En matière de marques de commerce, les tribunaux canadiens ont rendu l'an dernier des décisions dignes de mention. Ils ont notamment accordé une rare injonction interlocutoire, prononcé des peines d'emprisonnement pour non-respect d'une injonction, attaqué de front des problèmes liés au rapport entre des marques de commerce et Internet, examiné des faits justifiant le non-emploi de marques de commerce ou exigeant le recours à des termes français et se sont penchés sur le caractère descriptif de marques et sur des marques non traditionnelles. Voici les affaires juridiques et législatives qui ont retenu notre attention en 2015.

1. Rare injonction

Jamieson Laboratories Ltd. c. Reckitt Benckiser LLC et Reckitt Benckiser (Canada) Limited (2015 CAF 104)

Il arrive très rarement qu'une injonction soit accordée préalablement au procès dans les affaires de marques de commerce au Canada, les préjudices causés par la contrefaçon n'étant habituellement pas considérés comme irréparables de nature par la Cour fédérale. Dans l'affaire qui nous occupe, où le propriétaire d'une marque de commerce enregistrée n'avait pas employé la marque de commerce en question au Canada avant la contrefaçon, les faits plutôt uniques ont donné à la Cour fédérale l'occasion de mettre au jour un préjudice irréparable. Cette décision pourrait indiquer dans quelle mesure les changements imminents à la Loi sur les marques de commerce, dont certains portent précisément sur l'enregistrement d'une marque de commerce sans qu'elle soit employée, peuvent influer sur la protection des marques.

En 2011, Reckitt Benckiser faisait l'acquisition, par cession, de la marque enregistrée MEGARED. Même si le propriétaire antérieur avait employé la marque aux États-Unis, son emploi au Canada avait été reporté pour diverses raisons, notamment l'obtention des approbations de Santé Canada et les questions liées au changement du droit de propriété. L'enregistrement visait les suppléments contenant des acides gras oméga-3. La marque avait été employée aux États-Unis par le propriétaire antérieur au regard de suppléments à base d'huile de poisson krill « rouge » (« red », en anglais). Le produit a fait l'objet d'activités publicitaires et promotionnelles importantes, notamment à la télévision américaine.

Reckitt Benckiser a lancé les suppléments MEGARED à la fin de 2013 ou au début de 2014. Toutefois, à l'été 2013, un autre important fournisseur de suppléments canadiens, Jamieson, mettait de nouveau sur le marché un supplément à base d'huile de krill sous une nouvelle marque, Omega RED. Les deux produits sont illustrés ci-dessous.

Reckitt Benckiser a intenté une action pour contrefaçon en octobre 2014 et, un mois plus tard, a déposé un avis de requête en injonction interlocutoire, soit plus de 18 mois après le lancement du produit de Jamieson. L'injonction a été accordée nonobstant le retard apparent, et elle a été maintenue à l'appel. Pour ce qui est des preuves de préjudice irréparable, la Cour d'appel fédérale a confirmé que, en règle générale, lorsque les pertes ne peuvent pas être quantifiées ou lorsqu'elles sont incalculables, elles peuvent « donner lieu à un préjudice irréparable ». La Cour a également fait remarquer que, lorsque la partie qui demande la protection de sa marque de commerce fait son entrée sur le marché après la partie à qui elle reproche d'avoir contrefait sa marque, exiger qu'un demandeur fasse la preuve des dommages subis comme des pertes de recettes de vente ou des pertes de parts de marché, ne devrait pas être nécessaire « s'il a exploité son entreprise uniquement dans un marché où la partie à qui il reproche d'avoir contrefait sa marque est elle aussi présente ».

2. Dénonciation des activités de contrefaçon

Chanel S. de R.L. c. Kee (2015 CF 1091)

Après la tenue d'un procès sommaire, Chanel a obtenu gain de cause contre une famille qui se livrait à de la contrefaçon et qui avait essayé d'éviter les conséquences d'un règlement précédent et d'une ordonnance (sur consentement) de la Cour par un transfert interfamilial d'activités.

