QUESTIONS SUR LE PRIX NOBEL D'ECONOMIE

Le Prix de la Banque de Suède en Sciences Economiques, plus connu sous le nom de Prix Nobel d'Economie, vient d'être attribué à Angus Deaton, professeur à Princeton, pour ses travaux sur la consommation, la pauvreté et le bien-être. Chaque année à la même époque, on peut s'interroger sur l'utilité des études menées par ces brillants esprits pour les politiques économiques, en tout cas en France. La logique conduit à se poser deux questions : est-ce que, en France, quelqu'un les lit et en tire des conclusions opérationnelles ? ou, si c'est le cas, compte tenu des résultats, est-ce que l'on attribue ce prix à des imposteurs ?

Première question, donc : en dehors de la petite communauté des professeurs d'économie, quelqu'un, en charge à un titre ou à un autre, de la politique économique française, a-t-il lu les travaux des Nobel d'économie ? Pas sûr. D'abord, ils ne sont pas tous traduits et on connaît le niveau des Français en anglais. Ensuite, l'inertie de l'enseignement est telle que les résultats de la recherche y sont introduits avec retard. Ceci explique par exemple que les vieilles recettes de Papa Keynes continuent à être appliquées à la lettre par des décideurs qui n'ont guère entendu parler que de lui, de ses bons mots (« A long terme nous serons tous morts ») et de ses équations de niveau CM2 sur les bancs de Sciences Po. Enfin, quand les plus doués d'entre eux se rendent intelligibles – tels Jean Tirole l'année dernière – ils disent des horreurs sur la nécessaire déréglementation du marché du travail, les ravages de la politique du logement et les bienfaits de la concurrence. Bref, en France au moins, les Prix Nobel d'Economie ne servent à rien.

D'où la seconde question, fort légitime dans un pays fier de sa rationalité depuis Descartes : n'a-t-on pas affaire à des imposteurs ? Une réponse positive à cette question justifierait bien sûr que l'on ignore superbement leurs travaux. Déjà M. Tirole avait dû faire face à un procès en orgueil et sorcellerie après s'en être pris à la création d'une deuxième section d'économie dans les universités, fondée sur les sciences sociales et politiques, autrement dit de la littérature engagée. Aujourd'hui, on ne manquera pas de souligner que M. Deaton est parvenu à démontrer que la malnutrition était la conséquence de la pauvreté et non l'inverse, ce qui pouvait sans doute être déduit sans y passer trop de temps par un élève de CM2 (qu'est-ce qu'on apprend après, franchement ?). On relèvera aussi qu'il a établi que le bien être individuel ne s'accroissait pas significativement au-delà de 75 000 dollars de revenus annuels, théorie qui serait vilipendée par les propriétaires d'une Ferrari s'ils la connaissaient. Mais on oubliera sans doute aussi vite qu'il est l'auteur de modèles de consommation très utilisés par les départements marketing des entreprises et les institutions financières internationales pour leurs politiques de développement. En effet, il n'échappera à personne que, dans ce pays, les procès en imposture sont toujours intentés par de vrais spécialistes du genre. Comme le disait plus simplement ce grand économiste qu'était Michel Audiard, injustement ignoré en son temps par la Banque de Suède : « On est gouverné par des lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis ».

SOURCES

Jurisprudence

Annulation partielle d'un permis de construire et permis modificatif. Après avoir rappelé que lorsque les éléments d'un projet de construction ou d'aménagement auraient pu faire l'objet d'autorisations distinctes, le juge de l'excès de pouvoir peut prononcer l'annulation partielle de l'arrêté attaqué en raison de la divisibilité des éléments composant le projet litigieux, le Conseil d'Etat a apporté des précisions sur le mécanisme d'annulation partielle des autorisations d'urbanisme prévu par l'article L.600-5 du code de l'urbanisme. Il a établi que si l'application de ces dispositions n'est pas subordonnée à la condition que la partie du projet affectée par ce vice soit matériellement détachable du reste de ce projet, elle n'est possible que si la régularisation porte sur des éléments du projet pouvant faire l'objet d'un permis modificatif. Un tel permis ne peut être délivré que si, d'une part, les travaux autorisés par le permis initial ne sont pas achevés - sans que la partie intéressée ait à établir devant le juge l'absence d'achèvement de la construction ou que celui-ci soit tenu de procéder à une mesure d'instruction en ce sens - et si, d'autre part, les modifications apportées au projet initial pour remédier au vice d'illégalité ne peuvent être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale. A ce titre, la seule circonstance que ces modifications portent sur des éléments tels que son implantation, ses dimensions ou son apparence ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce qu'elles fassent l'objet d'un permis modificatif (CE, 1er octobre 2015, n°374338).

