Le 27 novembre 2020, le Bureau de la concurrence a publié une déclaration à propos de l'application de la Loi sur la concurrence aux accords entre concurrents relativement à l'achat d'un produit, notamment les accords de non-débauchage et de fixation des salaires. Le Bureau a confirmé que ces accords ne feront pas l'objet d'enquête criminelle en vertu de la Loi sur la concurrence. La conclusion du Bureau est fondée sur les avis juridiques qu'il a demandés au ministère de la Justice et au Service des poursuites pénales du Canada.

Même si la position du Bureau n'est pas surprenante et est compatible avec l'interprétation généralement reconnue de la Loi sur la concurrence, l'absence de responsabilité criminelle pour les « cartels d'acheteurs » distingue le Canada de nombreux autres pays. Plus particulièrement, les cartels d'acheteurs ont fait l'objet d'un intérêt accru au Canada depuis 2016, lorsque les autorités de réglementation antitrust américaines ont annoncé que les accords entre acheteurs relatifs à l'emploi pourraient entraîner des poursuites criminelles aux États-Unis.

Les accords entre acheteurs ne seront pas examinés en vertu de la disposition sur les complots criminels de la Loi sur la concurrence, mais pourraient l'être en vertu d'une disposition civile.

  • Les accords entre concurrents liés à l'achat d'un produit ou d'un service (notamment les accords relatifs à l'emploi, comme le non-débauchage et la fixation des salaires) ne seront pas contestés en vertu de la disposition sur les complots criminels de la Loi sur la concurrence. La disposition criminelle sera plutôt réservée aux accords portant sur la fourniture d'un produit ou d'un service. La disposition criminelle crée une infraction automatique, qui ne nécessite pas la preuve d'effets anticoncurrentiels et rend passible de lourdes amendes et peines d'emprisonnement.
  • Les accords entre acheteurs portant sur l'achat de produits sont toujours susceptibles d'examen en application de la disposition civile sur la collaboration entre concurrents de la Loi. Cette disposition permet au Tribunal de la concurrence d'interdire les accords entre concurrents qui auront vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans un marché. Cette disposition civile implique l'application de « la règle de raison », qui oblige le Commissaire à établir l'existence des effets anticoncurrentiels. Contrairement à l'infraction criminelle, la disposition civile n'entraîne aucun risque d'amende ou de sanction pécuniaire.
  • Depuis sa création en 2010, la disposition civile n'a jamais été mise à exécution par les tribunaux (une seule affaire a été réglée avant jugement). Comme le Bureau doit établir que l'accord contesté entraînera des effets anticoncurrentiels, la disposition est beaucoup plus contraignante et lourde à appliquer.

La non-criminalisation des accords entre acheteurs est intentionnelle et remonte aux modifications apportées à la Loi sur la concurrence en 2009.

  • Les modifications apportées à la Loi sur la concurrence en 2009 ont entraîné la création d'un régime de sanctions à deux volets qui distingue entre les dispositions criminelles et civiles visant les accords entre concurrents. C'est au Commissaire de la concurrence (et au Service des poursuites pénales) de décider s'il faut mener une enquête et une poursuite en vertu d'une disposition criminelle ou civile. Ce régime est différent de celui des États-Unis, où une seule disposition fédérale générale traite des accords entre concurrents et où c'est le juge qui décide d'appliquer une norme automatique ou une norme fondée sur les effets concurrentiels.
  • Selon les indications non contraignantes publiées par le Bureau de la concurrence, la disposition criminelle est réservée aux « cartels injustifiables » (dépourvus de fondements proconcurrentiels compensatoires), tandis que la disposition civile est conçue pour les accords qui pourraient présenter des avantages concurrentiels et, par conséquent, nécessiter une étude attentive.
  • Préalablement aux modifications de la Loi sur la concurrence de 2009, le gouvernement avait reconnu dans plusieurs rapports que le système canadien devrait favoriser l'innovation et ne pas décourager les formes légitimes de collaboration (p. ex.., les alliances stratégiques entre petits concurrents qui favorisent la concurrence avec les grandes entreprises établies). Un certain nombre de modifications ont affaibli ou éliminé l'exposition à la responsabilité criminelle attribuable à des pratiques qui pourraient être anticoncurrentielles, mais pourraient avoir des effets ou des fondements proconcurrentiels compensatoires (comme le maintien des prix de revente et des prix appelés « prix d'éviction »).
  • Même si aucune justification officielle des modifications n'a été publiée, nous supposons que la non-criminalisation des accords entre acheteurs va dans ce sens. Les accords entre acheteurs pourraient avoir des effets proconcurrentiels sur les marchés en aval (p. ex. en permettant aux petits concurrents de regrouper leur pouvoir d'achat et d'offrir des tarifs concurrentiels par rapport à des rivaux beaucoup plus grands). Par conséquent, le Parlement a choisi de ne pas criminaliser ces accords.

Le Bureau a déclaré qu'il décrira plus en détail sa méthode d'analyse des accords entre acheteurs dans une mise à jour ultérieure de ses Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents.

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