La Cour fédérale s'est rendu compte qu'il y avait eu mépris flagrant des droits afférents à la marque de commerce de Chanel à la suite de la vente, par la famille, d'accessoires de mode portant les marques de commerce Chanel. La Cour a également constaté que l'instance et les ordonnances de la Cour étaient méprisées, l'entreprise défenderesse liée, qui avait auparavant vendu ces biens contrefaits, ayant été partie à un règlement dans le cadre d'une action précédente déposée par Chanel, lequel règlement comprenait une ordonnance sur consentement. Étant donné le caractère « flagrant » de ces activités, la Cour a estimé que le montant de dommages-intérêts nominaux était insuffisant « pour dénoncer ces activités et en dissuader les défenderesses en cause ». Elle a ordonné le versement de dommages-intérêts symboliques de 64 000 $ pour huit occurrences de contrefaçon, de dommages-intérêts punitifs de 250 000 $ et d'une somme de 66 000 $ au titre des dépens (soit 60 % des frais réels engagés par Chanel).

3. Confusion : coexistence, importance de l'emploi et inférence défavorable

Scott Technologies Inc. c. 783825 Alberta Ltd. (2015 CF 1336)

La Cour fédérale, s'appuyant sur l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, a reconnu que, lorsque deux marques étaient employées intensivement depuis longtemps, l'absence de preuve de confusion peut se révéler un important facteur de l'évaluation de la probabilité de confusion entre les marques.

Scott Technologies a intenté une action pour contrefaçon de marques de commerce, commercialisation trompeuse et dépréciation de l'achalandage en rapport avec ses marques de commerce, y compris la marque SCOTT, en raison de la commercialisation et la vente d'appareils respiratoires à des services d'incendie, contre une entreprise de vente et d'entretien d'extincteurs qui a utilisé le nom Scott Safety pendant de nombreuses années.

Ayant estimé que Scott Technologies n'avait produit aucune preuve substantielle de véritable confusion, la Cour fédérale a estimé que, lorsque les autres facteurs de confusion étaient théoriquement liés, l'absence de preuve de véritable confusion était le facteur contextuel le plus important. La Cour a poursuivi en faisant observer que « le fait qu'une chose [la confusion] ne se soit pas produite laisse croire, toutes choses étant égales par ailleurs, qu'elle n'était pas susceptible de se produire » (traduction). La Cour a aussi fait remarquer que la mesure dans laquelle un tribunal peut tirer une inférence de non-confusion d'une absence de preuve de véritable confusion dépend des circonstances, et notamment de la coexistence de longue date des marques et de l'emploi intensif de ces marques.

4. Peine d'emprisonnement pour contrefaçon

Trans-High Corporation c. Hightimes Smokeshop and Gifts Inc. (2015 CF 1104)

Les peines d'emprisonnement imposées aux contrefacteurs ne sont pas très courantes au Canada. Dans le cas qui nous occupe, malgré le fait que la Cour fédérale ait statué qu'il y avait eu contrefaçon de la marque de commerce HIGH TIMES de la demanderesse, la défenderesse a continué à employer la marque, plaidant ultérieurement coupable à une accusation d'outrage au tribunal. L'ordonnance pour outrage au tribunal prévoyait, en partie, le paiement des amendes et des frais à la demanderesse, faute de quoi celle-ci pouvait obtenir un mandat d'incarcération de la défenderesse. Comme cette dernière n'a pas payé les sommes exigées, la demanderesse a formulé une demande de mise en application de l'ordonnance pour outrage au tribunal. La Cour fédérale confirmait un jugement antérieur de la Cour suprême du Canada selon lequel une personne condamnée par un tribunal à payer une somme peut être emprisonnée pour outrage si elle ne veut pas acquitter cette dette même lorsqu'elle a les moyens de le faire. La Cour a ordonné que la défenderesse soit arrêtée et emprisonnée pour une période d'au moins 14 jours et qu'elle demeure emprisonnée jusqu'à ce que toutes les sommes dues soient payées. Selon la Cour, il ne s'agit pas d'une affaire d'« incarcération du débiteur » puisque la défenderesse refusait de payer alors qu'elle en avait les moyens.

