Le 8 avril 2020, la Commission européenne (ci-après la « Commission ») a publié une communication sur la mise en place d'un cadre temporaire pour l'appréciation des questions d'ententes et d'abus de position dominantes liées à la coopération entre entreprises en réponse à la crise d'urgence sanitaire que représente le Covid-19 (ci-après la « Communication »)1. La Communication prévoit que dans certaines hypothèses, les entreprises peuvent s'adresser à la Commission pour lui demander de valider, par une lettre de confort, les coopérations qu'elles entendent mettre en ouvre.

La première lettre de confort a été délivrée le 8 avril 2020 à « Medicines for Europe » (association de génériqueurs). Elle porte sur un projet de coopération volontaire entre producteurs pharmaceutiques qui cible le risque de pénurie de médicaments hospitaliers critiques pour le traitement des patients atteints du Covid-19.

Le contenu de cette lettre a été rendu public par la Commission le 28 avril dernier2.

On peut lire que la demande de lettre de confort a été réalisée le 6 avril 2020 au nom de Medicines for Europe, de ses membres et également d'autres fabricants de produits pharmaceutiques qui participent ou pourraient participer à la coopération.

Avant d'autoriser une telle coopération, la Commission a consulté de nombreuses instances sur les aspects techniques et ceux de droit de la concurrence : l'Agence européenne des médicaments, les autorités de concurrence nationales, les commissaires européens Stella Kyriakides et Thierry Breton, le commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire et la DG Santé ont participé directement ou indirectement à l'analyse du projet de coopération.

L'objectif de cette coopération est d'améliorer l'offre et d'augmenter la production de la manière la plus rapide et la plus efficace possible, et éventuellement aussi d'améliorer la distribution.

La crise sanitaire actuelle et l'impossibilité de prévoir sa fin ont entrainé une hausse très importante de la demande pour certains produits pharmaceutiques. Cela concerne notamment les sédatifs profonds, les bloqueurs neuromusculaires, les analgésiques puissants, les vasopresseurs, les antibiotiques et les adjuvants, dont les patients des soins intensifs COVID-19 ont particulièrement besoin.

Entre les besoins réels et les commandes préventives, la Commission indique qu'elle comprend que l'ensemble de ces éléments peuvent aggraver les pénuries au sein de l'Union Européenne. La situation serait encore aggravée par la croissance exponentielle de la demande de médicaments COVID-19 dans le monde.

La coopération envisagée prévoit dans un premier temps d'identifier la capacité de production et les stocks existants, d'adapter ou de réaffecter la production et les stocks et de s'occuper éventuellement de la distribution des médicaments COVID-19.

Il s'agira également de coordonner les capacités de production dans toute l'Europe et d'optimiser l'utilisation des ressources disponibles (fourniture croisée de principes actifs pharmaceutiques, transfert de production, etc.).

La Commission considère que, dans les circonstances exceptionnelles actuelles, la coopération envisagée est nécessaire pour parvenir à l'augmentation de la production et à l'amélioration de l'approvisionnement en médicaments COVID-19 dans toute l'Union Européenne, dont le besoin est urgent.

Cela étant, la Commission conditionne sa lettre de confort à des conditions strictes :

- la coopération sera ouverte à tout fabricant de produits pharmaceutiques qui souhaite y participer ;

- des procès-verbaux de toutes les réunions seront établis et conservés, et des copies de tout accord conclu entre entreprises dans le cadre de cette coopération seront communiquées à la Commission ;

- l'échange d'informations commerciales confidentielles entre fabricants sera limité à ce qui est indispensable pour atteindre efficacement les objectifs énoncés ci-dessus. La Commission mettra à la disposition des entreprises un forum contrôlé pour l'échange d'informations sensibles dans la mesure où sa discussion est nécessaire pour atteindre ces objectifs. La Commission apportera sa contribution, également, le cas échéant, avec la participation de l'Agence européenne des médicaments. Les informations qui proviennent des entreprises seront soit recueillies par Medicines for Europe soit par un tiers externe désigné par la Commission, et ne seront mises à la disposition des entreprises participantes que sous forme agrégée ;

- la coopération sera limitée dans le temps jusqu'à ce que le risque de pénurie, y compris lors d'une éventuelle deuxième vague de l'épidémie de COVID-19, soit surmonté. C'est la Commission qui décidera à quelle date la coopération devra cesser.

Pour la Commission, la coopération envisagée ne sera pas la porte ouverte à toutes les dérives. La lettre de confort ne couvre évidemment pas les discussions sur les prix ou toute autre coordination éventuelle sur des questions qui ne sont pas strictement nécessaires pour atteindre efficacement les objectifs énoncés ci-dessus, et qui seront donc susceptibles d'être poursuivies si elles sont mises en ouvre. Il ne pourra pas non plus y avoir d'augmentation des prix au-delà de ce qui est justifié.

En d'autres termes, la Commission ne tolérera aucun comportement qui viserait à exploiter la crise de manière opportuniste afin de dissimuler une collusion non essentielle ou tout autre comportement anticoncurrentiel.  

Footnotes

1. Voir notre flash du 10 avril 2020, « la Commission européenne soutient la lutte contre la pénurie dans le respect du droit de la concurrence ».

2. https://ec.europa.eu/competition/antitrust/medicines_for_europe_comfort_letter.pdf.

Originally published 5 May, 2020

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