Le 11 décembre 2020, le projet de loi n° 68, Loi visant principalement à permettre l'établissement de régimes de retraite à prestations cibles (le « projet de loi no 68 »), a reçu la sanction et est entré en vigueur. Le projet de loi n° 68 modifie, entre autres, la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (Québec) (la « LRCR ») afin de permettre aux employeurs d'adopter un « régime de retraite à prestations cibles » (un « RPC »). Avant l'adoption du projet de loi n° 68, seuls certains employeurs du secteur des pâtes et papiers pouvaient se prévaloir des RPC au Québec en vertu de règlements particuliers. (Les RPC existants doivent être modifiés afin d'assurer leur conformité aux nouvelles règles applicables aux RPC au plus tard le 31 décembre 2023.)

L'adoption du projet de loi n° 68 devrait accorder aux employeurs et aux employés une plus grande latitude dans la conception et la négociation de solutions de retraite plus convenables et durables que le régime à prestations déterminées (le « RPD ») classique, en particulier en limitant les obligations de financement de l'employeur à une somme déterminée, tout en fournissant aux participants une rente de retraite régulière payable à vie plus prévisible.

Les prestations cibles en bref

Comme dans les autres provinces canadiennes où les RPC sont en vigueur, les cotisations de l'employeur au RPC du Québec sont établies au taux prévu dans le régime. Du point de vue de l'employeur, les cotisations établies sont davantage assimilables aux obligations imposées par un régime à cotisations déterminées (« CD ») plutôt qu'à prestations déterminées (« PD »). Les participants assument versent les cotisations prescrites par le RPC, déduction faite de la cotisation déterminée de l'employeur. Par conséquent, contrairement au régime à PD classique, ce sont les participants et non les employeurs qui assument le risque de financement.

Chaque RPC est tenu d'établir une « cible des prestations », à savoir les prestations périodiques accordées au titre du régime (la rente normale) et les autres prestations qui, selon toute attente, devraient être financées par les cotisations totales au RPC et le rendement projeté des investissements qui s'y rapportent.

Puisque les cotisations déterminées et le rendement des investissements pourraient ne pas suffire à atteindre la « cible des prestations », le RPC est tenu de préciser les « mesures de redressement applicables en cas d'insuffisance des cotisations, leur objectif et leurs conditions et modalités d'application ». Les mesures de redressement peuvent comprendre une augmentation des cotisations des participants, une réduction des prestations de retraite pour service futur (applicable aux participants actifs), voire même une réduction des prestations acquises (y compris les rentes en service dans le cas des retraités). Le RPC doit préciser le mode et l'ordre d'application des mesures de redressement. Ces mesures ne peuvent être laissées à la discrétion du comité de retraite du RPC.

Finalement, les RPC doivent également prévoir les conditions et modalités de rétablissement des prestations qui ont été réduites en raison d'une insuffisance de capitalisation, ainsi que l'usage de l'excédent après le rétablissement de toutes les prestations déjà réduites.

Les régimes de retraite à PD et CD existants

Un RPC ne sera pas autorisé à inclure une disposition de PD (même s'il peut comprendre une disposition de CD). En outre, les employeurs ne pourront pas convertir leurs prestations acquises aux termes d'un régime à PD en prestations cibles aux termes du nouveau RPC. Toutefois, sous réserve des conventions collectives et des autres contrats de travail applicables, l'employeur est autorisé à établir un nouveau RPC pour service futur (apparenté à un « gel » du régime à PD).

En revanche, un régime à CD et certains régimes de retraite interentreprises à coûts négociés peuvent être convertis en RPC. Un RPC peut à son tour être converti en un autre type de régime, sous réserve des conditions qui seront prévues dans un règlement ultérieur.

Limitations applicables aux prestations de RPC

Un RPC doit fournir des prestations fondées sur la formule salaires de carrière. Le projet de loi n° 68 interdit expressément les formules de prestations de RPC fondées sur le salaire « moyen de fin de carrière » ou sur le salaire « maximal moyen » (comme on le voit souvent dans les régimes de retraite à PD classiques).

En outre, les RPC ne seront pas autorisés à accorder une indexation à la retraite.

Enfin, les RPC ne peuvent accorder des avantages de retraite anticipée qui dépendent des années de travail ou de services du participant.

Participants employés dans d'autres provinces

Seuls les participants dont l'employeur est soumis à la réglementation provinciale du Québec peuvent se prévaloir d'un RPC adopté en vertu de la LRCR. Le projet de loi n° 68 envisage une future réglementation régissant la participation à un RPC du Québec par les membres qui sont employés hors de la province.

Autres caractéristiques notables

Le projet de loi n° 68 prévoit également des règles détaillées applicables aux excédents. En général, un RPC sera autorisé à utiliser son excédent afin d'améliorer les prestations seulement si le régime est entièrement capitalisé (après addition de la valeur du niveau visé de la provision de stabilisation). Le montant maximal pouvant être utilisé au cours d'un exercice financier sera limité à 20 % de l'excédent. L'excédent ne peut servir à bonifier les prestations des participants non actifs par rapport à celles des participants actifs. Les employeurs ne peuvent partager l'excédent.

Le RPC ne peut pas être modifié ni terminé unilatéralement par l'employeur (ou, dans le cas d'un régime interentreprises, par l'ensemble des employeurs).

Enfin, le RPC est autorisé à établir son ratio de solvabilité plus d'une fois par an. Cette caractéristique est importante étant donné que tout ratio de solvabilité inférieur à un peut diminuer la valeur du droit acquis au RPC qu'un participant mettant fin à sa participation peut transférer.

Réflexions destinées aux comités de retraite

Les nouvelles règles applicables aux RPC peuvent soulever de nouveaux enjeux fiduciaires pour les membres du comité de retraite qui administre un RPC, compte tenu de la complexité des mécanismes et du potentiel de réduction des prestations. À cet égard, dans l'étude du projet de loi, il a été recommandé par certains de modifier également la LRCR, afin d'accorder plus de place aux membres indépendants et aux experts du comité de retraite. Ces recommandations n'ont finalement pas été suivies : la LRCR continuera d'exiger que le comité de retraite d'un RPC se compose d'un représentant des participants actifs, d'un représentant des participants non actifs et d'un membre indépendant (comme dans le cas des autres régimes). Dans l'élaboration d'un RPC, il faudra examiner le niveau d'indemnisation de l'employeur ou la garantie fiduciale applicable aux membres du comité de retraite afin d'encourager les volontaires motivés et compétents.

Prestations variables des régimes à CD et des RVER

Le projet de loi n° 68 modifie distinctement la LRCR afin de permettre aux régimes à CD et aux régimes volontaires d'épargne-retraite (les « RVER ») d'offrir des rentes viagères à paiements variables semblables aux fonds enregistrés de revenu de retraite et ce, même si ces régimes ne sont pas liés aux RPC en soi. Le régime qui comporte cette caractéristique permettra à un participant, à la cessation de sa participation active, de transférer son droit aux CD à un « fonds de rentes viagères à paiements variables » qui satisfait aux exigences qui seront prévues dans un règlement ultérieur. Ces modifications procurent aux promoteurs de régimes à CD et de RVER une possibilité de décumul supplémentaire pour les participants fondée sur la nouvelle « rente viagère à paiements variables » annoncée par le gouvernement fédéral en 2019.

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