La valeur et l'importance des noms de domaine et de la protection des marques de commerce en ligne augmentent au fur et à mesure que les entreprises se tournent vers Internet. La Cour supérieure du Québec a réaffirmé qu'un domaine qui porte à confusion peut mettre votre entreprise en difficulté sur le plan juridique.

Dans l'affaire qui nous intéresse, le conflit est survenu entre la marque de commerce non enregistrée de Cabanons Mirabel et les noms de domaine portant à confusion choisis par un concurrent. Cabanons Mirabel a protégé sa marque de commerce non enregistrée en déposant une réclamation pour commercialisation trompeuse devant la Cour supérieure du Québec relativement à l'utilisation de trois noms de domaine contenant les mots « cabanon(s) mirabel »1.

Cabanons Mirabel est une entreprise québécoise qui conçoit, fabrique et distribue des cabanons et des garages depuis plus de 30 ans sous la marque de commerce non enregistrée CABANONS MIRABEL. Cabanons Mirabel a fait l'acquisition du nom de domaine cabanonsmirabel.com en 2001 et, depuis cette date, utilise le site Web pour vendre ses produits.

La codéfenderesse Cabanons Fontaine est également une entreprise québécoise qui fabrique et distribue des cabanons et des garages depuis plus de 40 ans. Cabanons Fontaine est propriétaire du mot servant de marque enregistrée : CABANONS FONTAINE INC. & DESSIN. En 2006, Cabanons Fontaine a enregistré les noms de domaine suivants : cabanonmirabel.com, cabanonsmirabel.ca et garagescabanonsmirabel.com qui redirigent l'utilisateur vers son site Web hébergé par cabanons.com.

Cabanons Mirabel prétend que les défenderesses ont utilisé les noms de domaine en litige pour rediriger les utilisateurs Internet vers leur propre site Web. La Cour a accueilli cet argument et conclu que l'utilisation des noms de domaine en litige par les défenderesses créait de la confusion, ce qui constitue une commercialisation trompeuse en vertu du paragraphe 7 b) de la Loi sur les marques de commerce.

Confusion avec une marque de commerce non enregistrée et descriptive

Il convient de souligner que Cabanons Mirabel a obtenu gain de cause malgré son nom relativement descriptif et l'absence d'enregistrement de la marque de commerce.

Bien que Cabanons Mirabel n'était pas enregistrée et ne possédait pas de caractère distinctif inhérent en raison de sa nature descriptive, la Cour a néanmoins conclu que du fait de l'usage continu (30 ans) de la marque et de la publicité considérable faite par la demanderesse, CABANONS MIRABEL a acquis une signification secondaire pour les consommateurs locaux et possédait un caractère distinctif.

La confusion est évaluée au moment où le consommateur voit la marque pour la première fois, avant d'arriver sur le site Web

La Cour a déterminé que le fait de rediriger un internaute par l'intermédiaire d'un nom de domaine composé de la marque ou du nom commercial d'autrui constituait de la commercialisation trompeuse. En particulier, le site Web auquel les noms de domaine étaient liés ne comporte pas lui-même l'expression « Cabanons Mirabel » et affiche clairement le logo distinctif de Cabanons Fontaine. À cet égard, Cabanons Fontaine a fait valoir qu'il n'y avait aucune confusion possible étant donné que les consommateurs savent parfaitement avec quelle entreprise ils font affaire une fois qu'ils sont sur le site Web. La Cour a néanmoins conclu qu'il était probable que les noms de domaine en litige entraînent de la confusion.

La Cour a conclu que lorsqu'elle évalue la confusion, le critère de la première impression doit être appliqué au moment où le consommateur voit pour la première fois le nom de domaine, et non lorsqu'il arrive sur le site Web. Le comportement qui se produit après que le consommateur ait vu une marque sur le marché et toute information additionnelle obtenue par un consommateur ne sont pas pertinents dans le cadre d'une analyse adéquate de la confusion2.

Par conséquent, dans la mesure où un internaute, ayant un vague souvenir de la marque CABANONS MIRABEL, est trompé par les noms de domaine de la défenderesse et redirigé vers son site, la confusion requise existe, peu importe la dissipation ultérieure.

Noms de domaine, mots clés et insertion de mots clés : êtes-vous confus?

Cabanons Mirabel est la source d'un autre élément essentiel en matière de confusion en ligne au Québec à la suite d'une décision rendue en 2010 par la Cour supérieure du Québec relativement à la confusion sur les marques en ligne découlant de l'utilisation de mots clés.

Dans Chocolat Lamontagne c Humeur Groupe Conseil inc,3 la Cour a conclu que l'achat par la défenderesse des mots clés « Chocolat Lamontagne » auprès d'un moteur de recherche sur Internet pour les fins de publicité comparative n'équivalait pas à une concurrence déloyale. La défenderesse, concurrente directe de la demanderesse, avait acheté plusieurs mots clés auprès de Google AdWords, dont « Chocolat Lamontagne », de sorte que si une personne recherchait les mots « Chocolat Lamontagne » sur Google, elle obtenait des résultats qui comprenaient un hyperlien sous la rubrique « Liens sponsorisés » menant vers le site de la défenderesse.

Cependant, en plus de générer des résultats de recherche, la défenderesse avait utilisé l'« insertion de mots clés », ce qui intègre le mot clé recherché dans le titre de la publicité. Dans le cas qui nous intéresse, l'hyperlien vers le site de la demanderesse indiquait « Alternative à Chocolat Lamontagne ».

La Cour était d'avis que l'utilisation des mots clés pour s'afficher comme concurrente de la demanderesse aux internautes, et non comme la concurrente elle-même, ne constituait pas une concurrence déloyale ou une commercialisation trompeuse. La Cour a fait remarquer que comme en l'espèce, l'internaute fait un choix de s'informer sur le concurrent, et l'annonceur ne peut être fautif d'avoir créé l'occasion d'être rejoint.

Qu'un commerçant achète la marque de commerce d'un concurrent sous forme de mot clé ou de nom de domaine, le résultat est le même : une recherche Internet sur ce concurrent donnera des résultats qui mènent vers les biens et services d'un commerçant. L'achat de mots clés en l'espèce ne constitue pas un message. Ce qui importe, c'est la manière dont le commerçant se présente aux consommateurs. La Cour a souligné, dans Chocolat Lamontagne, qu'il n'y avait pas de confusion lors de la première impression car l'utilisation du mot « alternative » dans l'hyperlien généré indique au consommateur qu'il n'est pas en contact avec la demanderesse.

Aujourd'hui, il est essentiel que toutes les entreprises soient présentes sur Internet. La décision de la Cour supérieure du Québec indique que les tribunaux provinciaux prennent des mesures pour combler l'écart entre les pratiques en ligne acceptables sur le plan commercial et la protection offerte par la Loi sur les marques de commerce.

Footnotes

1 2020 QCCS 1419

2 Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 (CanLII), [2011] 2 RCS 387 par 72

3 2010 QCCS 1419

Originally published by Norton Rose, October 2020


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