5. Invalidé en raison d'une description claire

Les marques de commerce sont rarement invalidées parce qu'elles sont clairement descriptives au Canada où, par exemple, des marques comme ASPIRIN et THERMOS sont toujours enregistrées malgré le fait qu'elles ne soient plus valides dans d'autres jurisdictions. L'affaire Dr Patrick Lum et Dr P.K. Lum (2009) Inc. c. Dr Coby Cragg Inc. (2015 CAF 293; appel de 2014 CF 1171) a donné à la Cour fédérale une rare occasion d'analyser la signification de l'expression « description claire » du lieu d'origine, que l'on retrouve à l'alinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce.

Le D Lum et le D Cragg, tous deux dentistes, exploitaient leurs cabinets dans une région de la Colombie-Britannique communément appelée « Ocean Park ». Le Dr Cragg exploitait l'« Ocean Park Dental Centre » depuis 1974. En 2012, le D Lum faisait l'acquisition d'un cabinet situé à quelques pâtés de maisons de celui du Dr Cragg et l'exploitait sous le nom « Ocean Park Dental Group ». En 2013, après le dépôt de plaintes par le Dr Cragg, il déménage son cabinet quelques pâtés de maisons plus loin et adopte un nouveau nom, soit celui de « Village Dental in Ocean Park ».

Le Dr Cragg obtient alors l'enregistrement de la marque OCEAN PARK en liaison avec des « cliniques dentaires » et intente une action pour contrefaçon contre le Dr Lum, qui présente une demande reconventionnelle visant à invalider l'enregistrement de la marque en se fondant sur le fait qu'elle donne une description claire du lieu d'origine et qu'elle n'est pas distinctive. Le tribunal inférieur a rejeté la plainte d'invalidité en procédant à une analyse en deux étapes de la description claire du lieu d'origine. Premièrement, la marque de commerce doit renvoyer à un lieu-dit géographique et, deuxièmement, les services doivent être indissociables du lieu-dit en question. Même si « Ocean Park » correspondait à l'emplacement géographique du cabinet du Dr Cragg, le tribunal de première instance a statué que l'emplacement « Ocean Park » n'est pas associé à des services dentaires. La plainte concernant l'absence de caractère distinctif a aussi été rejetée.

Lors de l'appel, les conclusions basées sur la signification de l'expression « description claire » et sur le caractère distinctif de la marque ont toutes deux été renversées, et la Cour a ordonné de supprimer la marque du registre pour cause d'invalidité. Selon la Cour d'appel fédérale (CAF), l'expression OCEAN PARK est à première vue descriptive de l'emplacement géographique où les services du Dr Cragg sont offerts. La Cour a poursuivi en soulignant qu'il y va de l'intérêt public d'interdire à un commerçant de monopoliser le nom d'un emplacement géographique aux dépens des autres personnes de la région. Suivant la CAF, la marque du déposant ne pourrait pas avoir acquis un sens secondaire, puisque les mots OCEAN PARK n'ont jamais été employés comme marque de commerce autonome. Pour ce qui est du caractère distinctif, la CAF était d'avis que la preuve présentée au tribunal de première instance portant sur l'emploi des mots « Ocean Park » par des entreprises locales ne permettait pas de conclure que la marque de commerce OCEAN PARK ne possédait pas de caractère distinctif au commencement des procédures d'invalidité.

6. Motifs d'invalidité

Concierge Connection Inc. c. Venngo Inc. (2015 CAF 215)

Même s'il s'agit d'une décision liée au bien-fondé d'un acte de procédure en matière d'invalidité (dans le contexte d'une demande reconventionnelle d'une action en contrefaçon concernant la marque PERKOPOLIS) et non d'une décision de première instance ou d'un appel d'une décision de première instance, la Cour d'appel fédérale a nettement affirmé que, outre les motifs spécifiques énoncés dans la Loi sur les marques de commerce, l'enregistrement d'une marque de commerce peut être invalidé parce qu'une déclaration fausse a été faite au Bureau des marques de commerce ou parce que la confiance du Bureau a été trompée de façon importante.

