Comme le résumait parfaitement Le Monde le 22 janvier 2018 : « Il est difficile de trouver le bon équilibre entre la souplesse attendue par les cadres au forfait et renforcée par les nouvelles formes de travail (télétravail, co-working...) et les dérives potentielles de surcharge horaire. »

Or, une obligation de contrôle de la charge de travail du salarié pèse sur l'employeur en ce qu'il doit s'assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail (art. L.312160 du code du travail).

Les juridictions du travail veillent à ce que cette exigence, destinée à assurer la santé des salariés en forfait-jours, soit respectée, notamment en termes de durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires (Cass. soc., 29 juin 2011, n°09-71107).

Pour ce faire, l'employeur doit notamment :

- Mettre en place un relevé déclaratif, selon une périodicité mensuelle, signé par le supérieur hiérarchique et validé par le service des ressources humaines, assorti d'un dispositif d'alerte de la hiérarchie en cas de difficulté, avec possibilité de demande d'entretien auprès du service des ressources humaines (Cass. soc., 8 septembre 2016, n°1426256).

- Réaliser un contrôle du nombre de journées ou demi-journées travaillées effectuées par le salarié en forfait-jours et évoquer au cours de l'entretien annuel l'organisation et la charge de travail du salarié ainsi que l'amplitude de ses journées d'activité (Cass. soc., 23 janvier 2019, n°17-22148).

- S'assurer que le salarié en forfait-jours respecte les repos quotidiens et hebdomadaires et les dispositions de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfaitjours (Cass. soc., 19 décembre 2018, n°17-18725).

Ceci étant, la jurisprudence vient récemment préciser que l'employeur ne doit pas contrôler le planning du salarié cadre en forfait-jours (Cass. soc., 27 mars 2019, n°17-31715) qui doit en effet disposer d'une autonomie réelle dans l'organisation de son travail.

Dans le même temps, la CJUE, saisie sur question préjudicielle par le Tribunal Supremo espagnol, vient de rendre une décision par laquelle elle procède à un rappel très ferme aux obligations de suivi de la charge de travail de ses salariés par l'employeur (CJUE, 14 mai 2019, C-55/18 Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO) / Deutsche Bank SAE). Au regard de la Charte des droits fondamentaux de l'UE et la directive européenne sur la durée du travail, la Cour déclare que ces textes s'opposent aux réglementations nationales qui n'imposeraient pas aux employeurs « un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier », de telles procédures étant essentielles du point de vue des droits à la santé et au repos du travailleur.

Certains y voient le retour à la pointeuse. On pourrait aussi n'y voir, pour ce qui concerne la France, qu'un rappel, certes très ferme, de principes déjà énoncés par la Chambre sociale de la Cour de cassation depuis 2011 avec la série d'annulations de dispositifs de forfaits-jours dans diverses conventions collectives (Cass. soc. 29 juin 2011, n°09-71107), à la suite des avis du Comité européen des droits sociaux rendus en 2004 et 2010.

Ces décisions successives ne rendent pas moins complexe le recours aux forfaits-jours et continuent de promettre de nombreuses demandes de paiement d'heures supplémentaires de la part de salariés à l'occasion de contentieux sur leur licenciement... ou quand la rigueur du droit crée un effet d'aubaine.

Il convient donc de rester très prudent dans le recours et dans la mise en Suvre des forfaits-jours !

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