Alors que la COVID-19 continue de créer des défis de taille à l'échelle de la planète, les autorités de réglementation antitrust cherchent à faciliter la collaboration entre les entreprises pour résoudre des problèmes cruciaux, même lorsque cette collaboration pourrait normalement violer les lois sur la concurrence (notamment celles interdisant les ententes de fixation des prix et l'échange de renseignements entre concurrents). Le 8 avril 2020, le Bureau de la concurrence du Canada (le Bureau) a publié une Déclaration à propos de la collaboration entre concurrents pendant la pandémie de COVID-19 (la « Déclaration ») dans laquelle il explique l'approche qu'il entend adopter relativement à la collaboration entre concurrents pour répondre à la COVID-19 et annonce la création d'une équipe chargée de fournir des orientations aux entreprises qui envisagent une telle collaboration.

Ce que vous devez savoir

  • Le Bureau reconnaît dans sa Déclaration que les circonstances exceptionnelles entourant la pandémie de COVID-19 peuvent demander l'établissement rapide de collaborations entre entreprises pour assurer la fourniture et la prestation des produits et services essentiels aux Canadiens. Le Bureau confirme qu'il s'abstiendra d'exercer un contrôle lorsque ces « collaborations sont entreprises et effectuées de bonne foi sans dépasser ce qui est absolument nécessaire ».
  • Dans sa Déclaration, le Bureau confirme la mise sur pied d'une équipe chargée d'évaluer sans délai les collaborations envisagées et de prendre des décisions rapides lorsque les entreprises ont besoin d'une réponse fiable sur la question de savoir si le Bureau pourrait prendre des mesures d'application de la loi contre elles.
  • L'approche du Bureau va dans le même sens que celle déjà annoncée par plusieurs autorités antitrust étrangères, notamment aux États-Unis et dans l'Union européenne, et que la déclaration publiée le 8 avril 2020 par le Réseau international de la concurrence (RIC), un organisme composé de la plupart des autorités nationales et multinationales de la concurrence dans le monde.

L'approche du Canada

Au Canada, l'article 45 de la Loi sur la concurrence déclare que constitue une infraction criminelle le fait pour des concurrents de s'entendre pour fixer les prix, répartir les marchés ou restreindre la production, sous réserve de certaines exceptions limitées. Toutefois, dans sa Déclaration, le Bureau reconnaît que les circonstances exceptionnelles entourant la pandémie de COVID-19 « peuvent demander l'établissement rapide de collaborations entre concurrents d'envergure et de durée limitées afin d'assurer la fourniture et prestation des produits et services essentiels aux Canadiens ». Le Bureau reconnaît par exemple que des entreprises peuvent devoir former des groupes d'achats collaboratifs ou partager des ressources de la chaîne d'approvisionnement, comme des installations de distribution, pour répondre aux besoins des Canadiens en ces temps de crise et il reconnaît que des aspects spécifiques de l'application de la loi en matière de concurrence pourraient potentiellement « réfréner » les avantages que comporte la collaboration en synergie d'entreprises de bonne foi.

En réponse à ces préoccupations, le Bureau a publié une Déclaration pour bien préciser qu'il s'abstiendra généralement d'exercer un contrôle « dans la mesure où il y a un impératif clair en faveur de la collaboration d'entreprises à court terme dans le cadre de la réponse à la crise et où les collaborations sont entreprises et effectuées de bonne foi sans dépasser ce qui est absolument nécessaire ». Il est important de signaler que, dans cette Déclaration, le Bureau confirme également qu'il a mis sur pied une équipe chargée d'évaluer sans délai les collaborations proposées et de prendre des décisions rapides lorsque les entreprises cherchent à obtenir une certitude quant à savoir si le Bureau pourrait prendre des mesures d'application de la loi contre elles. Même si, en temps normal, le Bureau tente de répondre aux demandes d'évaluation portant sur les collaborations proposées entre concurrents, il est évident que cette équipe qui est censée répondre sans délai fournira beaucoup plus rapidement des orientations, à condition que les entreprises fournissent au Bureau tous les renseignements nécessaires énumérés dans la Déclaration.

Mesures prises par les autorités de la concurrence mondiales en réponse à la COVID-19

La réponse du Bureau est conforme aux mesures prises par d'autres grands organismes chargés de l'application des lois antitrust.

Les agences fédérales de la concurrence des États-Unis, la division antitrust du ministère de la Justice et la Commission fédérale du commerce (FTC) ont publié une déclaration commune le 24 mars 2020 indiquant que, dans leurs décisions relatives au contrôle d'application de la loi, elles [TRADUCTION] « tiendront compte des situations d'urgence pour évaluer les mesures prises pour faire face à la propagation de la COVID-19 et à ses conséquences ». À l'instar du Bureau, elles se sont également engagées à accélérer les processus d'examen par lesquels elles donnent leur avis aux entreprises sur la question de savoir si les mesures proposées violent les lois antitrust. Bien que ces processus prennent généralement plusieurs mois, les agences se sont engagées à fournir des réponses dans un délai de sept jours en ce qui concerne les mesures relatives à la santé et à la sécurité publiques.

Dans le même ordre d'idées, le 8 avril 2020, la Commission européenne a également publié son Cadre temporaire pour l'appréciation des pratiques anticoncurrentielles dans les coopérations mises en place entre des entreprises pour réagir aux situations d'urgence découlant de la pandémie actuelle de COVID-19. À l'instar du ministère de la Justice et de la Commission fédérale du commerce des États-Unis ainsi que du Bureau, la Commission européenne propose dans ce cadre certaines formes possibles de collaboration entre les concurrents afin de garantir l'approvisionnement et la distribution adéquate de produits rares essentiels. Ce cadre prévoit également une procédure par laquelle la Commission fournira des orientations aux parties envisageant des initiatives de coopération spécifiques au moyen de lettres d'intention ponctuelles.

Dans sa déclaration du 8 avril 2020 dans laquelle il aborde la question des mesures d'application de la loi pendant la pandémie de COVID-19, le Réseau international de la concurrence affirme qu'[TRADUCTION] « il convient de faciliter la collaboration entre les organismes de concurrence pour tenir compte de la situation exceptionnelle provoquée par la crise, dans la mesure où leurs lois le leur permettent ».

Conclusion

Dans sa Déclaration du 8 avril, le Bureau indique clairement qu'il est bien conscient de l'impératif pour certains concurrents au Canada de travailler ensemble pour répondre à la crise actuelle. Toutefois, les entreprises doivent veiller à ce que leur collaboration ne dépasse pas le cadre de ce que le Bureau considère comme acceptable dans ce dessein limité.

Les entreprises qui souhaitent profiter du mécanisme d'examen accéléré offert par le Bureau doivent fournir tous les renseignements demandés dans les délais impartis si elles souhaitent pouvoir se fier avec certitude à l'opinion donnée par le Bureau.

Les entreprises qui envisagent une collaboration avec des concurrents sont invitées à consulter un conseiller juridique pour s'assurer de se conformer aux lois de la concurrence applicables. Veuillez communiquer avec l'un ou l'autre des membres expérimentés du groupe Concurrence et examen des investissements étrangers de BLG pour obtenir de l'assistance à cet égard.

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