Quelques propos introductifs
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).
Sans prétendre à l'exhaustivité, seront
reproduits ci-après les considérants consacrant le
raisonnement juridique
principal développé par notre Haute juridiction sur
les thématiques suivantes : droit de procédure
pénale, droit pénal économique, droit
international privé, droit de la poursuite et de la
faillite, ainsi que le droit de l'entraide
internationale.
- PROCÉDURE PÉNALE
TF 7B_51/2023 du 24 juillet 2023 | Prise de position obligatoire des parties sur la demande de récusation des experts devant l'autorité (art. 58 al. 2 CPP) – établissement inexact des faits (art. 97 LTF)
- Le Tribunal fédéral rappelle que
conformément à l'art. 58 al. 2 CPP, la personne
concernée prend position sur la demande de récusation
d'une partie. Cette prise de position sert à
éclaircir les faits et est donc obligatoire
(consid. 2.2).
- In casu, ni la décision attaquée, ni le dossier cantonal ne faisait état du fait que l'instance précédente aurait invité les personnes concernées par la demande de récusation à prendre position avant de rendre la décision querellée refusant la récusation des experts (consid. 2.3).
- Le recours du Ministère public contre la décision
de la chambre cantonale saint-galloise a donc été
considéré comme fondé dans la mesure où
l'instance précédente a établi de
manière incomplète les faits pertinents
(consid. 2.3).
- DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE
TF 6B_1483/2022 du 30 juin 2023 | Escroquerie aux ordres de paiement « Zaïre Connection » - absence du caractère astucieux et degré de diligence des banques (art. 146 CP)
- Le nom « Zaïre-Connection » désigne une arnaque qui consiste à voler des ordres de paiement dans des boîtes postales officielles, à les falsifier, puis à se rendre à un guichet avec une fausse pièce d'identité pour encaisser les montants.
- Pour qu'il y ait escroquerie au sens de l'art. 146 CP, une simple tromperie ne suffit pas ; il faut encore qu'elle soit astucieuse. L'astuce n'est pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle (consid. 2.1).
- S'agissant des banques en particulier, elles doivent faire preuve d'une vigilance accrue, compte tenu notamment de la spécialisation de leurs organes ou collaborateurs. Cela ne signifie pas pour autant qu'elles doivent être soumises à des exigences si élevées qu'elles auraient à prendre toutes les mesures de prudence possibles et imaginables. Ainsi, lorsque la tromperie vise une banque, son caractère astucieux ne peut être nié que si les circonstances du cas d'espèce laissent apparaître que l'établissement bancaire a fait preuve de légèreté, par exemple pour avoir accepté de s'exécuter sur la base d'un document grossièrement falsifié (consid. 2.1).
- In casu, les banques avaient été trompées par l'usage de documents falsifiés (bulletins de versement et ordres de paiement récapitulatifs), qui se recoupaient. Ils contenaient les informations des destinataires et le montant, ces bulletins étant remis avec d'autres, authentiques, dans un ordre de paiement global (consid. 2.4).
- Le Tribunal fédéral a relevé que la falsification elle-même n'était pas grossière, que le procédé était habituel pour les clients en question et que l'émetteur était réel. Ainsi, le schéma mis en place, de type « Zaïre Connection», était suffisamment raffiné pour éviter de susciter la méfiance des dupes dans l'exécution de ces transactions de masse. Dans ces conditions, le seul fait que les montants des transferts aient été élevés (soit CHF 60'273.15 et CHF100'359.60) ne commandait pas encore des vérifications supplémentaires de la part des banques (consid. 2.4).
- En définitive, notre Haute Cour a considéré qu'il n'apparaissait aucune violation grave, par les banques concernées, des règles élémentaires de prudence que commandaient les circonstances. Partant, la cour cantonale n'avait pas méconnu le droit fédéral en excluant la coresponsabilité des dupes et en retenant l'astuce (consid. 2.4).
TF 6B_1290/2022 du 7 juillet 2023 | Escroquerie dite « wash-wash »
- Le Tribunal fédéral a confirmé
l'élément d'astuce lors d'une escroquerie
dite
« wash-wash », consistant à manipuler la dupe en lui faisant croire à la possibilité de multiplier des billets de banque par des procédés chimiques (consid. 1.4.4).
- Notre Haute Cour a conclu qu'on ne saurait en outre retenir
que la dupe n'avait pas procédé aux
vérifications élémentaires attendues au vu des
circonstances, car celle-ci avait procédé à la
vérification de l'authenticité des billets de
banque qui lui avaient été remis à l'issue
de la première démonstration et a été
ainsi confortée dans son erreur, entretenue par les
multiples mensonges et un scénario habile
(consid. 1.4.4).
- DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
-
- DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE
TF 5A_16/2023 du 22 juin 2023| Cession conditionnelle des droits de la masse (art. 260 LP)
- La question qui se pose dans cet arrêt est de savoir si
l'administration de la faillite peut soumettre la cession
d'une prétention de la masse, au sens de l'art. 260
LP, à la fourniture de sûretés, afin de
garantir à celle-ci le remboursement des frais de justice
versés par la société, demanderesse à
une action en libération de dette, avant sa mise en
faillite (consid. 6).
