Un cabinet d'avocats a un devoir de loyauté envers une personne qui est venue consulter un de ses conseillers en affaires : c'est ce que la Cour d'appel a affirmé dans un arrêt récent1. Ainsi, le cabinet ne peut représenter par après la partie opposée à cette personne dans un litige.

En première instance2, la Cour supérieure était saisie d'une requête visant à faire déclarer inhabile un cabinet d'avocats qui représentait le demandeur. C'est qu'un des défendeurs, Monsieur Bazinet (administrateur et président de la compagnie mise en cause) avait discuté, avec le conseiller principal en affaires de ce même cabinet d'avocats, d'un litige non encore intenté entre actionnaires et administrateurs de la compagnie. Aucun dossier n'avait été ouvert pour les conseils d'affaires et aucune somme n'avait été facturée. Fait intéressant, M. Bazinet avait même invité le conseiller principal à se joindre au conseil d'administration de la compagnie en crise.

Quelques semaines plus tard, M. Bazinet apprend que le cabinet consulté a accepté de représenter l'actionnaire et demandeur dans un recours en oppression à être intenté contre lui. Un écran déontologique est rapidement mis en place pour empêcher l'échange d'informations confidentielles entre le conseiller principal et les autres employés. Le recours sera intenté le lendemain.

En bref, la Cour supérieure a conclu qu'un conseiller principal en affaires qui travaille dans un cabinet d'avocats − mais qui n'est pas avocat − est tenu aux règles de conflits d'intérêts applicables aux avocats, et ce, en raison de son poste de cadre supérieur. La Cour s'exprimait ainsi :

« the Court concludes that the conflict of interest rules applicable to lawyers are generally applicable to someone in Lortie's position. Dentons holds him out as part of the firm. He clearly holds a senior position within Dentons and he is likely to meet with clients and to receive sensitive business information from clients. The Court concludes that these clients and this information deserve the same protection as the confidential information shared with a lawyer at Dentons in the course of a lawyer-client relationship. A reasonable client would certainly expect that. »

La Cour concluait qu'en consultant le conseiller principal en affaires travaillant au sein d'un cabinet d'avocats qui offre des services-conseils en affaires, M. Bazinet était devenu un client de ce cabinet, et ce, même si aucun avocat n'a été impliqué et aucun conseil juridique n'a été donné. Par conséquent, les informations échangées entre le client et cet employé concernant le litige sont alors présumées confidentielles. En l'espèce toutefois, la mise en place rapide d'un écran déontologique a empêché la transmission de ces informations.

La Cour a tout de même considéré que le cabinet d'avocats avait manqué à son obligation de loyauté en acceptant le mandat de représenter le demandeur et de poursuivre M. Bazinet qui était déjà son client. Le cabinet est donc déclaré inhabile à agir.

Dans son arrêt, la Cour d'appel confirme qu'il s'agit du remède qui s'imposait afin de protéger l'intérêt supérieur de la justice compte tenu de la gravité du manquement au devoir de loyauté et de la rapidité avec laquelle M. Bazinet a demandé le retrait du cabinet d'avocats en question.

En terminant, nous retenons de cet arrêt qu'un cabinet d'avocats a tout intérêt à informer ses employés, avocats ou non, sur la notion de conflits d'intérêts et à les inciter à avoir une bonne tenue de dossier, en répertoriant leurs rencontres et autres communications avec des clients. De tels gestes faciliteront la découverte éventuelle de conflits d'intérêts et diminuera les chances de perdre un client.

Footnotes

1 Dentons Canada, l.l.p. c. Bazinet, 2016 QCCA 1700.

2 Jennings c. Bazinet, 2016 QCCS 2067.

Devoir De Loyauté – Un Client D'affaires Ne Peut Devenir Un Adversaire En Cour

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