Pratiquer le droit de l'aviation au Canada signifie devoir maitriser une multitude de registres qui contiennent des informations telles que les sûretés grevant un aéronef, les informations techniques d'un aéronef et également bien son propriétaire ou opérateur. Naviguer à travers ceux-ci peut rapidement s'avérer complexe lors de la mise en place d'une transaction ou d'un financement.

Dans ce bulletin, 4 registres fondamentaux au Canada en matière d'aviation seront explorés, ceux-ci couvrent tant l'immatriculation de l'aéronef que ses charges.

1. Le Registre international des actifs mobiles (le « Registre International »)

Le Registre International est un registre utilisé mondialement dans tous les états signataires de la Convention du Cap relative aux garanties internationales sur les équipements mobiles de 2001 ou plus couramment appelée le « Traité du Cap » (le « Traité »). Le Traité prévoit un ensemble de règles uniformisées pour tout bien meuble susceptible de mouvements transfrontaliers tels que les avions, hélicoptères, trains, appareils spatiaux et la machinerie de construction. Chacune de ces catégories d'équipement doit faire l'objet d'un protocole afin que les dispositions du Traité s'y appliquent, pour l'instant seul le Protocole Portant sur les Questions Spécifiques aux Matériels d'Équipement Aéronautique qui vise les aéronefs est en vigueur, et ce depuis 2006. La grande majorité des partenaires économiques majeurs du Canada sont également parties au Traité.

Le Registre International permet actuellement à tous les intervenants de l'industrie aérospatiale d'enregistrer les éléments suivants :

  • Des intérêts internationaux (sûretés);
  • Une vente survenue ou prospective;
  • Une cession d'intérêts internationaux; et
  • Une subordination d'intérêts internationaux.

Il permet donc de retracer la chaîne de titre complète d'un aéronef depuis sa livraison. Les enregistrements y sont effectués en ciblant le numéro de série de la cellule et des moteurs de l'aéronef, ces numéros de série sont fournis par les fabricants de ces pièces et demeurent les mêmes, peu importe le pays éventuel d'immatriculation de l'aéronef.

Une particularité du Registre International est qu'il fonctionne sur une base de « premier arrivé premier servi » il ne prévoit pas la distinction de rang entre les intérêts internationaux sauf en cas de subordination enregistrée. Néanmoins, il permet de partager la détention des intérêts internationaux en pourcentage parmi les créanciers, par exemple en cas de financement syndiqué.

Un point important à cerner en matière d'enregistrement de sûretés au Registre International est le fait que la cellule (airframe) et les moteurs de l'aéronef représentent chacun des biens individuels faisant l'objet d'un enregistrement distinct, puisque chacune de ces pièces est interchangeable et peut être remplacée. Contrairement aux registres locaux où la publication se concentrera sur un bien collatéral pouvant être défini de manière large, le Registre International ne permet que l'enregistrement d'intérêts internationaux sur des cellules ou des moteurs qui respectent les conditions suivantes :

  • Des cellules d'avions pouvant transporter 8 passagers et plus ou pouvant transporter des biens ayant une masse totale supérieure à 2750 kilogrammes;
  • Des cellules d'hélicoptères pouvant transporter 5 passagers et plus ou pouvant transporter des biens ayant une masse totale supérieure à 450 kilogrammes;
  • Des moteurs ayant au moins 1750 livres de poussée (thrust) ou leur équivalent pour les moteurs à réaction; et
  • Des moteurs ayant au moins 550 chevaux-vapeur de puissance au décollage ou leur équivalent pour les moteurs à turbines ou à pistons.

Considérant la nature globale du Registre International, les sûretés qui y sont enregistrées sont les plus cruciales en matière de financement aérien, la raison principale étant l'opposabilité du registre aux états ayant ratifié le Traité.

2. Le Registre des aéronefs civils canadiens (« RACC »)

Au Canada, le registre principal d'identification des aéronefs est le Registre des aéronefs civils canadiens (« RACC ») lequel fut mis en Suvre via la Loi sur l'aéronautique1 et est administré par Transports Canada. Il s'agit d'une obligation propre à tout Canadien, dans son sens donné dans la Loi sur les transports au Canada2, que d'en registrer au RACC tout aéronef en sa possession.

Une personne physique ou morale sera considérée comme un Canadien aux termes du Règlement de l'aviation canadien3 si :

  • Elle est un citoyen canadien;
  • Elle est un résident permanent du Canada;

Dans le cas d'une personne morale, d'une société de personnes ou de toute autre forme juridique d'entreprise, les critères suivants s'appliquent :

  • elle est constituée sous le régime de lois fédérales ou provinciales;
  • au moins 75% des actions assorties du droit de vote sont détenues et contrôlées par des Canadiens; et
  • elle est contrôlée de fait par des Canadiens.

