L'année 2023 marquera définitivement le début d'une ère nouvelle en matière de droit européen des brevets. Tel que nous l'avons souligné précédemment, il était prévu que la ratification par l'Allemagne de l'Entente sur la Juridiction Unifiée des Brevets (EJUB) en décembre 2022 mette en branle la «période d'éveil» officielle de trois (3) mois en date du 1er janvier 2023. Or puisqu'il a été annoncé le 5 décembre 2022 que la période d'éveil ne débuterait que le 1er mars 2023, on s'attend maintenant à ce que l'EJUB entre en vigueur le 1er juin 2023. En prévision des changements majeurs qui affecteront sous peu le droit européen des brevets, il importe que les demandeurs et détenteurs de brevets canadiens se familiarisent avec les fondements du Brevet Unitaire (BU) et de la Juridiction Unifiée des Brevets (JUB).

À quelles juridictions le BU et la JUB s'appliqueront-ils ?

Dans la mesure où ils ont été conçus par l'Union Européenne (UE), le BU et la JUB ne s'appliqueront qu'aux pays membres de l'UE ayant ratifié l'EJUB - c'est-à-dire, notamment (et au-delà de l'Allemagne), la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l'Estonie, la France, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, l'Autriche, le Portugal, la Slovénie, la Finlande et la Suède.

Parmi les pays qui n'avaient pas encore ratifié l'EJUB au moment de la rédaction du présent article, on retrouve notamment l'Espagne, la Croatie, la République Tchèque et la Pologne.

Aucun état membre de l'Organisation Européenne des Brevets qui ne fait pas partie de l'UE ne peut adhérer au nouvel encadrement juridique. On retrouve notamment à ce chapitre l'Albanie, l'Islande, le Liechtenstein, Monaco, la Macédoine du Nord, la Norvège, San Marino, la Serbie, la Suisse, la Turquie et le Royaume-Uni.

Qu'est-ce qu'un Brevet Unitaire?

Du point de vue de la procédure applicable aux demandes de brevets, un BU représente une nouvelle option de validation au sein de la Communauté Européenne. En pratique,le traitement des demandes déposées auprès de l'Office Européen des Brevets (OEB) ne subira aucun changement une fois que l'EJUB sera entrée en vigueur. À l'heure actuelle, lorsque l'OEB octroie un brevet, le détenteur peut faire reconnaître son Brevet Européen (BE) auprès de l'un ou de plusieurs états membres au cours des trois (3) mois qui suivent la date de publication de l'octroi. Une fois que l'EJUB sera entrée en vigueur, par contre, tout détenteur aura également la possibilité, au cours du mois qui suivra la date de publication de l'octroi, de demander «l'effet unitaire». Une telle procédure protégera donc les détenteurs de brevets au sein de tous les états membres de l'UE qui avaient ratifié l'EJUB au moment où la demande d'enregistrement pour l'effet unitairea été déposée. Au demeurant, tout détenteur de brevet pourra combiner ces deux options en déposant une demande d'effet unitairetout en faisant reconnaître son brevet auprès d'états qui ne sont pas des membres de l'UE assujettis à la JUB.

La demande d'effet unitaire donne naissance à un droit unique et indivisible, ce qui signifie que si certains pays assujettis à la JUB deviennent éventuellement moins significatifs en termes de protection brevet, ils ne pourront être écartés à seule fin de réduire les coûts. Il serait donc sage de déterminer, avec l'aide de votre conseiller B&P, si une demande d'effet unitaire serait à l'avantage de votre entreprise.

Les seules demandes de brevet européen admissibles à une demande d'effet unitaire sont celles qui ont été déposées après le 1er mars 2007 ET qui impliquent une date de réponse à un avis d'octroi émis en vertu de la Règle 71(3) CBE correspondant (ou postérieure) au 1er janvier 2023.

