En tant que défendeur à une demande d'autorisation d'une action collective au Québec, vous venez d'apprendre que la Cour supérieure a autorisé l'exercice d'une action collective contre votre entreprise. Vous considérez soit débuter des négociations en vue de conclure un règlement ou aller à procès.

Alors que dans le passé, une telle réflexion menait le plus souvent à débuter des négociations pour en arriver à un règlement, on constate qu'il existe maintenant une tendance récente, où des défendeurs prennent la décision d'aller à procès et réussissent à mettre en échec les réclamations des demandeurs sur le fond.

Ce court bulletin va examiner quatre récentes affaires en matière de droit de la protection du consommateur où les défendeurs sont allés à procès et ont gagné!

Fortin c. Mazda Canada inc., 2022 QCCA 635

Une demande d'autorisation d'exercer une action collective est accordée contre Mazda en rapport avec le dispositif de verrouillage des portières de voitures 1, laquelle décision comprenait deux sous-groupes, d'abord un sous-groupe composé de personnes dont le contenu des voitures avait fait l'objet d'un vol ou dont la voiture avait été endommagée et un second sous-groupe composé de personnes qui avaient conduit les voitures en question avant que soit installée une pièce servant à renforcer le dispositif de verrouillage par Mazda.

Sur le fond, la Cour supérieure a accueilli les réclamations des membres du premier sous-groupe, mais refusé les réclamations des membres du deuxième sous-groupe. La Cour d'appel a rejeté l'appel des demandeurs relativement au deuxième sous-groupe en 2022. 2

Le demandeur alléguait que le fait que Mazda ne mentionnait nulle part que le dispositif de verrouillage des portières était affecté d'un vice constituait une « déclaration fausse ou trompeuse » au sens de la Loi sur la protection du consommateur (la « LPC »), entraînant une présomption absolue de préjudice en raison de la violation de l'article 228 de la LPC 3. Ceci conférerait aux membres du groupe un droit à une diminution du prix d'achat du véhicule sous l'autorité de l'article 272c) de la LPC 4. Or, le tribunal a décidé que le simple fait que se soit produite une pratique interdite n'a pas pour effet de décharger le demandeur de son obligation de prouver les dommages auxquels il prétend avoir droit en vertu de l'article 272 de la LPC. En l'espèce, le demandeur a été incapable de faire cette preuve même s'il avait réussi à démontrer qu'il avait une « cause défendable » au stade de l'autorisation.

Cette affaire clarifie l'exigence pour un demandeur de prouver les dommages prétendument subis, nonobstant la présomption absolue de préjudice et les difficultés à faire cette preuve. Il est assuré que les défendeurs en ont pris note.

Martel c. Kia Canada inc., 2022 QCCA 1140

La propriétaire d'une voiture se plaignait qu'elle devait effectuer un changement d'huile plus fréquemment qu'à tous les 12 000 km ou après 12 mois, soit les intervalles recommandés dans le Manuel du propriétaire qui lui avait été remis.

En 2020, la Cour supérieure a rejeté l'action 5, jugeant que le manufacturier n'avait pas fait de déclarations fausses ou trompeuses – au contraire, le manuel du propriétaire faisait bel et bien la distinction entre les changements d'huile dans des conditions dites ordinaires et dans des conditions dites sévères ou froides. Dans le cadre de l'interrogatoire de la demanderesse au fond, il s'est avéré  qu'elle n'avait pas lu la section de celui-ci portant sur les conditions de service.

L'appel a été rejeté. 6

Union des consommateurs c. Air Canada, 2022 QCCS 4254

L'Union des consommateurs a déposé une demande pour autorisation d'exercer une action collective 16 jours après l'entrée en vigueur d'une modification à la LPC interdisant un prix fragmenté. L'article 224 de la LPC a été modifié en 2010 pour y ajouter les mots soulignés suivants :

224. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit;

[...]

c) exiger pour un bien ou un service un prix supérieur à celui qui est annoncé.

[...]

Aux fins du paragraphe c du premier alinéa, le prix annoncé doit comprendre le total des sommes que le consommateur devra débourser pour l'obtention du bien ou du service. Toutefois, ce prix peut ne pas comprendre la taxe de vente du Québec ni la taxe sur les produits et services du Canada. Le prix annoncé doit ressortir de façon plus évidente que les sommes dont il est composé.

Le codemandeur Michael Silas alléguait avoir visité le site de la compagnie aérienne pour réserver un vol vers Las Vegas. Le prix de 149 $ affiché ne comprenait pas les charges et les surcharges, ni les taxes. C'est seulement à la fin du processus, à l'étape de la facturation et de la délivrance des billets, que Silas s'est rendu compte que le prix final était de 273.46 $, quand étaient ajoutées les charges, surcharges et les taxes.

Silas demandait une réduction du prix d'achat équivalente aux charges et surcharges (mais sans les taxes) plus des dommages punitifs selon la LPC. Même si la demande d'autorisation d'exercer une action collective avait été accueillie par la Cour d'appel huit ans auparavant 7, la Cour supérieure rejette l'action collective au fond en 2022 8. La preuve a en effet révélé que les consommateurs n'ont pas été trompés de quelque manière que ce soit par la compagnie aérienne.

Lussier c. Expedia inc., 2024 QCCS 472

Sautons en 2024, quand une autre action collective, cette fois contre Expedia, a été rejetée par la Cour supérieure. 9

En 2019, le demandeur est autorisé à exercer une action collective contre Expedia 10, dans laquelle il alléguait qu'on lui avait caché notamment l'existence des « frais hôteliers », soit des frais chargés par l'hôtel pour avoir accès au minibar, à la piscine ou à l'internet. Le demandeur alléguait qu'Expedia lui avait fait des déclarations fausses ou trompeuses et demandait qu'on lui rembourse les frais supplémentaires en question, en plus de dommages punitifs.

Sur le fond, le tribunal conclut que le site d'Expedia indiquait clairement que des frais de cet ordre seraient chargés par l'hôtel, ce qui constitue un autre exemple de la tendance que nous apercevons, soit une absence de violation de la loi par les défendeurs ou l'incapacité des demandeurs de prouver qu'ils ont subi un dommage.

Conclusion

Ce ne sont pas toutes les actions collectives qui sont autorisées qui seront nécessairement couronnées de succès après un procès au fond. Le fardeau du demandeur de faire la preuve d'une violation à la loi par les défendeurs ou d'un dommage compensable peut être difficile.

Une fois l'action collective autorisée, les défendeurs doivent se poser des questions importantes. Les allégations de violation de la loi tiennent-elles la route? Les membres du groupe ont-ils bel et bien subi un préjudice compensable? La preuve disponible semble-t-elle aller à l'encontre des allégations du demandeur? Dans de tels cas et d'autres cas de même nature, il peut fort bien valoir la peine d'aller à procès.

Footnotes

1. Robitaille c. Mazda Canada inc., 2010 QCCS 2630

2. Fortin c. Mazda Canada inc., 2022 QCCA 635

3. L'article 228 de la LPC se lit ainsi :

228. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, dans une représentation qu'il fait à un consommateur, passer sous silence un fait important.

4. L'article 272 c) se lit ainsi :

272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas :

[...]

c) la réduction de son obligation; [...]

5. Martel c. Kia Canada inc., 2020 QCCS 328

6. Martel c. Kia Canada inc., 2022 QCCA 523

7. Union des consommateurs c. Air Canada, 2014 QCCA 523

8. Union des consommateurs c. Air Canada, 2022 QCCS 4254

9. Lussier c. Expedia inc., 2024 QCCS 472

10. Lussier c. Expedia inc., 2019 QCCS 727

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