Contrairement à nombre de préjugés, cela fait des décennies que l'agriculture est en pointe sur de nombreux sujets innovants. Ce n'est donc pas une surprise si en 2024, ce secteur s'impose comme l'un des principaux concernés par la révolution en marche de l'intelligence artificielle (IA).

Pour s'en convaincre, quelques chiffres éclairants : d'après Resache & Markets, le marché de l'IA dans le secteur agricole était évalué à près de 518,7 millions en 2017 et devrait se développer de plus de 22,5% par an pour atteindre 2.6 milliards d'ici 2025.

L'enjeu de la préservation des ressources agricoles est devenu à ce point vital que la France a engagé depuis 2021 des démarches visant à atteindre une place de leader sur le marché de ce que l'on appelle aujourd'hui l'Agritech ou encore la Foodtech.

Les innovations en la matière sont nombreuses et les start-ups à l'origine de ces idées ne cessent de se multiplier.

Dans ce contexte florissant, faisons un point sur les principaux enjeux juridiques associés à cette agriculture 2.0

Qu'est-ce que l'Agritech ?

L'Agritech, ou agriculture technologique, désigne l'ensemble des innovations technologiques avancées appliquées à l'agriculture au sens large : viticulture, élevage, agroalimentaire, produits biosourcés, valorisation des déchets organiques.

Les objectifs de l'Agritech sont multiples (améliorer l'efficacité, la productivité et la durabilité de l'agriculture) et les applications technologiques sont diverses (utilisation de capteurs IoT, de drones, de logiciels d'analyse de données, de la robotique et d'autres technologies émergentes).

Concrètement, l'exploitation de la data agricole au travers de technologies d'intelligence permet aux agriculteurs d'avoir une analyse en temps réel sur l'état hydrique des sols, leur rendement, les prévisions météorologiques mais également sur l'état de santé des animaux, la qualité de leur lait, leur alimentation…. et se voir proposer des recommandations personnalisées en vue d'optimiser leurs prises de décisions.

En résumé, l'Agritech c'est donner à nos agriculteurs les moyens technologiques de s'assurer une agriculture plus intelligente, durable et innovante.

Faire de la France le berceau mondial de l'Agritech

Le 30 aout 2021, le Gouvernement avait annoncé le lancement de la « French AgriTech » dédiée à soutenir l'émergence des start-ups de l'Agritech et de la FoodTech. Dans ce cadre, l'État avait annoncé une levée de 200 millions d'euros d'investissements sur 5 ans pour des projets innovants dans le cadre du 4ème Programme d'Investissement d'Avenir 2021-2025(PIA4). La réalisation de cette initiative a ensuite été confiée à l'association « La Ferme Digitale ».

L'objectif  de ce programme est simple : proposer des innovations de rupture permettant d'adopter une nouvelle approche qui serait de nature à garantir la durabilité et la continuité  des systèmes agricoles et agroalimentaires.

Dès 2021, le Ministère de l'Agriculture attachait des objectifs ambitieux au développement de ce secteur qui se devait de :

  • Permettre une meilleure adaptation au défi du changement climatique 
  • Accélérer l'implémentation de pratiques durables et agroécologiques
  • Accompagner la vie économique d'une exploitation agricole et faciliter le quotidien des agriculteurs
  • Développer des modes de consommation plus durables
  • Encourager le développement de nouvelles ressources agricoles et alimentaires

En parallèle, le Gouvernement a annoncé le lancement de la « French Tech 2030 » qui soutient les acteurs émergents dans des secteurs jugés prioritaires pour la France. Dévoilés le 14 juin 2023, les 125 lauréats de la première promotion interviennent sur des enjeux ciblés par les 10 objectifs et les 6 leviers de France 2030.

Parmi cette sélection, 21 entreprises font d'ores et déjà partie de la French AgriTech et répondent au défi de la souveraineté alimentaire.

Les enjeux juridiques liées à la data agricole

La France compte plus de 380.000 exploitations agricoles connectées à plus de 85.000 partenaires et fournisseurs de services avec lesquels elles échangent des données agricoles  : des données géographiques, des données techniques relatives aux pratiques agricoles, ou encore des données environnementales (capteurs météo, par exemple).

Si tous s'accordent à reconnaitre que l'accès à des données fiables et actualisées est primordial pour offrir des services innovants, force est de constater que les agriculteurs sont encore largement exclus des processus décisionnels concernant la collecte et la gestion des données relatives à leurs exploitations. Par exemple, lorsque ces données sont partagées ou vendues à des tiers sans leur consentement.

La protection, la valorisation ou encore la sécurisation des données générées par l'activité agricole constituent des axes essentiels. Il existe des initiatives : la publication d'un code de conduite visant à encadrer l'usage des données collectées auprès des agriculteurs par exemple (à l'initiative du COPA-COGECA) ou encore la création de la Charte Data Agri consacrant 13 principes auxquels les fournisseurs de e-services agricoles sont invités à se conformer en matière de portabilité des données et de respect du consentement (à l'initiative des Jeunes Agriculteurs FNSEA).

Les acteurs de l'Agritech devront néanmoins rapidement prendre en compte la nouvelle réglementation européenne applicable à la donnée :

  • Le Data Governance Act (DGA), applicable depuis le septembre 2023, vise en effet à rendre davantage de données disponibles et à faciliter le partage de données entre les secteurs et les pays de l'UE aux fins d'exploiter le potentiel des données au profit des citoyens et des entreprises européennes.

Concrètement, l'initiative vise à mettre en place des systèmes de partage de données aux fins d'en permettre la réutilisation par exemple pour faire progresser la recherche notamment en matière environnementale (lutter contre le changement climatique, réduire les émissions de CO2 et lutter contre les urgences, telles que les inondations / incendies) ou encore agricole (développement de l'agriculture de précision, nouveaux produits dans le secteur agroalimentaire etc.).

  • En parallèle, le Digital Accountability and Transparency Act (Data Act), applicable dès septembre 2025, vise à compléter le DGA en harmonisant les règles concernant l'accès et le partage des données. Ce texte prend acte des évolutions technologiques et s'attarde particulièrement sur les objets et service connectés.

Dès son préambule, ce texte affirme le droit des utilisateurs d'objets connectés d'accéder aux données qui sont issues de l'usage qu'il en fait (« le droit d'utiliser les possessions librement acquises et d'en disposer »).

  • Par ailleurs, il convient également d'avoir à l'esprit l'Artificial Intelligence Act (AI Act), adopté le 14 juin 2023 par le parlement Européen, qui vise à encadrer l'usage de l'intelligence artificielle aux fins de garantir une innovation respectueuse des droits des utilisateurs. Il s'applique tant aux fournisseurs de l'IA (qui développent ou font développer un système d'IA en vue de le mettre sur le marché ou de le mettre en service sous leur propre nom ou leur propre marque) qu'aux utilisateurs. 

Bien que ces textes ne soient pas spécifiquement orientés vers l'agriculture, leurs applications sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur la manière dont les données agricoles seront collectées, partagées et utilisées à l'avenir.

Que vous soyez fournisseurs de solutions intelligentes dans le domaine Agritech ou agriculteurs, il conviendra donc d'anticiper/ de tenir compte de l'impact de ces textes sur une stratégie Data globale.

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