a été conclu » sous réserve de son établissement en bonne et due forme. La Cour peut donc se fonder sur cette déclaration. Il s'agit d'un élément de preuve concluant de l'intention des deux parties de créer des relations juridiques dans le cadre d'un règlement. 

Au moment de déterminer si les parties étaient parvenues à une entente sur toutes les modalités essentielles du règlement, le juge Brown a souligné que même si les deux parties ont tenté d'obtenir, au cours des négociations sur le libellé du règlement, des avantages supplémentaires à ceux sur lesquels elles s'étaient entendues, cela ne changeait en rien le fait qu'elles s'étaient entendues sur les modalités essentielles. Le tribunal a examiné l'historique des négociations et les points en litige entre les parties, pour déterminer s'ils étaient essentiels à l'entente ou si les parties en avaient convenu objectivement. 

Dans la mesure où une modalité en litige du règlement n'est pas essentielle, elle devrait être considérée comme implicite, si un homme ou une femme d'affaires honnête et raisonnable aurait accepté de l'inclure. Par exemple, la Cour a considéré l'inclusion de clauses de quittance et d'octroi de licence à l'égard des dirigeants et des administrateurs comme implicite, car les entreprises agissent par l'intermédiaire de personnes physiques. Le tribunal a toutefois refusé d'inclure dans une ordonnance les modalités qui ne sont pas implicites à un règlement, car inclure dans une ordonnance des modalités relevant du domaine contractuel pourrait donner lieu, en cas de non-exécution, à un recours pour outrage au tribunal.

Bien que les parties puissent avoir pris, durant la négociation du libellé définitif du règlement, des positions incompatibles avec l'offre de Betser, cette cause nous rappelle que le tribunal donnera effet à un règlement, même si l'offre de règlement n'est acceptée qu'« en principe » et sous réserve de sa consignation et de sa signature en bonne et due forme. Lorsqu'elles négocient un règlement, les parties doivent être objectivement claires quant à leurs intentions. Une partie ayant l'intention de n'être liée par le règlement que lorsque tous les détails qu'elle juge essentiels au règlement sont finalisés, doit le préciser objectivement dans ses communications. 

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