Dans une décision récente, Gadbois c. 2734-3540 Québec inc., 2020 QCCQ 11186, la Division des petites créances de la Cour du Québec a examiné une poursuite en violation de droits d'auteur portant sur la reproduction non autorisée d'une sculpture dans une photographie.

Par son recours, le demandeur Marc Gadbois, un artiste peintre et sculpteur, reprochait à Mme Mireille Forget, administratrice de la défenderesse, d'avoir photographié sans autorisation une sculpture en bois qu'il a créée, et d'avoir subséquemment transmis ce cliché par courriel à plusieurs centaines de personnes.

La sculpture en question avait été présentée en public en 1995 lors d'une exposition organisée par Mme Forget. C'est lors de cet événement que la photographie en litige aurait été prise.

Devant la Cour, la défenderesse a d'abord avancé que, bien qu'il lui soit impossible d'en produire la preuve écrite, le demandeur aurait fourni une autorisation écrite à la reproduction de ses Suvres. Selon la défenderesse, une telle autorisation écrite était une condition essentielle imposée à tout exposant lors de l'exposition de 1995. Comme le demandeur y était présent, la défenderesse a déduit que le demandeur avait nécessairement signé une telle autorisation.

Le Tribunal affirme que la Loi sur le droit d'auteur requiert obligatoirement qu'une autorisation à la reproduction d'une Suvre soit donnée sous forme écrite. Avec respect, nous croyons que le tribunal fait erreur. Bien que les règles de la meilleure preuve exigeraient la production de l'autorisation écrite, il est, avec respect, incorrect de conclure que le paragraphe 13(4) de la Loi sur le droit d'auteur s'applique aux simples autorisations (aussi nommées « licences non-exclusives ») d'exercer un des droits du titulaire du droit d'auteur. En effet, la forme écrite n'est requise que pour une cession ou une licence exclusive de droit d'auteur. Comme énoncé par la Cour Suprême dans l'arrêt Robertson c. Thomson Corp., 2006 CSC 43, « [s]i le législateur avait voulu que la concession de tout type de licence non exclusive soit réputée avoir valu "concession par licence d'un intérêt" et soit constatée dans un contrat écrit, il aurait pu le prévoir expressément comme au par. 13(7) à l'égard des licences exclusives ». Cela dit, cette erreur n'a probablement pas eu d'impact véritable sur la conclusion du tribunal puisque la preuve testimoniale de l'autorisation – y compris de sa portée, de ses modalités et de ses limites – semble avoir été insuffisante.

De façon subsidiaire, la défenderesse a allégué que la photographie reproduisait une vue d'ensemble de l'exposition et non pas spécifiquement l'Suvre du demandeur, et qu'ainsi aucune autorisation n'était requise – se fondant probablement (sans en faire mention) sur l'exception pour incorporation incidente prévue à l'article 30.7 de la Loi sur le droit d'auteur qui prévoit que l'incorporation d'une Suvre dans une autre Suvre ne constitue pas une violation du droit d'auteur si accomplie de façon incidente et non délibérée. Le Tribunal note cependant que la photographie de l'exposition utilisée dans le courriel promotionnel a été recadrée pour mettre l'accent sur l'Suvre du demandeur. Son incorporation dans la photographie ne peut donc être incidente et non délibéré.

Au terme de son analyse, le Tribunal conclut que la défenderesse a reproduit l'Suvre du demandeur sans autorisation, et la condamne à payer au demandeur la somme de 1 000$ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle (substantiellement moins que les 15 000$ demandés par le demandeur).

Cette décision nous rappelle l'importance de clairement prévoir par écrit - et de conserver - toute autorisation d'accomplir un acte réservé au titulaire des droits d'auteur sur une Suvre.

En fait, cette décision illustre une importante caractéristique du droit d'auteur : les droits peuvent subsister pendant plusieurs décennies, voir même plus d'un siècle. Comme règle générale, la Loi sur le droit d'auteur  prévoit que le droit d'auteur subsiste pendant la vie de l'auteur, puis jusqu'à la fin de la cinquantième année suivant celle de son décès. Suivant l'entrée en vigueur du nouvel Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), le Canada entend augmenter la durée de protection à la soixante-dixième année suivant le décès de l'auteur (Voir notre article sur ce sujet : Copyright Term Extension: To Life Plus 70 Years, But Not Beyond! Government Consultation on Copyright Term Extension Now Open [Disponible en anglais]). Dans la présente affaire, la photographie en litige avait été prise en 1995, soit 25 années avant la judiciarisation du dossier. Considérant la durée de protection du droit d'auteur, il est important de s'assurer que les autorisations, licences ou cessions conférées et négociées aujourd'hui pourront toujours être utilisées plusieurs années plus tard. Aussi, bien que la licence non exclusive n'exige pas un écrit, il est néanmoins fortement préférable de la mettre par écrit afin de pouvoir démontrer son existence et sa portée.

Enfin, même si les parties ne peuvent être représentées par avocat à la Division des petites créances de la Cour du Québec, il peut s'avérer utile de consulter un avocat pendant la préparation du dossier et avant l'audition afin de s'assurer de la solidité de la preuve et des arguments juridiques.

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