Compétence géographique du concessionnaire. Le TA de Rennes avait annulé une délibération par laquelle le conseil municipal de la commune de Paimpol avait, en premier lieu, approuvé le principe d'une délégation de service public pour la conception, le financement, la construction, l'exploitation ainsi que la maintenance et l'entretien d'un troisième bassin de plaisance sur le port de Paimpol, et avait, en deuxième lieu, autorisé le lancement de la procédure de délégation de service public et autorisé le maire à signer tous actes afférents à cette procédure. La commune a fait appel. La CAA a confirmé le jugement du TA au motif que le bassin de plaisance pour lequel la délibération avait été approuvée ne faisait pas partie du périmètre de la concession consentie à la commune par le représentant de l'Etat, elle n'avait donc pas compétence pour lancer une telle procédure relative à ce bassin (CAA Nantes, 29 septembre 2015, n°13NT02766).

Référé provision et garantie décennale des constructeurs. Le ministre de la culture et de la communication avait demandé au juge des référés du TA de Paris de condamner solidairement les quatre sociétés ayant réalisé des travaux dans des immeubles du Palais de Chaillot à lui verser une provision d'un montant de près de 800 000 euros au titre de la garantie décennale des constructeurs. Le juge des référés du TA avait fait droit à sa demande. Une des sociétés a fait appel. La CAA a rejeté sa demande au motif que l'existence d'une créance de l'Etat sur cette société n'est pas sérieusement contestable – sa responsabilité étant engagée à l'égard du maitre de l'ouvrage en raison des désordres. En effet, les membres du groupement de maitrise d'Suvre s'étaient engagés conjointement et solidairement non seulement à diriger les travaux, mais encore à réparer les malfaçons susceptibles de rendre l'immeuble impropre à sa destination, dont les constructeurs sont responsables à l'égard du maître de l'ouvrage pendant 10 ans à compter de la réception des travaux, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 1170 du code civil (CAA Paris, 28 septembre 2015, n°14PA04268).

Vice entachant la validité du contrat. Une société avait demandé au TA d'annuler le contrat conclu entre la commune de Saint-Maur des Fossés et une autre société pour la location et la maintenance d'un parc de photocopieurs, ou, subsidiairement d'en prononcer la résiliation. L'offre de la requérante avait été écartée au motif que son dirigeant était le mari d'une conseillère municipal. La CAA rappelle que cette seule circonstance ne suffit pas à justifier d'écarter par principe l'offre de cette société. La conseillère municipale n'ayant pas siégé à la commission d'appel d'offres ni exercé aucune influence sur le choix de l'attributaire, la commune ne pouvait pas éliminer par principe la candidature de l'entreprise sans méconnaitre le principe de libre accès à la commande publique et manquer à ses obligations de mise en concurrence. La procédure de consultation a donc été entachée d'une irrégularité. La CAA rappelle alors qu'il appartient au juge, « lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ». La CAA estime que l'élimination de la candidature sans examen de ses caractéristiques constitue un vice susceptible d'avoir affecté le choix du cocontractant. Eu égard à la nature et à la gravité de l'irrégularité, la Cour prononce la résiliation du marché (CAA Paris, 28 septembre 2015, n°14PA00462)

Dépenses utiles. Travaux ordonnés irrégulièrement. Une société avait demandé au TA de condamner la région Ile de France à lui verser la somme correspondant aux surcoûts qu'elle avait supportés dans le cadre de l'exécution d'un marché de restructuration, d'extension et de désamiantage des ateliers d'un lycée. La CAA a établi que si des travaux ordonnés irrégulièrement à une entreprise ont été utiles à l'exécution du marché dans les règles de l'art, l'entrepreneur peut, même s'agissant d'un marché à prix global et forfaitaire, demander le remboursement des dépenses utiles exposées par lui au profit de l'administration, déduction faite du bénéfice. Or en l'espèce, la région avait ordonné verbalement la réalisation d'une allée piétonne en cours de chantier. Ces travaux n'étaient pas indispensables mais ont présenté un caractère utile, la société peut donc prétendre au remboursement des dépenses utiles exposées par elle. (CAA Paris, 28 septembre 2015, n°14PA00735).

