La Cour d'appel de l'Ontario a récemment rendu une décision (Swampillai v. Royal & Sun Alliance Insurance Company of Canada, 2019 ONCA 201) confirmant qu'une quittance signée par un employé ne devrait être annulée au motif d'iniquité que s'il existe des preuves claires du manque d'équité. 

Que s'est-il passé?

L'employé est un ouvrier qui est devenu invalide et incapable de travailler. Il a demandé de toucher, et a touché, des prestations d'invalidité de courte durée (« ICD »). Lorsque le versement des prestations d'ICD a pris fin, l'employé a fait une réclamation afin de toucher des prestations d'invalidité de longue durée (« ILD »). L'assureurfournissant les prestations d'ILD a refusé sa réclamation, après quoi l'employé a retenu les services d'un avocat pour que celui-ci l'aide à interjeter appel de cette décision.

L'employeur a mis fin à l'emploi de l'employé un mois plus tard et lui a offert une indemnité de départ. Dans le cadre de l'offre, il a demandé à l'employé de signer une quittance à l'égard de toutes réclamations. La quittance contenait une déclaration indiquant que l'employé renonçait à toute réclamation pour prestations d'ILD. Laquittance ne mentionnait toutefois pas que l'employé était encore en procédure d'appel relativement à sa demande d'ILD. L'employé a demandé à son avocat de l'aider relativement à la cessation de son emploi. Celui-ci lui a mentionné qu'il n'exerçait pas en droit du travail et lui a suggéré de faire appel à un autre avocat. L'employé a plutôt choisi de négocierdirectement avec l'employeur et il a ultimement signé la quittance.

L'employé a, par la suite, poursuivi l'employeur et l'assureur afin de toucher des prestations d'ILD. L'employeur a, quant à lui, déposé une requête en jugement sommaire dans laquelle il demandait au tribunal de rejeter la réclamation de l'employé parce que ce dernier, en signant la quittance, avait renoncé à toute réclamation pour prestations d'ILD. Letribunal a refusé, jugeant que la renonciation aux prestations d'ILD était inéquitable au point d'être abusive et, par conséquent, qu'elle était nulle. L'employeur en a appelé de cette décision.

Quelle a été la décision de la Cour d'appel?

La Cour d'appel a indiqué que les facteurs suivants devaient être réunis pour pouvoir annuler une quittance au motif qu'elle est inéquitable au point d'être abusive :

  1. une transaction manifestement injuste et déraisonnable;
  2. l'absence de conseils juridiques indépendants ou d'autres conseils adéquats;
  3. un écrasant déséquilibre du pouvoir de négociation, attribuable à la méconnaissance des affaires, à l'analphabétisme, à la méconnaissance du langage lors de la négociation, à la cécité, à la surdité, à la maladie, à la sénilité ou à toute invalidité semblable;
  4. le fait que l'autre partie profite sciemment de cette vulnérabilité.

Selon la Cour d'appel, le juge de première instance :

  1. n'a entendu aucune preuve démontrant le caractère équitable de l'indemnité de départ offerte à l'employé;
  2. n'a entendu aucune preuve quant à la procédure d'appel relativement à l'ILD ou aux chances de succès des réclamations pour ILD, ce qui était essentiel pour comprendre ce à quoi avait renoncé l'employé en signant la quittance;
  3. n'a pas bien tenu compte du fait que le demandeur a admis ne pas avoir lu attentivement la quittance avant de la signer.

La Cour d'appel a annulé la décision rendue par le tribunal de première instance et a retourné l'affaire pour réexamen de la question du caractère exécutoire de la quittance.

Quelles leçons en tirer?

L'annulation de quittances au motif qu'elles sont abusives ne devrait être ordonnée que dans des circonstances restreintes, lorsqu'il y a suffisamment de preuves de l'iniquité. La Cour a particulièrement mis en garde de ne pas prendre de décisions au sujet de requêtes pour jugement sommaire sans avoir suffisamment d'éléments de preuve. Ainsi, les demandeurs tout comme les défendeurspourraient vouloir réexaminer dans quelles circonstances le tribunal accordera un jugement sommaire.

Si un employeur offre une indemnité de départ à un employé qui a déjà entamé une procédure de demande de prestations ILD ou qui a porté une telle décision en appel, il devrait préciser cette information dans la quittance. Une telle mention pourrait empêcher un employé de prétendre ignorer le contenu de la quittance. Un employeur pourrait égalementsouhaiter utiliser un langage plus explicite qui lui permettrait d'informer l'assureur de la renonciation de l'employé aux réclamations pour ILD et, ce faisant, de s'assurer que l'employeur et l'assureur aient une approche cohérente à l'égard des réclamations pour ILD.

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