Une «période de transition» de sept (7) ans suivra immédiatement l'entrée en vigueur de l'EJUB. Cette dernière prévoit au demeurant qu'une telle période de transition pourra, suite à des travaux consultatifs impliquant les utilisateurs, être prolongée de sept (7) autres années - ce qui équivaudrait, en tout et pour tout, à un intervalle de quatorze (14) ans. Le principal objectif de la période de transition est d'offrir aux détenteurs de brevets l'opportunité d'exclure leurs brevets européen (BE) de la compétence de la JUB jusqu'à ce que le nouveau tribunal ait fait ses preuves durant suffisamment longtemps.

Au cours de la période de transition, toute demande d'effet unitaire devra comprendre une traduction anglaise (si le brevet est en français ou en allemand), ou encore une traduction dans une toute autre langue reconnue au sein de l'UE (si le brevet est en anglais). Aucune traduction ne sera requise au soutien de quelque demande déposée une fois la période de transition expirée.

Qu'est-ce que la Juridiction Unifiée des Brevets?

La JUB est un tribunal civil de première et de seconde instance exerçant une juridiction internationale en matière de litiges portant sur des brevets. Tous les brevets européens (qu'ils soient traditionnels ou unitaires) pourront faire l'objet de débats devant la JUB. Toute décision rendue par la JUB liera soit les états où un brevet unitaire (BU) est reconnu, soit les états assujettis à la JUB au sein desquels un brevet européen (BE) traditionnel a été validé.

Au cours de la période de transition, tout brevet européen (BE) sera assujetti à la compétence des tribunaux nationaux ET de la JUB, à moins que son détenteur n'ait demandé à être exclu de cette dernière. Une fois qu'un détenteur de brevet soumet une demande d'exclusion, il n'aura qu'une seule chance d'être réassujetti à la compétence de la JUB. Tout brevet ayant fait l'objet d'une demande d'exclusion sera exclu tant et aussi longtemps qu'il demeurera en vigueur - et ce même si sa durée de vie dépasse l'expiration de la période de transition. Seul un brevet (i) n'ayant jamais fait l'objet de quelque litige soumis à la JUB ou à un tribunal national, et (ii) n'ayant pas fait l'objet d'un ré-assujettissement à la compétence de la JUB pourra faire l'objet d'une exclusion.

Un détenteur de brevet pourra demander à être exclu à n'importe quel moment venant entre le début de la période d'éveil (1er mars 2023) et l'expiration de la période de transition. Aucun tarif ne prévoit le paiement de quelques frais lors du dépôt d'une demande d'exclusion ou de ré-assujettissement. Une fois expirée la période de transition, les brevets européens reconnus au sein d'états adhérant à la JUB deviendront (tout comme les brevets unitaires) assujettis à la compétence exclusive de la JUB.

La JUB introduira, au sein d'un vaste marché, un système judiciaire centralisé apportant des avantages liés à l'octroi de licences, la contrefaçon par fourniture de moyens, l'attribution de dommages-intérêts, et bien d'autres facteurs. Or il est raisonnable de s'attendre à ce qu'une telle juridiction centralisée apporte certains changements significatifs à l'aspect coûts-bénéfices du système de justice européen. Ceci dit, il n'existe présentement aucune nouvelle jurisprudence relative à la contrefaçon. La JUB (qui met en place une autorité décisionnelle unique, applicable à tous les pays de l'Union Européenne qui y sont assujettis) n'a pas encore fait ses preuves. Par conséquent,la question de savoir si oui ou non un brevet européen doit être exclu de la compétence de la JUB (et, le cas échéant, à quel moment) fera bientôt partie intégrante d'une stratégie relativement complexe.

Aspects stratégiques du nouvel encadrement juridique

Pour en apprendre davantage au sujet du BU et de la JUB, inscrivez-vous au webinaire (en cliquant ici), au cours duquel nous discuterons de stratégies visant à éviter (ou à tirer profit de) ce nouvel encadrement juridique.

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