Résiliation unilatérale du marché et prestations exécutées. Une société avait demandé au TA de dire que la résiliation du marché dont elle était titulaire par l'office public Hérault habitat était fautive. Le TA a rejeté sa demande et elle a fait appel. S'appuyant sur le CCAG applicable aux marchés de travaux, la CAA a rappelé que le cocontractant de l'administration dont le marché a été résilié à ses frais et risques ne peut obtenir le décompte général de ce marché pour les prestations exécutées qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des prestations. De ce fait les conclusions présentées par la société au juge du contrat en vue d'obtenir le règlement des sommes contractuellement dues avant le règlement définitif du nouveau marché sont irrecevables. Il ajoute que ces dispositions, applicables lorsque le marché a été régulièrement résilié, ne font cependant pas obstacle à ce que, sous réserve que le contentieux soit lié, le cocontractant dont le marché a été résilié à ses frais et risques saisisse le juge du contrat afin de faire constater l'irrégularité ou le caractère infondé de cette résiliation et demande, de ce fait, le règlement des sommes qui lui sont dues, sans attendre le règlement définitif du nouveau marché. En l'espèce, la société soutient que la décision de résiliation du marché est infondée, dans la mesure où elle a été mise dans l'impossibilité d'exécuter les prestations qui lui étaient confiées du fait du non-respect par Hérault Habitat de ses obligations réglementaires en matière d'élaboration du diagnostic amiante, alors que les opérations de désamiantage ont été achevées. La CAA rejette la requête (CAA Marseille, 28 septembre 2015, n°14MA00586).

Gouvernement

Sécurité sociale. La ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, le ministre des finances et des comptes publics et le secrétaire d'État chargé du budget ont présenté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. Celui-ci met notamment en Suvre les allégements en faveur des entreprises prévues par le Pacte de responsabilité et de solidarité (Loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, Conseil des ministres du 7 octobre 2015).

Collectivités. Un décret publié au JO le 2 octobre dernier dresse la liste exhaustive des 131 communes, dont Paris, qui feront partie du Grand Paris, nouvel établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (décret n° 2015-1212 du 30 septembre 2015 constatant le périmètre fixant le siège et désignant le comptable public de la métropole du Grand Paris).

PRATIQUE

FONDS DE COMMERCE ET DOMAINE PUBLIC

Traditionnellement, le régime des fonds de commerce établi par le code de commerce pouvait s'appliquer aux locaux ou immeubles appartenant au domaine privé des personnes publiques. L'occupation privative du domaine public par des commerçants se heurtait au refus constant du Conseil d'État de reconnaître l'existence de fonds de commerce sur ledit domaine. Cette jurisprudence était très contestée, en particulier par les commerçants eux-mêmes. La justification du Conseil d'Etat reposait sur le caractère révocable, pour un motif d'intérêt général, d'une convention portant autorisation d'occupation du domaine public, ainsi que sur le caractère personnel et non cessible de cette occupation, qui entrainait que celle-ci ne puisse donner lieu à la constitution d'un fonds de commerce dont l'occupant serait propriétaire. Rompant avec cette jurisprudence, la loi dite « Pinel » du 18 juin 2014 a ouvert la possibilité de constituer un fonds de commerce sur le domaine public. Le nouvel article L 2124-32-1 du CGPPP dispose désormais que : « Un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l'existence d'une clientèle propre ». Un commerçant pourra donc se prévaloir de l'existence d'un fonds de commerce à condition de prouver qu'il dispose d'une clientèle autonome qui lui est propre. La démonstration portera sur la différence réelle entre les usagers du domaine public et sa clientèle propre. Ceci n'est possible que sur le domaine public artificiel (ex. : immeubles) et non sur le domaine public naturel (ex. : rivages maritimes). Ce changement législatif a consacré la «patrimonialisation» des titres d'occupation du domaine public, déjà amorcée avec la possibilité pour les occupants d'être titulaires de droits réels. Il entraînera certainement dans les années à venir de nombreux contentieux, notamment sur des questions relatives à l'existence même du fonds, à sa valorisation ou à sa cession, ainsi qu'à l'indemnisation en cas de résiliation du titre d'occupation. Le Conseil d'Etat a déjà pu trancher que ce nouvel article n'était applicable qu'aux fonds de commerce dont les exploitants occupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compter de l'entrée en vigueur de la loi. L'exploitant qui occupe le domaine public en vertu d'un titre délivré avant cette date n'a donc jamais été légalement propriétaire d'un fonds de commerce, et de ce fait ne peut prétendre à l'indemnisation de la perte d'un tel fonds (CE, 24 novembre 2014, Société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais, n° 352402).

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