Le 24 septembre 2020, l'Assemblée nationale du Québec a adopté le projet de loi no 29, qui comme nous le verrons, a pour effet de modifier substantiellement la Loi sur les ingénieurs (la « Loi »). En plus d'énoncer les pouvoirs et fonctions de l'Ordre des ingénieurs du Québec (« l'Ordre »), la Loi définit le champ de pratique de la profession et prévoit des infractions et des sanctions pour empêcher l'exercice illégal de la profession. N'ayant pratiquement subi aucune modification significative depuis son adoption en 1964, une refonte de la Loi était attendue depuis un certain temps. Ces modifications, qui ont plusieurs répercussions sur la pratique des ingénieurs, sont entrées en vigueur le 24 septembre 2020.

L'exercice de l'ingénierie est défini plus globalement

Contrairement à son ancienne mouture, qui définissait le champ de pratique de l'ingénieur selon une liste d'activités réservées et d'ouvrages, la Loi modifiée offre une définition plus globale de ce que constitue l'exercice de l'ingénierie1. Cette définition est axée sur des principes et des activités scientifiques plus généraux comme l'analyse, la conception et la modification d'ouvrages. Comme nous le verrons plus bas, les ouvrages visés sont eux-mêmes définis de façon globale et non plus sous forme d'une liste exhaustive comme c'était auparavant le cas. Par ailleurs, « la coordination du travail des personnes qui participent à la réalisation d'un ouvrage d'ingénierie », plus communément appelée gestion de projet, fait désormais partie du champ de pratique de l'ingénierie, sans en être toutefois une activité réservée.

Ajout de nouvelles activités réservées

La dernière mouture de la Loi prévoit de nouvelles activités réservées à la profession d'ingénieur, soit notamment la détermination de concepts, paramètres, équations ou modèles permettant « d'anticiper le comportement des structures, des matériaux, des procédés ou des systèmes ». Les manuels d'opération et d'entretien se rapportant à certains ouvrages décrits à l'article 3 de la Loi sont aussi désormais des documents dont la préparation est réservée aux ingénieurs.

Les ouvrages visés par les activités réservées sont réunis sous diverses catégories

La Loi regroupe désormais les ouvrages visés par les activités réservées sous des catégories globales, soit plus précisément : les bâtiments, les structures, les systèmes, les dépendances d'ouvrages routiers et les procédés à l'échelle industrielle de transformation ou d'extraction2. Il ne faut pas perdre de vue qu'un ouvrage peut appartenir à plusieurs catégories.

Les modifications à la Loi entraînent certains changements quant à la définition des bâtiments. Sont désormais visés par la Loi les éléments structuraux et les systèmes mécaniques, thermiques ou électriques d'un bâtiment. De plus, l'exception qui a pour effet de soustraire certains petits bâtiments du domaine d'activités réservées aux ingénieurs n'est plus en fonction d'un seuil monétaire de 100 000 $ comme c'était le cas auparavant, mais est plutôt fondée sur l'application de solutions tirées de la Partie 9 du Code national du bâtiment 3. La Loi prévoit aussi une exception pour les bâtiments agricoles présentant certaines caractéristiques.

Quant aux structures, elles ne sont plus nommées de façon précise comme c'était auparavant le cas et font plutôt l'objet d'une nouvelle définition plus exhaustive. Cette définition regroupe divers ouvrages, notamment les ouvrages servant au transport des personnes ou de matière et à l'aménagement et l'utilisation des eaux. Par exemple, cette catégorie inclut les chemins de fer, les pylônes, les barrages et les ponts. Selon l'Ordre, cette nouvelle définition introduit un élément de risque, permettant d'exclure de l'application de la Loi et du domaine d'activités réservées aux ingénieurs les structures qui ne comportent pas ou peu de risques4.

La nouvelle mouture de la Loi prévoit aussi une catégorie d'ouvrages entièrement nouvelle et relativement englobante qui vise les « systèmes » qui utilisent de l'énergie sous forme électrique, mécanique ou technique. Tout comme pour les structures, cette nouvelle définition couvre de nombreux ouvrages auparavant listés de façon précise dans l'ancienne mouture, comme les machines d'imagerie médicale, les avions et les grues, de même que les systèmes de pompage destinés au traitement des eaux. Par ailleurs, la Loi prévoit l'exclusion de certains « systèmes » de son champ d'application, notamment le « système privé d'aqueduc et un système privé de traitement, d'élimination ou de valorisation de matière résiduelle destinés à l'usage d'une seule unité d'habitation d'au plus six chambres à coucher ».

Concernant les dépendances d'ouvrages routiers faisant l'objet d'activités réservées aux ingénieurs, les modifications à la Loi sont plutôt d'ordre terminologique. On a modifié l'expression « système de transport » pour « dépendances d'ouvrages routiers », ce qui inclut tous les ouvrages et installations liés à une route et son utilisation, mais exclut la route en tant que telle.

Finalement, la nouvelle mouture de la Loi rassemble les travaux miniers et les équipements industriels sous une catégorie plus large, les « procédés à l'échelle industrielle de transformation ou d'extraction ».

L'Ordre dispose de plus grands pouvoirs pour lutter contre la pratique illégale de la profession

Sous la Loi modifiée, nul ne peut, s'il n'est pas ingénieur, utiliser ou permettre que soient utilisés des plans et des devis non signés et scellés par un ingénieur pour réaliser un ouvrage visé par la Loi, ce qui représente désormais une infraction.

Les amendes et les délais de prescription ont été uniformisés pour toutes les infractions prévues à la Loi. Les amendes maximales seront désormais de 62 500 $ pour les individus et de 125 000 $ pour les organisations. Elles étaient auparavant de 10 000 $ tant pour les individus que pour les organisations. La poursuite pénale en vertu de la Loi est prescrite 3 ans après la date de connaissance de l'infraction par le poursuivant et 7 ans après la date de perpétration de l'infraction.

Footnotes

1. L'exercice de l'ingénierie est en effet défini comme consistant « à exercer une activité à caractère scientifique d'analyse, de conception, de réalisation, de modification, d'exploitation ou de conseil appliquée aux structures et aux matériaux ainsi qu'aux procédés et aux systèmes qui extraient, utilisent, échangent, transforment, transportent ou emmagasinent de l'énergie, de l'information ou de la matière dans le but d'offrir un milieu fiable, sécuritaire et durable ».

2. Document de l'Ordre des ingénieurs du Québec, « Comprendre les changements à la Loi sur les ingénieurs », https://www.oiq.qc.ca/Documents/membre/ComprendreLoi29_v2.pdf

3. La partie 9 du Code national du bâtiment s'applique aux bâtiments qui ont une hauteur maximale de 3 étages et une aire d'au plus 600 m2. Ces bâtiments peuvent être à usage d'habitation, d'établissement d'affaires, d'établissement commercial ou d'établissement industriel à risque moyen et faible.

4. Document de l'Ordre des ingénieurs du Québec, « Comprendre les changements à la Loi sur les ingénieurs ».

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