Le 23 janvier 2024, le Gouvernement du Québec a apporté des modifications au Règlement sur les substances minérales autres que le pétrole, le gaz naturel et la saumure, qui est par ailleurs renommé Règlement sur les mines  (le « Règlement »)1. Ces changements entreront en vigueur le 6 mai 2024 et visent à mettre en application certaines modifications apportées à la Loi sur les mines  (la « Loi ») 2 annoncées en avril 2022.

Ces changements introduisent un nouveau régime d'autorisation, qui vise les « travaux d'exploration à impacts ». Désormais, toute entreprise minière qui souhaite procéder à ce type de travaux devra présenter une demande d'autorisation de travaux d'exploration à impacts (une « ATI ») au Ministère des Ressources naturelles et des Forêts (le « Ministère »).

Jusqu'alors, par la simple détention d'un claim octroyé en vertu de la Loi, une grande proportion des activités d'exploration minière, de même que l'extraction de 50 tonnes ou moins de substances minérales aux fins d'échantillonnage en vrac, étaient autorisées d'office, sans égards à leur degré d'impact.

Dès le 6 mai 2024, des modifications à l'article 69 de la Loi entreront en vigueur afin de prévoir la nécessité d'obtenir une ATI préalablement à la réalisation de travaux d'exploration à impacts. Ces modifications s'inscrivent dans le cadre de la démarche du gouvernement du Québec visant à favoriser un développement harmonieux de l'activité minière et une cohabitation des usages sur le territoire québécois. L'objectif annoncé de l'ATI est de créer un processus transparent, qui permet de tenir compte des préoccupations des municipalités locales et des communautés autochtones avoisinantes des activités d'exploration minière.

Quels travaux sont assujettis à une ATI ?

Le Règlement énonce une liste d'activités qui constituent des travaux d'exploration à impacts3 :

  • Les travaux effectués avec de la machinerie utilisant la force hydraulique ou avec des explosifs, notamment :
    • l'excavation en terrain meuble;
    • le décapage de roc;
    • l'échantillonnage en vrac;
    • le sondage réalisé en terrain meuble ou dans le roc;
    • les levés géophysiques sismiques de réfraction.
  • Les travaux effectués avec une pompe hydraulique à des fins d'orpaillage.


Quels travaux ne sont pas assujettis à une ATI ?

 Le Règlement ne prévoit pas d'exemption. Le Ministère a toutefois publié le Guide du promoteur pour une autorisation de travaux d'exploration à impacts (le « Guide ») pour accompagner les promoteurs dans la préparation d'une demande d'ATI, dans lequel on retrouve des exemples de travaux qui ne nécessitent pas d'ATI 4. Voici quelques exemples :

  • Toute activité d'exploration réalisée sans l'usage de machineries utilisant la force hydraulique ou d'explosifs, et sans l'usage d'une pompe hydraulique dans le cas des activités d'orpaillage (exemple : la coupe de ligne, le décapage manuel d'affleurement rocheux à l'aide d'une pelle ou d'une pompe à eau, les levés de cartographie géologique, les levés géophysiques au sol et en forage, et l'échantillonnage manuel de roc et de sol).
  • Les travaux d'exploration sur un terrain visé par un bail d'exploitation (bail minier par exemple) ou une concession minière.

Comment obtenir une autorisation ?

Pour obtenir une ATI, les promoteurs doivent transmettre plusieurs informations au Ministère sur un formulaire prévu expressément à cette fin. Notamment, les demandeurs d'ATI doivent fournir une description détaillée des travaux ainsi qu'une description des zones d'intérêts sur lesquels ils seront effectués5. Par zone d'intérêt, on entend l'identification des terrains qui feront l'objet de travaux d'exploration à impacts. Il est très important de bien délimiter la zone d'intérêt visée par la demande d'autorisation puisque tout changement à celle-ci entraîne la nécessité de faire une nouvelle demande d'ATI.

Le Règlement oblige également les demandeurs d'ATI à consulter les municipalités locales et les communautés autochtones, puis de soumettre un rapport des échanges avec ces communautés.

Identification des parties prenantes à consulter

Pour connaître la municipalité locale concernée, le promoteur peut consulter la carte interactive sur le site GESTIM du Ministère. Afin de connaître la ou les communautés autochtones visées par l'ATI, le promoteur est invité à communiquer directement avec le Ministère. En territoire Eeyou Istchee Baie-James, il est demandé au promoteur de communiquer avec le Gouvernement régional Eeyou Istchee Baie-James lorsque son projet est situé sur des terres de catégorie III.