7. Marques de commerce et Internet

Deux décisions, qui portaient sur des métabalises et des mots-clés, se sont soldées par le rejet d'allégations de contrefaçon et de commercialisation trompeuse. Dans la cause Red Label Vacations Inc. (redtag.ca) c. 411 Travel Buys Limited (411travelbuys.ca) (2015 CF 19, confirmée par 2015 CAF 29), le site Web des défendeurs comprenait des métabalises copiées à partir du site Web de la demanderesse. Cependant, les marques de commerce de cette dernière n'étaient pas visibles sur le site Web des défendeurs. Selon le juge de première instance, l'emploi de la marque d'un concurrent dans des métabalises (qui ne sont habituellement pas visibles par le consommateur) ne constitue pas une contrefaçon. Un tel emploi ne constitue pas en soi le fondement d'une probabilité de confusion, car il est encore loisible au consommateur de faire un choix et d'acheter les biens ou les services auprès du site Web qu'il cherchait au départ. La Cour d'appel fédérale (CAF) a rejeté l'appel de la décision du juge de première instance. Celui-ci n'a pas commis d'erreur en concluant implicitement que les défendeurs n'avaient pas employé l'une ou l'autre des marques de commerce de la demanderesse, ce qui aurait fondé l'accusation de contrefaçon. Cependant, la CAF a formulé la mise en garde suivante : l'insertion d'une marque de commerce enregistrée dans une métabalise pourrait, dans certains cas, constituer de la publicité de services donnant lieu à contrefaçon et, dans des motifs concordants, l'un des juges a expressément refusé d'appuyer les remarques du juge de première instance remettant en question l'applicabilité de la « confusion de l'intérêt initiale » en droit canadien, un concept qui a été reconnu par la Cour suprême du Canada. Cela semble laisser la porte ouverte à d'autres allégations de contrefaçon découlant de l'emploi de marques de commerce dans les métabalises.

Dans l'affaire Vancouver Community College c. Vancouver Career College (Burnaby) Inc., 2015 BCSC 1470, la Cour a rejeté l'allégation de commercialisation trompeuse du demandeur fondée sur l'emploi par le défendeur des marques de commerce du demandeur comme mots-clés pour déclencher de la publicité en ligne. La possibilité de confusion ne se matérialise pas avant que le consommateur qui fait la recherche consulte un site Web. L'emploi des marques de commerce d'un concurrent comme mots-clés ne peut donc constituer à lui seul une commercialisation trompeuse. Il a été interjeté appel de la décision.

8. Non-emploi d'une marque : ce qui constitue un emploi et facteurs pouvant justifier le non-emploi 

Deux importantes décisions ont été rendues – dont la première contenait une opinion dissidente de la Cour d'appel fédérale, chose très inhabituelle, et fait maintenant l'objet d'une demande d'autorisation devant la Cour suprême du Canada. L'affaire Alliance Laundry Systems LLC c. Whirlpool Canada LP (2013 COMC 218; 2014 CF 1224; 2015 CAF 232) portait sur des procédures d'annulation par voie sommaire pour cause de non-emploi en vertu de l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce contre l'enregistrement de la marque SPEED QUEEN appartenant à Whirlpool Canada LP. Le déposant a présenté un affidavit indiquant que la marque a été employée au Canada par un concessionnaire licencié pendant la période concernée en liaison avec des machines à laver et des sécheuses. La preuve comprenait des photographies montrant que la marque était apposée sur les marchandises ainsi que les chiffres de ventes bruts attestant que des ventes ont été réalisées pendant la période concernée. Ont également été déposées en preuve des copies de deux factures faites 11 semaines après la période concernée, sur lesquelles la marque était bien visible et confirmant la vente de plusieurs centaines de machines à laver et de sécheuses SPEED QUEEN. La Commission des oppositions a maintenu l'enregistrement, faisant observer que les factures, même si elles étaient postérieures à la période concernée, supposaient une continuité des ventes. Il ne s'agissait pas, selon elle, d'une vente purement symbolique. Lors de l'appel devant la Cour fédérale, aucun élément de preuve supplémentaire n'a été déposé, et l'appel a été rejeté. La Cour a indiqué que la décision appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Lors de l'audience par la Cour d'appel fédérale, la majorité des juges étaient en désaccord avec le juge de première instance, estimant que la preuve n'avait pas, même en l'interprétant avec laxisme, atteint le seuil inférieur lié à l'emploi exigé l'article 45, et ils ont ordonné que l'enregistrement de la marque SPEED QUEEN soit radié (le juge Scott, dans une opinion dissidente, était d'avis que la décision du tribunal inférieur était raisonnable). Une demande d'autorisation d'interjeter appel devant la Cour suprême du Canada a été déposée en décembre 2015.

