Avec un vote étonnamment clair de 22 voix contre 0 et deux abstentions, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a adopté une initiative dont le but est de suspendre temporairement l'exemption d'autorisation offerte par la Lex Koller pour l'acquisition de biens qualifiant d'établissements stables. Selon la Commission, cette mesure vise à éviter que les entreprises suisses mises sous pression par la crise COVID-19 ne soient contraintes de vendre leurs locaux commerciaux à des entreprises étrangères à des conditions trop favorables. L'initiative parlementaire est actuellement examinée par la Commission des affaires juridiques du Conseil des États. Si cette initiative était acceptée et que la modification législative était considérée urgente, cette dernière pourrait être adoptée et entrer en vigueur en quelques mois seulement.

La loi fédérale sur l'acquisition de biens immobiliers par des personnes à l'étranger (LFAIE), également appelée Lex Koller, soumet l'acquisition de biens immobiliers par des personnes à l'étranger à une autorisation générale. Sont notamment considérées comme des personnes à l'étranger les personnes physiques domiciliées à l'étranger et les personnes morales qui ont leur siège social à l'étranger ou qui sont contrôlées par une personne à l'étranger.

Le cas d'exemption de l'obligation d'autorisation le plus important en pratique concerne l'acquisition de locaux dits commerciaux (art. 2 al. 2, let. a LFAIE). Les biens immobiliers d'un établissement stable sont considérés comme des terrains utilisés à des fins commerciales et non résidentielles. L'exemption de l'obligation d'autorisation pour les locaux commerciaux est donc extrêmement importante en pratique, car elle couvre un grand nombre de biens économiquement importants - tels que les bâtiments de production, les entrepôts, les bureaux, les centres commerciaux, les entreprises artisanales ou encore les hôtels et restaurants.

L'intention de l'initiative parlementaire est de suspendre temporairement l'exemption de l'obligation d'autorisation pour l'acquisition d'établissements stables. Plus précisément, l'initiative prévoit que l'exemption d'autorisation ne s'applique pas:

  • pendant une situation "spéciale" ou "extraordinaire" au sens desarticles 6 et 7 de la loi sur les épidémies ; et
  • pendant les deux années qui suivent la fin de cette situation "spéciale" ou "extraordinaire" ; et
  • à tout acte déjà conclu mais non encore exécuté, à moins qu'une décision Lex Koller juridiquement contraignante ne soit déjà en vigueur - ce qui, toutefois, ne sera probablement pas le cas en pratique car l'acquisition de biens qualifiés "d'établissements stables" ne nécessite pas d'autorisation Lex Koller en vertu du droit actuel.

En Suisse, une situation particulière en vertu de l'article 6 de la loi sur les épidémies s'applique depuis juin 2020. En conséquence, la modification de la Lex Koller exigée par l'initiative parlementaire interdirait l'acquisition directe par des personnes à l'étranger de biens qualifiant d'établissements stables et ce pendant plusieurs années. L'applicabilité de la Lex Koller devrait également être examinée de près dans le cas des opérations de fusions-acquisitions qui conduisent à l'acquisition indirecte d'établissements stables par l'achat d'actions de sociétés, en particulier lorsque les biens immobiliers soumis à autorisation (c'est-à-dire les nouveaux biens immobiliers d'établissements stables également) représentent plus d'un tiers des actifs de la société cible.

La proposition de suspension temporaire de l'exemption pour les établissements stables est très surprenante. Il semble douteux que l'objectif envisagé par la Commission des affaires juridiques du Conseil national selon la Commission - à savoir "empêcher les investisseurs étrangers financièrement solides de profiter de la détresse financière des entreprises suisses et d'acquérir des biens immobiliers d'entreprise à bas prix" – pourrait au contraire être effectivement atteint. La perte temporaire d'investisseurs étrangers aura tendance à entraîner une baisse du prix d'achat des biens qualifiant d'établissements stables et risque de nuire davantage aux entreprises en difficulté. La suspension temporaire de l'exemption rendra aussi plus difficile la restructuration des entreprises suisses en difficulté et l'obtention des liquidités dont elles ont besoin urgemment. Enfin, la suspension de l'exemption sous sa forme actuelle s'appliquerait également aux transactions reposant sur une toute autre motivation - c'est-à-dire celles qui ne sont pas liées à une quelconque détresse financière du vendeur - et rendrait plus difficiles les opérations de fusion-acquisition actuelles et futures.

Il reste maintenant à voir comment la Commission des affaires juridiques du Conseil des États et les deux chambres traiteront cette initiative si elle était acceptée.

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