Le 24 avril 2020, la Cour d'appel de VERSAILLES a rendu un arrêt éclairant concernant la mise en Suvre des mesures de protection des salariés par l'employeur dans le contexte sanitaire actuel et de confinement décrété par le gouvernement le 16 mars dernier.

Se prononçant sur appel interjeté par le géant américain AMAZON à l'encontre de l'ordonnance rendue par le Tribunal judiciaire de NANTERRE le 14 avril 2020, la Cour d'appel de VERSAILLES a confirmé ladite ordonnance en ce qu'elle prévoyait une obligation impérative de mettre en place un plan complet et national de prévention de la sécurité et de la santé des salariés avec consultation préalable des représentants du personnel. Cet arrêt s'inscrit comme la conciliation entre nécessité de maintenir une activité économique et préservation de la santé des salariés.

En découlent la communication du plan de prévention aux salariés qui doivent être formés à sa parfaite application, ainsi que la réactualisation des documents uniques d'évaluation des risques pour chacun des établissements d'AMAZON en France.

Dans le contexte actuel de crise sanitaire lié au Covid-19, certains salariés d'AMAZON ont fait valoir leur droit de retrait. Par ailleurs, plusieurs alertes pour danger grave et imminent ont été déclenchées, les salariés considérant que les mesures prises par la Direction d'AMAZON étaient insuffisantes pour protéger efficacement leur santé physique, mais également psychique.

L'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES a alors assigné AMAZON devant le Tribunal judiciaire de NANTERRE aux fins de voir cesser l'activité des entrepôts en raison du rassemblement de plus de 100 personnes dans un lieu clos et de manière simultanée, ou, à titre subsidiaire, au moins réduire l'activité aux seules réception des marchandises, préparation et expédition des commandes de produits alimentaires, d'hygiène et médicaux.

Par ordonnance du 14 avril 2020, le Tribunal judiciaire de NANTERRE a ordonné à AMAZON de procéder, avec l'aide des représentants du personnel, à l'évaluation des risques sanitaires et à la mise en Suvre des mesures en découlant. Dans l'attente de l'effectivité de ces mesures, l'activité était réduite à la commercialisation en ligne de produits considérés comme essentiels. L'ordonnance prévoyait également une astreinte de 1 000 000 euros par jour de retard et par infraction constatée.

Sur appel d'AMAZON, la Cour d'appel de VERSAILLES a confirmé l'ordonnance du Tribunal judiciaire de NANTERRE en ce qu'elle a ordonné à AMAZON, avec la participation active des représentants du personnel, de procéder à l'évaluation des risques professionnels inhérents à l'épidémie de COVID-19, ainsi qu'à la mise en place de mesures en découlant. Dans l'attente de cette mise en Suvre, l'activité a été restreinte à la réception de marchandises, la préparation et l'expédition des commandes des produits de première nécessité, y intégrant notamment les produits informatiques et de bureautique, produits indispensables au télétravail.

Quels enseignements en tirer ?

Tout d'abord, il est à noter que l'argument de l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES reposant sur la violation de l'interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes, a été écarté par la Cour d'appel. Cet argument se fondait sur l'arrêté du 14 mars 20201 et le décret du 23 mars 20202. La Cour a justement rappelé que, non seulement, l'activité d'AMAZON n'était pas concernée par cette restriction, mais surtout que le gouvernement a prévu la continuité de l'activité économique pour les entreprises ne pouvant recourir au télétravail, sous stricte condition du respect des règles de protection de la santé et de la sécurité des salariés. Dès lors, les entreprises qui continuent à exercer leur activité professionnelle ne peuvent se voir opposer cet argument, quand bien même l'exercice de cette activité exigerait le rassemblement de plus de 100 personnes dans un lieu clos, dès lors que les obligations liées à l'évaluation des risques et à la mise en place de mesures de protection ont été respectées.

En outre, la Cour d'appel de VERSAILLES met en exergue la nécessité d'une évaluation suffisante et proportionnée des risques et la mise en place de mesures sanitaires adaptées, soulignant au passage les différentes mesures (insuffisantes) prises par AMAZON. L'évaluation doit, comme précisé précédemment, être réalisée de concert avec les salariés et leurs représentants et doit également porter sur les risques psychosociaux, en particulier le stress engendré par la nécessité de continuer à travailler face aux injonctions des pouvoirs publics à rester chez soi.

En découle obligatoirement une association étroite avec les représentants du personnel, faute de quoi, les employeurs risquent d'être assignés au même titre que l'a été AMAZON, en violation de leur obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés. Pour les entreprises qui, comme AMAZON, disposent de plusieurs sites, l'appréciation des risques et des mesures nécessaires doit être réalisée en fonction des particularités de chaque site : une appréciation générale pour l'ensemble des sites serait insuffisante et risquerait d'être sanctionnée. La Cour d'appel précise que l'évaluation des risques gagnera en qualité et en rigueur si l'employeur fait appel à des intervenants extérieurs sur les problématiques médicales, techniques et organisationnelles.

Par conséquent, les salariés doivent être informés des mesures de prévention adoptées par leur employeur et y être formés. Ainsi, la simple diffusion sur des écrans de télévision dans la salle de pause et le réfectoire de diapositives, ne suffit pas à satisfaire à l'obligation d'information qui doit être individualisée selon les postes de travail.

Si aucune interdiction générale de recourir au commerce en ligne ne ressort de cet arrêt, il convient d'attirer l'attention des employeurs sur la nécessité d'attacher une attention particulière et scrupuleuse à l'élaboration d'un plan d'évaluation des risques et de mesures afférentes, en partenariat étroit avec les représentants du personnel, afin d'être en parfaite adéquation avec les dispositions sociales à ce sujet. Cette vigilance doit être particulièrement renforcée à l'occasion de la reprise d'activité des entreprises prévue le 11 mai prochain. En effet, les employeurs défaillants sur ce point prendraient le risque de se voir opposer des droits de retraits de la part de leur personnel, et de retarder d'autant la nécessaire remise en route de leur activité. Il s'agit bien ici d'un impératif tant sanitaire qu'économique.

Footnotes

1 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041722917&categorieLien=id

2 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041746694&categorieLien=id

Pour lire en Anglais, veuillez cliquer ici.

Originally published 5 mai 2020.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.