Dans la cause Gouverneur Inc. c. The One Group LLC, 2015 CF 128, le déposant a invoqué des « circonstances spéciales » pour éviter l'annulation pour cause de non-emploi. La Cour fédérale a confirmé que le registraire doit être convaincu que le défaut d'emploi est attribuable à des circonstances inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles ainsi qu'à des raisons indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit. Il doit aussi s'assurer que la preuve fournie pour justifier ces circonstances spéciales est solide, fiable, précise et détaillée. Dans le cas qui nous occupe, la preuve que deux locateurs potentiels (qui exploitaient des chaînes d'hôtels) avaient abandonné leurs projets à Toronto ne constituait pas des circonstances spéciales qui pourraient justifier le défaut d'emploi, par le propriétaire inscrit, de la marque avec un bar et un restaurant. Il n'y avait rien de peu courant, d'inhabituel ou d'exceptionnel au fait que le propriétaire inscrit n'avait pas trouvé d'emplacement qu'il jugeait convenable, et le défaut d'emploi ne pouvait pas être attribuable à des circonstances indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit.

9. Enregistrement de marques non traditionnelles

Il est généralement difficile d'enregistrer des marques non traditionnelles au Canada, et l'industrie pharmaceutique, en particulier, n'a généralement pas réussi à défendre ses oppositions aux demandes portant sur des combinaisons de la forme et de la couleur d'un comprimé. Dans l'affaire Pfizer Products Inc. c. Association canadienne du médicament générique (2013 COMC 27; 2015 CF 493), la Cour fédérale a rejeté un appel du refus de la Commission des oppositions concernant l'enregistrement de la pilule « bleue » bien connue de Pfizer en liaison avec un produit pharmaceutique destiné au traitement de la dysfonction érectile. Pfizer a demandé l'enregistrement de la marque de commerce du comprimé, montré et décrit ci-dessous, en 2005, fondé sur son emploi au Canada depuis 1999.

La marque de commerce est constituée de la couleur bleue appliquée à l'ensemble de la surface visible du comprimé représentée sur les dessins annexés. La figure 1 représente une vue en perspective de dessus et de côté. La figure 2 représente une vue d'extrémité. La figure 3 représente une vue latérale, et la figure 4 représente une vue de dessous ou au-dessus. Les désignations « Fig. 1 », « Fig. 2 », « Fig. 3 » et « Fig. 4 » ne font pas partie de la marque de commerce.

L'Association canadienne du médicament générique s'est opposée avec succès à la demande de Pfizer. La Commission des oppositions des marques de commerce a soutenu que le design du comprimé de Pfizer avait un caractère distinctif chez les patients, mais que Pfizer n'avait pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, que la marque présentait aussi un caractère distinctif chez les médecins et les pharmaciens. La preuve du « caractère distinctif » de la marque chez les trois groupes de clientèle a constitué une exigence dans de nombreuses affaires mettant en cause des comprimés pharmaceutiques. Pfizer a interjeté appel de la décision, soutenant que la Commission a commis une erreur dans son application du critère de la distinctivité en exigeant que le caractère distinctif de la marque soit établi chez les patients, les médecins et les pharmaciens. La Cour fédérale a maintenu qu'il doit y avoir un degré important de reconnaissance parmi l'ensemble du groupe de consommateurs ordinaires, y compris les médecins, les pharmaciens et les patients, que la COMC a commis une erreur de droit en omettant d'examiner si des patients avaient associé « d'une manière significative » l'apparence du comprimé à une source et que la preuve présentée par Pfizer n'avait pas établi le fait qu'un nombre important de patients avaient associé à une source unique le design du comprimé de VIAGRA. En outre, la Cour était d'avis que l'utilisation restreinte que les médecins, les pharmaciens et les patients peuvent faire de l'apparence du comprimé de Viagra à des fins d'identification (par rapport avec la marque VIAGRA elle-même) ne suffisait pas pour établir le caractère distinctif que requiert l'enregistrement d'une marque de commerce.

