IMMOBILIER A PARIS: L'arsenal renforcé de la commune pour préempter

Dans un contexte où le mécanisme d'encadrement des loyers des logements instauré par la loi ALUR devrait, selon le communiqué de presse du cabinet de la Ministre Sylvia Pinel du 12 juin, entrer en vigueur le 1er août prochain, il y a lieu de faire le constat que la commune dispose aujourd'hui d'un arsenal de plus en plus large pour préempter les biens immobiliers loués ou libres de toute location.

Le droit de préemption est une procédure permettant à une personne publique d'acquérir en priorité, dans certaines zones préalablement définies par elle, un bien immobilier mis en vente par une personne (particulier ou entreprise) dans le but de réaliser des opérations d'aménagement.

Si l'aliénation d'un seul local à usage d'habitation ou professionnel ou mixte situé dans un immeuble soumis au régime de la copropriété depuis plus de dix ans est exemptée de droit de préemption (article L 211-4 du Code de l'urbanisme), la commune peut en revanche décider exceptionnellement et par une délibération motivée, d'appliquer le droit de préemption urbain à un tel local (on parle alors de droit de préemption renforcé). C'est dans ce cadre que par une délibération des 15/16/17 décembre 2014, le Conseil de Paris a, au motif de « développer le logement social dans le diffus », institué sur plus de 250 immeubles de copropriété à Paris un droit de préemption urbain renforcé. Ce dispositif permettra à la Ville de Paris de préempter tout logement qui serait aliéné dans un de ces immeubles situés essentiellement dans les 2ème, 10ème, 11ème, 15ème, 17ème et 18ème arrondissements.

Par ailleurs, la loi ALUR du 24 mars 2014 a instauré, « pour assurer le maintien dans les lieux des locataires », un nouveau droit de préemption au profit de la commune qui suit un régime propre (article 10 de la loi n°75-1351 du 31 décembre 1975) dans l'hypothèse de la vente d'un ou plusieurs lots d'un immeuble d'habitation ou à usage mixte (habitation et professionnel) consécutive à sa division en lots. En effet, lors de la première vente par lots suivant la mise en copropriété d'un immeuble, le propriétaire-bailleur est tenu de proposer au locataire d'acquérir le local qu'il occupe aux prix et conditions de la vente projetée. C'est dans le cas où le locataire n'entend pas acquérir le local qu'il occupe que la loi ALUR a prévu que le propriétaire-bailleur communique « sans délai » au maire de la commune le prix et les conditions de la vente de l'ensemble des locaux pour lesquels il n'y a pas eu acceptation de ces offres de vente par les locataires.

Si, jusqu'à présent, la politique d'acquisition de la Ville de Paris était la préemption d'immeubles entiers (188 immeubles ont ainsi été acquis par exercice du droit de préemption urbain par la Ville de Paris entre 2008 et 2013), il faut s'attendre, eu égard à ces modifications législatives, à ce que la Ville de Paris préempte de plus en plus des logements isolés soumis au régime de la copropriété.

Il y a enfin lieu de noter que le législateur a, aux termes de la loi ALUR, consenti aux communes un assouplissement dans l'utilisation qu'elles doivent faire de l'objet préempté, la règle suivante toutefois demeurant : si la commune décide dans les cinq ans de la préemption de ne pas utiliser le bien préempté pour l'utilisation convenue, la commune doit proposer à l'ancien propriétaire de racheter le bien préempté. Aujourd'hui, la commune peut utiliser le bien préempté pour un objet différent de celui mentionné dans la décision de préemption (dans la limite de ce que les droits de préemption doivent être exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations mentionnés à l'article L 300-1 du Code de l'urbanisme). Cela rendra nécessairement plus difficile l'exercice par l'ancien propriétaire de son droit à rétrocession dans le cas où la commune déciderait d'utiliser ou d'aliéner à d'autres fins le bien acquis par préemption depuis moins de cinq ans. En tout état de cause, on déplorera que le texte modifié par la loi ALUR ne prévoit toujours pas un droit de rétrocession au profit de l'ancien propriétaire dans le cas où la commune ne met pas à exécution le projet d'intérêt général pour le bien préempté.

Les changements législatifs récents devraient donc avoir des conséquences non négligeables sur la politique d'achat de biens immobiliers à usage d'habitation ou mixte de la Ville de Paris. A observer donc, grâce notamment à la publicité des décisions de préemption rendue obligatoire depuis peu.

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