Une caractéristique distinctive du RACC est que ce dernier est un registre des opérateurs ayant la garde et le contrôle de l'aéronef (custody and control) et non des propriétaires qui possèdent réellement le titre de propriété. Ainsi, si l'aéronef en question fait l'objet d'un accord de gestion, d'un bail ou d'un sous-bail, le RACC présentera comme propriétaire immatriculé le gestionnaire, le locataire ou le sous-locataire, soit la personne qui a la garde et le contrôle au jour le jour de l'aéronef. Le Canada se démarque donc sur cet aspect par rapport à plusieurs autres pays dont notamment les États-Unis, puisque le Federal Aviation Administration Registry est un registre des détenteurs du titre de propriété, mais qui indique également l'opérateur.

Le RACC est aussi un outil très pratique afin de se renseigner sur les caractéristiques techniques de l'aéronef et ses moteurs. Les recherches peuvent y être effectuées soit avec l'immatriculation de l'aéronef, son numéro de série, son nom de modèle notamment. Toutefois, considérant que les immatriculations d'aéronefs canadiens se composent de la lettre C suivie de 4 autres lettres, ces codes sont couramment réutilisés, il est donc possible qu'un avion immatriculé très récemment ait un long historique au RACC. En raison de cette particularité, il est recommandé de se fier avant tout au Registre International en ce qui concerne la chaîne de titre d'un aéronef.

3. Les Personal Property Securities Registers (« PPSR ») et le Registre des droits personnels et réels mobiliers (« RDPRM »)

Au Québec, le RDPRM permet l'inscription d'hypothèques, de droits de propriété du crédit-bailleur, de droits résultants d'un bail ou de cessions de ces contrats, les PPSR permettent les mêmes inscriptions à l'exception qu'un « security interest » sera enregistré en lieu d'une hypothèque ou d'un droit. Tant au Québec que dans les provinces de common law, la publication sera faite via la description de l'élément grevé de la sûreté et des droits du créancier (le « collateral description » en anglais). Lors de financements d'aéronefs, des sûretés sont publiées afin de pallier au fait que le Registre International est limité en ce qui concerne le type d'élément pouvant faire l'objet d'une inscription, à savoir uniquement les cellules ou les moteurs d'un aéronef. On peut en effet penser aux pièces de remplacement qui peuvent faire l'objet d'une sûreté dans ces registres, mais pas au Registre International. Sont aussi publiés dans ces registres des sûretés relatives aux droits grevant les documents accessoires (accords de gestion, baux, sous-baux) et les flux monétaires découlant de ces documents (frais, revenus), afin de fournir des garanties plus importantes sur l'actif financé.

Habituellement, des enregistrements sont effectués à la fois dans la province du domicile du débiteur (l'emprunteur ou le locataire) et dans la province où se situe le hangar entreposant l'aéronef lorsqu'il n'est pas en vol ou en opération (que le hangar appartienne au débiteur ou non). Logiquement, dans la mesure où un bien ne fait pas l'objet de déplacements transfrontaliers, par exemple dans le cas de pièces détachées, seul le lieu où se situe le bien importe. Toutefois, en raison de la grande mobilité des aéronefs, il est à l'avantage d'un créancier de couvrir toutes les possibilités.

Les recherches dans ces registres sont effectuées avec le nom d'un débiteur et permettent uniquement de trouver une description du bien ou des droits grevés de la sûreté. Les registres indiquent rarement le propriétaire réel de l'aéronef de façon définitive, même s'ils indiquent parfois au Québec l'identité d'une partie détenant des droits de propriété du crédit-bailleur ou des droits résultants d'un bail, puisque plusieurs aéronefs font l'objet d'un bail ou d'un sous-bail cette indication ne signifie pas autant preuve de propriété.

Conclusion

En conclusion, la meilleure manière d'obtenir une idée complète de la propriété d'un aéronef et des sûretés le grevant est en effectuant une recherche tant au Registre International, qu'au RACC et ainsi que dans les registres locaux de sûretés selon l'état. Le tableau ci-dessous illustre quelles caractéristiques relatives à un aéronef chaque registre indique :

Propriétaire réel Opérateur Sûretés et charges Données techniques  Chaîne de titre  Recherche via propriétaire/opérateur  Critères de recherches 
Registre International X X X

Cellule

Moteurs

RACC

X

X

X4

X

Immatriculation

Nom du modèle

Numéro de série

Nom du propriétaire

PPSA/RDPRM X X

Nom du Débiteur/Créancieré/Locataire

Numéro de série de véhicule (toutefois inapplicable pour les aéromefs)


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Footnotes

1. L.R.C. (1985), ch. A-2.

2. Article 55(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10.

3. DORS/96-433.

4. Toutefois, comme mentionné, il est possible qu'un avion immatriculé très récemment ait un long historique au RACC. En raison de cette particularité, il est recommandé de se fier avant tout au Registre International en ce qui concerne la chaîne de titre d'un aéronef.

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