10. Incidence de la réputation

En 2015, deux décisions ont porté sur l'enregistrement de logos bien connus et utilisés depuis longtemps, par opposition aux marques formées de mots. Dans les deux cas, les solides réputations des marques ne sont pas parvenues à faire oublier la constatation fondamentale que les marques étaient visuellement différentes. Dans l'affaire Adidas AG c. Globe International Nominees Pty Ltd, 2015 CF 443, la Cour fédérale a maintenu la décision du registraire de repousser les oppositions à deux demandes concernant les dessins-rayures (gauche et droite) illustrés ci-dessous, fondées sur leur utilisation depuis 2008 en liaison avec des chaussures, des vêtements de protection et des articles de sport.

Demande no 1 407 596                       Demande no 1 407 601

Adidas s'est opposée aux demandes pour des raisons de confusion avec son dessin aux trois bandes, utilisé depuis au moins aussitôt que 1954, et qui a fait l'objet de nombreux enregistrements, dont voici un exemple  :

LMC 770551

La registraire a rejeté l'opposition, estimant que les marques présentaient des différences globales. Lors de l'appel, adidas a soutenu que la renommée et la notoriété de ses marques influeraient sur le degré de confusion du consommateur. Le juge a fait observer que la renommée pouvait être une « arme à deux tranchants ». Tout en conférant une protection élargie, certaines marques sont tellement connues ou célèbres que les différences avec d'autres marques servent à distinguer plus facilement les marchandises et à réduire la probabilité de confusion. Selon le juge, les marques étaient suffisamment différentes pour éliminer les probabilités de confusion, et il a rejeté l'appel.

Dans l'affaire Levi Strauss & Co. et Levi Strauss & Co. (Canada) Inc. c. Warehouse One Clothing Ltd., 2015 COMC 209, la Commission des oppositions s'est penchée sur la probabilité de confusion d'un dessin de poche avec les dessins de poche arrière utilisés depuis longtemps par Levi. La demande concernait le dessin ci-dessous en liaison avec des jeans (depuis 2009) et d'autres vêtements.

Levi possède de nombreuses marques, dont celle-ci :

En guise de preuve, l'opposante a fait valoir que ses vêtements sont utilisés depuis des décennies, que des millions de jeans ont été vendus, que ses ventes totalisent plus d'un milliard de dollars et que ses dépenses en publicité s'élèvent à des millions de dollars, ce qui a conduit l'agent d'audience à conclure que la marque de l'opposante était fort bien connue. Comme preuve de l'état du marché et de l'état du registre, on a montré d'autres dessins de piqûres de poche. Selon l'agent d'audience, le processus visant à établir s'il y a confusion « ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur la confusion portant à croire que des produits provenant d'une source proviennent d'une autre source ». Malgré le fait que les marques de l'opposante soient employées depuis longtemps et qu'elles soient très bien connues, l'agent d'audience, en rejetant l'opposition, en est venu à la conclusion que les marques présentaient un faible degré de ressemblance et qu'il est improbable que le consommateur croie que les marchandises de la requérante sont fabriquées ou vendues par l'opposante ou par un licencié de l'opposante.

11. Appel accueilli d'une décision de la Commission des oppositions

Au cours de 2015, la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale (CAF) ont examiné de nombreux cas portés en appel à la suite de décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce (qui rend des décisions dans le contexte de procédures d'opposition et de procédures d'annulation de marques pour cause de non-emploi en vertu de l'article 45). De nouveaux éléments de preuve peuvent être déposés aux appels des décisions de la Commission des oppositions, et l'examen de cas récents montre que la Cour en étudie attentivement les incidences. Dans le cadre de l'examen des décisions de la Commission des oppositions en appel, la Cour renvoie souvent au respect que mérite la Commission des oppositions, et elle se demande si les nouveaux éléments de preuve déposés en appel auraient modifié de façon importante l'analyse de la Commission (en appliquant le critère défini par la CAF en 2001 dans l'affaire Brasseries Molson c. John Labatt). Les appelants doivent bien comprendre la norme de contrôle, et se demander si les « nouveaux éléments de preuve » sont véritablement susceptibles d'influer sur la Cour en appel. L'analyse d'affaires récentes laisse croire que des éléments de preuve supplémentaires du même type ou tout simplement la mise à jour des éléments de preuve n'ont probablement pas beaucoup de pouvoir de persuasion en appel.