- L'administration de la faillite peut subordonner son
autorisation à la réalisation de conditions –
distinctes des devoirs assignés au créancier aux
termes de la formule obligatoire n° 7F – pour autant
qu'elles paraissent nécessaires ou opportunes pour
sauvegarder les intérêts de la masse
(consid. 6.1.4).
- Dès que le créancier cessionnaire devient partie au procès, étant donné qu'il le poursuit en son nom, pour son propre compte et à ses risques et périls, il en assume ainsi tout le risque. S'il gagne le procès, c'est à lui que la partie adverse devra verser des dépens et s'il le perd, il doit en supporter tous les frais, y compris ceux accumulés avant qu'il devienne partie au procès – ce même lorsque le débiteur failli bénéficiait de l'assistance judiciaire –, ainsi que les dépens de la partie adverse (consid. 6.1.4.1).
- L'art. 83 al. 2 CPC qui prévoit que la partie qui se retire du procès répond solidairement des frais encourus jusqu'à la substitution ne s'applique pas à la cession de créance de l'art. 260 LP, réservée par l'alinéa 4, 2e phrase de cette disposition. En effet, en instaurant la solidarité en cas de substitution volontaire, le législateur a prévu un tempérament aux conséquences financières négatives imposées à la partie adverse par l'arrivée d'une partie substituante dont la solvabilité pourrait être moins bonne que la partie précédente. Or, un tel rééquilibrage n'a pas lieu d'être en présence d'une substitution légale suite à la faillite de la partie précédente (consid. 6.1.4.1).
- En application de l'ATF 105 III 135, le Tribunal fédéral a jugé que l'administration de la faillite est en droit de conditionner la cession des droits de la masse au paiement de l'avance de frais déjà effectué par le failli, dans le délai qu'elle fixera (consid. 6.1.4.2).
- Notre Haute Cour a suivi la même ligne lorsque la masse fait valoir une prétention en justice et obtient une partie du montant qu'elle réclame. Dans le cas où ce montant lui resterait acquis même si elle retirait son recours en raison du fait que le défendeur s'est contenté de se joindre audit recours, il lui appartient d'offrir aux créanciers la cession de la prétention encore en partie litigieuse pour continuer le procès. Toutefois, cette cession doit être soumise à la condition que les créanciers cessionnaires lui versent au préalable le montant qu'elle a déjà obtenu au terme de l'instance précédente (consid. 6.1.4.2).
- In casu, le Tribunal fédéral a
considéré que c'était à bon droit
que l'autorité de surveillance avait confirmé que
la cession des droits de la masse soit conditionnée au
paiement, par le créancier cessionnaire, du montant de CHF
150'000.-, qui représentait une partie des frais totaux
de
CHF 163'000.- déjà encourus sous la forme de l'avance payée par la faillie, au vu de la nature même de la cession des droits de la masse suite à laquelle le créancier cessionnaire agit à ses propres risques. C'est en effet au créancier d'évaluer si, en supportant déjà les frais avancés par le failli, il entend conduire le procès, étant précisé que la liquidation des frais de la procédure se fait entre les seules parties à celle-ci, soit le
« Prozessstandschafter » et sa partie adverse (consid. 6.2).
- En revanche, notre Haute Cour a relevé que
l'autorité cantonale avait méconnu les principes
de la cession en tant qu'elle avait conçu le versement
de CHF 150'000.- comme de simples sûretés, et non
comme un paiement définitivement acquis à la masse.
Est en particulier incompréhensible l'obligation de
rembourser au créancier cessionnaire le montant de
CHF150'000.-, sous déduction de celui des avances qui
lui sera éventuellement restitué par le tribunal, en
cas de liquidation du procès par jugement. Dans
l'hypothèse où le créancier cessionnaire
perd le procès et que les frais de justice
s'élèvent au montant total de l'avance de CHF
163'000.-, une telle condition expose la masse à devoir
le rechercher non seulement pour les CHF 13'000.- que
l'administration a omis de lui réclamer, mais aussi pour
les
CHF 150'000.- qu'elle lui a demandés immédiatement. Cela étant, si ces conditions exposent la masse à devoir rechercher le créancier cessionnaire en paiement du montant de l'avance de frais dans l'hypothèse où il ne s'exécuterait pas spontanément, il n'en demeure pas moins qu'elles ne modifient pas la règle de l'art. 260 LP selon laquelle le créancier cessionnaire supporte le risque du procès, dont les frais déjà encourus
(consid. 6.2).
TF 5D_130/2023 du 17 juillet 2023 | Poursuite des prétentions héréditaires
- Le Tribunal fédéral a rappelé que les héritiers sont propriétaires de l'ensemble des biens qui leur ont été transmis ex lege par succession universelle (art. 560 al. 1 et 2 CC) jusqu'au partage de la succession (art. 602 al. 1 CC). Ils doivent donc poursuivre ensemble les prétentions héréditaires. Un héritier individuel ne peut agir seul en tant que représentant de la communauté héréditaire qu'en cas d'urgence (ce qui a été affirmé par exemple lors de l'introduction d'une poursuite pour interrompre la prescription). Sinon, les héritiers, en tant qu'indivisaires, peuvent et doivent – contrairement aux affirmations du Recourant dans la présente affaire – introduire une poursuite en commun et être mentionnés individuellement dans le commandement de payer. Il en va de même pour la mainlevée (consid. 3).
- ENTRAIDE INTERNATIONALE
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