La réforme fiscale 2019 transpose en droit fiscal luxembourgeois la directive établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur1 (« ATAD ») et d'autres mesures relatives à l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (« BEPS »). ATAD exige que les Etats membres de l'Union Européenne (« UE ») mettent en place un certain nombre de règles anti-abus, incluant des règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées (« SEC ») et laisse aux Etats membres une certaine latitude quant à la manière dont ils choisissent de les transposer. Cet article analyse le champ d'application et le fonctionnement des nouvelles règles SEC luxembourgeoises, et considère également les problèmes inhérents aux règles SEC comme par exemple le chevauchement avec les règles en matière de prix de transfert et le risque de double imposition.

01 INTRODUCTION

Les sociétés qui font partie d'un même groupe sont généralement imposées séparément en tant qu'entités juridiques distinctes. Lorsqu'une société mère luxembourgeoise a une filiale, les bénéfices de cette dernière sont imposables, au niveau de la société mère, uniquement lorsqu'ils sont distribués. En fonction de l'Etat de résidence et du traitement fiscal de la filiale, les revenus de dividendes peuvent être soit exonérés (entièrement ou en partie), soit imposables avec un droit de créditer les retenues à la source potentiellement prélevées dans l'Etat de source.2

Par conséquent, si une société filiale étrangère est située dans un pays ayant un faible niveau d'imposition, l'imposition des bénéfices de cette entité peut être différée jusqu'au moment de la distribution effective des bénéfices. L'objectif des règles SEC3 est d'éliminer les différés d'imposition (à long terme) causés par l'absence de distribution des bénéfices de filiales soumises à un faible niveau d'imposition.

Dans le cadre du plan BEPS Action 3, l'organisation de coopération et de développement économique (« OCDE ») a développé des recommandations concernant la conception des règles SEC. Toutefois, alors que l'OCDE fournissait de simples recommandations pour les pays qui souhaitent adopter des règles SEC dans leur législation interne, l'UE a inclus, dans ATAD, les règles SEC comme norme minimale.

02 LE CHAMP D'APPLICATION DES RÈGLES SEC

2.1. Les entités visées par les règles SEC

Les règles SEC s'appliquent à tous les organismes à caractère collectif pleinement imposables au Luxembourg, incluant les sociétés listées à l'article 159 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (« LIR ») (sociétés luxembourgeoises, associations, etc.) et aux établissements stables (« ES ») luxembourgeois de sociétés non résidentes.4

2.2. Définition d'une SEC

Au sens de l'article 164ter LIR, on entend par SEC un organisme à caractère collectif ou un ES, dont les revenus ne sont pas imposables ou sont exonérés au Luxembourg lorsque les conditions suivantes sont simultanément remplies :

  1. dans le cas d'un organisme à caractère collectif, le contribuable, à lui seul ou avec ses entreprises associées,
    1. soit détient une participation directe ou indirecte de plus de 50% des droits de vote dans cet organisme à caractère collectif,
    2. soit possède, directement ou indirectement, plus de 50% du capital dans cet organisme à caractère collectif,
    3. soit est en droit de recevoir plus de 50% des bénéfices de cet organisme à caractère collectif ; (« critère relatif au contrôle »)5
  2. et
  3. l'impôt réel en relation avec le revenu réalisé par l'organisme à caractère collectif ou l'ES est inférieur à la différence entre, d'une part, l'impôt sur le revenu des collectivités (« IRC ») qui aurait été supporté par l'organisme à caractère collectif ou l'ES au Luxembourg et, d'autre part, l'impôt réel en relation avec le revenu réalisé par l'organisme à caractère collectif ou l'ES, établi et payé par celui-ci (« critère relatif au faible niveau d'imposition »).

En d'autres termes, le montant de l'impôt effectivement payé est inférieur à 50% de l'impôt qui aurait été dû au Luxembourg. Etant donné que le taux de l'IRC est de 17%6, les règles SEC ne seront applicables que si l'imposition des profits au niveau de l'organisme à caractère collectif ou de l'ES est inférieure à 8.5% sur une base comparable.7

Lorsqu'on analyse si le critère relatif au faible niveau d'imposition est rempli pour ce qui concerne une filiale directe ou indirecte, l'article 164ter (1) n°2 LIR précise que les bénéfices attribuables à un ES (i) qui n'est pas imposable ou (ii) qui est exonéré d'impôt sur le territoire où il est situé, ne sont pas pris en considération.8 Il s'ensuit que seul le traitement fiscal des bénéfices attribuables à la filiale dans son Etat de résidence est pertinent pour évaluer le critère relatif au faible niveau d'imposition.

Enfin, lorsqu'on doit analyser l'impôt effectivement payé par la filiale ou l'ES, seuls les impôts qui sont comparables à l'IRC doivent être pris en compte.

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Les auteurs remercient la personne suivante pour son aide précieuse à la rédaction de ce rapport : Marie Bentley, Knowledge Manager, ATOZ Tax Advisers (Taxand Luxembourg)

Footnotes

1. Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.

2. Article 97, (1), n°1 de la loi sur l'impôt sur le revenu au Luxembourg (« LIR ») en lien avec l'article 166 (1) LIR (régime mère-fille luxembourgeois), article 115, n°15a LIR (exonération de 50% pour les dividendes reçus de certaines filiales lorsque les conditions du régime mère-fille ne sont pas remplies) ou l'article 134bis LIR (crédit d'impôt).

3. Le Rapport Final concernant l'Action 3 a été publié en octobre 2015. Voir :
https://www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/neutraliser-les-effets-des-dispositifs-hybrides-action-2-rapport-final-2015-9789264255104-fr.htm.

4. Article 160 (1) LIR.

5. Article 164ter (1) n°1 LIR.

6. Le taux à l'impôt sur le revenu des collectivité (« IRC ») a été réduit à 17% à partir du 1er janvier 2019 suite à une annonce récente du gouvernement luxembourgeois.

7. Article 164ter (1) n°2 LIR : pour les besoins du critère relatif au faible niveau d'imposition, le revenu imposable de la participation directe ou indirecte dans la filiale doit être déterminé comme si c'était un contribuable luxembourgeois, en appliquant les règles fiscales luxembourgeoises. Le résultat de ce calcul est la comparabilité de la base imposable.

8. Article 164ter (1) n°2 LIR : les profits alloués à l'ES étranger d'une filiale directe ou indirecte doivent être ignorés lors de la détermination de l'hypothétique base imposable des profits de l'entité.

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