12. Utilisation obligatoire du français au Québec

En vertu de la Charte de la langue française du Québec, les entreprises exploitées au Québec doivent utiliser le français dans l'emballage, l'étiquetage et l'affichage. L'exemption des « marques de commerce reconnues » a été invoquée par de nombreuses entreprises pour justifier l'affichage en anglais seulement. Cependant, selon les autorités réglementaires du Québec, l'affichage indique des « dénominations commerciales » et non des marques de commerce et, pour cette raison, il est obligatoire d'y insérer des mots français. Un groupe de détaillants bien en vue ont contesté cette position. Dans l'affaire Québec c. Magasins Best Buy ltée, 2015 QCCA 747, la Cour d'appel du Québec a confirmé que rien n'oblige les marques de commerce non rédigées en français et placées à la devanture des magasins à être accompagnées de termes français décrivant la nature de l'entreprise afin d'être conformes à la Charte de la langue française du Québec. C'est pourquoi elle a rejeté l'appel du gouvernement. Mais l'histoire ne s'arrête pas là : après la décision, le gouvernement du Québec a annoncé son intention de modifier les lois linguistiques de la province de façon que l'affichage commercial en anglais s'accompagne d'un libellé français.

13. Le point sur les modifications à la Loi et au Règlement sur les marques de commerce

En décembre 2014 et le 1er  janvier 2015, certaines dispositions du projet de loi C-8, la Loi visant à combattre la contrefaçon de produits, sont entrées en vigueur, notamment celles prévoyant des peines plus lourdes pour la contrefaçon de marques de commerce ainsi que celles élargissant la portée des infractions de façon à y inclure des actions comme l'étiquetage et l'emballage de marchandises contrefaites ainsi que l'importation et l'exportation de biens contrefaits. Les nouvelles dispositions en vigueur permettent également aux propriétaires de marques de commerce déposées de présenter une « demande d'aide  » aux autorités douanières afin que soient détenus des biens supposément contrefaits, en déposant une demande auprès du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (par l'entremise de l'Agence des services frontaliers du Canada). Même si les renseignements relatifs à ces demandes sont confidentiels, de nombreux déposants ont présenté des demandes d'aide et plusieurs mesures de détention ont été prises en vertu de ces nouvelles dispositions.

Le projet de loi C-31, la Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2014, qui contient d'importantes modifications à la Loi sur les marques de commerce, a été adopté en 2014, mais elle n'est pas encore entrée en vigueur. Une consultation préliminaire sur les modifications réglementaires a eu lieu à la fin de 2014, et une autre consultation sur les taxes devrait être menée sous peu. Pour le moment, il question d'une éventuelle date de mise en Suvre au cours de l'année 2018. Toutefois, dans le dessein de mettre en Suvre la classification des biens et services en vertu du système de classification de Nice, le Bureau des marques de commerce a entrepris de classer tous les enregistrements et toutes les demandes en instance, et il invite maintenant les demandeurs à classer volontairement les nouvelles demandes en vertu de cette classification. Le système de dépôt des demandes en ligne autorise également le recours à des déclarations approuvées de biens et services qui génèrent automatiquement des classes, même si, pour l'instant, toutes les mesures de classification sont prises à titre informatif et à des fins de recherche seulement et qu'elles n'ont aucune valeur juridique.

Le projet de loi C-59, la Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015, contient des dispositions garantissant le secret professionnel de certaines communications entre les agents de marques de commerce et leurs clients et prévoyant également le report de certaines échéances dans des situations d'urgence. Ces modifications ont reçu la sanction royale, et elles devraient entrer en vigueur le 23 juin 2016.

D'autres initiatives gouvernementales sont susceptibles d'avoir des répercussions sur les marques de commerce en 2016 et 2017. Par exemple, les négociations commerciales entourant tant l'Accord économique et commercial global (avec l'Union européenne) que le Partenariat transpacifique exigeront probablement des modifications à la Loi sur les marques de commerce et à son Règlement d'application, notamment en ce qui concerne l'élargissement des mesures de protection à des « indications géographiques » supplémentaires. Le gouvernement a également annoncé son intention d'imposer des règles de « banalisation des emballages » pour les produits du tabac.

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