Déroulement de la consultation

Le Règlement n'impose pas de moyen spécifique pour procéder à cette consultation. Le Guide recommande la tenue d'assemblées publiques en personne, durant lesquelles une description détaillée des travaux envisagés est présentée. Il est également suggéré de tenir ces consultations publiques avec les municipalités locales et avec les communautés autochtones lors d'assemblées distinctes. Dans les faits, on peut s'attendre à ce que plusieurs activités de consultation se fassent par échanges écrits entre le promoteur et les parties prenantes concernées. Le Ministère accorde ainsi une certaine souplesse aux promoteurs quant à la méthode employée pour mener ces consultations.

Rapport des échanges

Cependant, il est impératif que le promoteur soumette un rapport des échanges, qui se veut un résumé des questionnements, des demandes et des commentaires provenant des communautés concernées ainsi que des réponses fournies par le promoteur. Le Guide fournit de l'encadrement au promoteur pour présenter l'information recueillie lors de la consultation.

Dans le but d'aider le traitement des demandes de commentaires adressées aux municipalités et communautés, les associations minières du Québec recommandent aux demandeurs d'ATI d'informer le Ministère par courriel au moment de transmettre leur dossier à une municipalité ou à une communauté autochtone. Le Ministère pourra ainsi s'assurer que la municipalité ou la communauté en question soit bien informée sur le processus de demande d'ATI afin qu'elle puisse assurer le suivi du dossier, et que le rapport des échanges puisse être transmis dans un délai raisonnable.

Il y a lieu de souligner que ce rapport sera rendu public par le Ministère.

Au moment de délivrer l'ATI, le Ministère peut, s'il l'estime nécessaire, imposer des conditions et obligations applicables à la réalisation des travaux d'exploration visés par l'ATI6.

La période de validité d'une ATI

L'ATI est valide pour une période de 2 ans qui peut être renouvelée pour une durée de 12 mois lorsque certaines conditions fixées dans le Règlement sont réunies7. Parmi ces conditions se retrouve l'obligation de procéder à une nouvelle consultation auprès des municipalités locales et communautés autochtones ainsi que de fournir un nouveau rapport des échanges8.

L'entrée en vigueur de l'ATI n'est pas étrangère aux préoccupations soulevées par divers regroupements citoyens qui s'opposent aux activités d'exploration minière dans les régions de villégiatures du Québec méridional. Elle n'est pas étrangère non plus au litige opposant la Première Nation Mitchikanibikok Inik au gouvernement du Québec dans lequel la Première Nation estime que la Loi sur les mines est inconstitutionnelle parce qu'elle permet l'enregistrement de claims sans consultation au préalable des peuples autochtones concernés. Ainsi, l'ATI est présentée par le Gouvernement du Québec comme un facteur (parmi d'autres) pour favoriser l'acceptabilité sociale des projets miniers en prenant en compte les préoccupations des municipalités locales et des communautés autochtones avoisinantes.

Malheureusement, il est à prévoir que l'ATI imposera un fardeau procédural et financier additionnel aux sociétés d'exploration minière dont les ressources sont déjà limitées, sans compter les délais anticipés de délivrance de l'ATI qui risquent de freiner les campagnes d'exploration, les périodes pour compléter ces campagnes étant souvent très courtes et tributaires des conditions météorologiques. À quelques jours de l'entrée en vigueur de l'ATI, l'Association de l'exploration minière du Québec rapportait que pour les activités sur le territoire des communautés signataires de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, le délai de traitement par le Ministère est d'environ une vingtaine de jours lorsque tous les documents requis sont reçus. Au Québec méridional par contre, le délai de consultation des communautés autochtones est d'au moins 30 jours, alors que le délai de réponse des municipalités et municipalités régionales de comté est de 10 jours. Quant au délai de traitement d'une demande d'ATI par le Ministère, il est d'environ 35 à 50 jours.

Il est à prévoir que les communautés (locales ou autochtones) ne seront pas toutes préparées de la même façon pour faire face à ces changements réglementaires. Par conséquent, les délais et réponses pourront varier grandement d'une communauté à l'autre, impactant ainsi le dépôt du rapport des échanges auprès du Ministère et donc, par ricochet, le traitement de la demande d'ATI. Les demandeurs d'ATI pourraient donc faire face à des délais plutôt significatifs dans le traitement de leur demande.

L'ATI contribuera-t-elle vraiment, comme l'annonce le Ministère, à l'acceptabilité sociale des projets tout en favorisant un cadre prévisible et propice aux investissements du développement minier ? Ou sommes-nous plutôt en présence d'une situation de dédoublement réglementaire qui ne fera que retarder les activités d'exploration des entreprises minières sans bénéfice réel pour les parties prenantes ? On ne tardera pas à le savoir !

Footnotes

1. RLRQ, c. M-13.1, r. 2

2. RLRQ, c. M-13.1

3.Art. 11 du Règlement

4. Guide, annexe 2, pages 16-17.

5. Art. 12 du Règlement

6. Art. 69.1 de la Loi

7. Article 69.2 de la Loi et art. 13 du Règlement

8. Page 3 du Guide

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