Key Take-aways

1. La réforme AVS 21 est entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Elle entraîne une flexibilisation de l'âge de la retraite du 2e pilier.

2. Les prestations de vieillesse peuvent désormais être perçues en trois étapes au moins.

3. Le premier retrait partiel doit représenter au moins 20 % de la rente de vieillesse ou, cas échéant, du capital.

1 Contexte

La réforme AVS 21 et la flexibilisation du départ à la retraite qu'elle consacre ont un impact sur le droit de la prévoyance professionnelle. Par ailleurs, différents arrêts récemment rendus par le Tribunal fédéral (TF) ont apporté des précisions bienvenues sur diverses thématiques de la prévoyance.

2 Modifications législatives et prudentielles

2.1 Implications de la réforme AVS 21 sur le 2e pilier

La terminologie 'âge ordinaire de la retraite' est désormais abandonnée au profit de l''âge de référence'. Pour les femmes, il atteindra progressivement 65 ans d'ici 2028, selon les dispositions transitoires de la LAVS (Loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants) qui s'appliquent également au 2e pilier. L'institution de prévoyance (IP) reste autorisée à prévoir un âge de référence réglementaire inférieur à 65 ans pour autant qu'il soit supérieur ou égal à 58 ans.

Depuis le 1er janvier 2024, l'assuré a le droit légal d'anticiper ou ajourner sa retraite du 2e pilier. Cette possibilité ne dépend plus d'une disposition en ce sens prévue par le règlement de l'IP. Aussi, l'assuré peut percevoir sa prestation de vieillesse du 2e pilier à partir de 63 ans ou l'ajourner jusqu'à 70 ans au plus tard. L'IP ne peut pas conditionner l'ajournement au versement de cotisations d'épargne par le salarié et l'employeur : l'obligation légale de cotiser prend fin à l'âge de référence. Tout comme avant la réforme, l'IP peut cependant offrir la possibilité de cotiser audelà de cet âge.

La rente de vieillesse peut désormais être perçue en au moins trois étapes, de manière à assurer une transition entre vie active et retraite. Si le règlement autorise l'assuré à percevoir une prestation en capital à la place d'une rente, le retrait du capital peut dorénavant se faire en trois fois (au plus), ce qui présente des avantages fiscaux. La flexibilisation du retrait du 2e pilier comporte tout de même quelques restrictions:

  • Le premier retrait partiel doit représenter au moins 20 % de la prestation de vieillesse (qu'il soit fait sous forme de rente ou de capital). L'IP est libre de prévoir un pourcentage minimal moins élevé.
  • L'IP peut prévoir qu'en cas de retraite anticipée partielle, la prestation de vieillesse est obligatoirement versée en une seule fois si le salaire annuel restant de l'assuré est inférieur au seuil d'entrée règlementaire.
  • Également en cas de retraite anticipée partielle, la part de la prestation de vieillesse perçue avant l'âge de référence réglementaire ne peut pas dépasser celle de la réduction du salaire.
  • La prestation de vieillesse ne peut être ajournée audelà de l'âge de référence que si l'assuré poursuit une activité lucrative. Il en va de même pour l'ajournement de la prestation de vieillesse due en vertu d'un compte de libre passage, sous réserves de dispositions transitoires applicables jusqu'au 31 décembre 2029.

Pour la personne assurée qui perçoit déjà ou a perçu des prestations de vieillesse et reprend par la suite une activité lucrative ou augmente à nouveau son taux d'activité, le montant maximal de la somme de rachat est diminué du montant des prestations de vieillesse déjà perçues.

La rente de 2e pilier peut être perçue en trois étapes au moins.

2.2. Taux d'intérêt minimal

Constant depuis le 1er janvier 2017, le taux d'intérêt minimal en LPP obligatoire est passé de 1 % à 1.25 % au 1er janvier 2024. 2.3. Directives et communications La Commission de haute surveillance (CHS) a édicté les directives D–01/2024 au 1er janvier 2024 qui contiennent des prescriptions concernant l'attestation de l'expert agréé en matière de prévoyance professionnelle et l'attestation qui peut être rendue obligatoire lorsque l'employeur affilie des mêmes personnes auprès de plusieurs IP.

La CHS a également édicté les communications C–02/2023 (remplaçant les communications C-01/2021 du 30 mars 2021) définissant, à partir du 1er janvier 2024, la notion d'amélioration des prestations des IP collectives ou communes, lesquelles sont soumises à des exigences particulières lorsqu'elles accordent une amélioration des prestations, sans avoir entièrement constitué leurs réserves de fluctuation de valeur. La légalité de ces communications est contestée.

La nouvelle DTA 7, entrée en vigueur au début de l'année, règle les obligations de l'expert dans le cadre de l'examen périodique prévu par la loi lorsque l'IP est en concurrence avec d'autres institutions. Dans sa nouvelle version, la DTA 7 est désormais reconnue comme standard minimal par la CHS.

3 Précisions jurisprudentielles

3.1. Activité accessoire soumise à la LPP

Un salarié soumis à l'assurance obligatoire pour son activité lucrative principale ou qui exerce une activité lucrative indépendante à titre principal et qui exerce en sus une activité accessoire n'est pas soumis à l'assurance obligatoire pour cette dernière. Selon l'ATF 148 V 234, cette règle de non-assujettissement est cependant inopérante lorsque l'activité accessoire et l'activité principale sont exercées auprès du même employeur. Dans ce cas, les salaires liés à l'activité principale et à l'activité accessoire sont additionnés et soumis à la LPP obligatoire.

La rente est ajournable seulement si l'assuré poursuit une activité lucrative.

3.2. Rente d'orphelin en apprentissage ou aux études

La rente d'orphelin du deuxième pilier ne s'éteint pas à 18 ans, mais à 25 ans s'il fait un apprentissage ou des études. D'après l'ATF 148 V 334, contrairement à la rente AVS, celle du 2e pilier subsiste même si l'orphelin perçoit un revenu supérieur à la rente de vieillesse maximale de l'AVS (CHF 2'450.- par mois en 2024). Aussi, les principes de l'art. 49bis al. 3 du Règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants (RAVS) ne sont pas transposables en LPP. Ceci s'explique par les buts différents des 1er et 2e piliers. En effet, contrairement à l'AVS, le 2e pilier ne vise pas couvrir les besoins vitaux mais le maintien du niveau de vie.

3.3. Location d'un logement acquis grâce au 2e pilier

Lorsque le bail est conclu pour une durée indéterminée et peut être résilié moyennant un préavis de trois mois, le bailleur conserve la maîtrise de son bien et la possibilité de l'occuper à nouveau dans un délai raisonnable. Dans un tel cas, la location ne revient pas à octroyer à un tiers un droit équivalent économiquement à une aliénation, qui obligerait la personne ayant acquis le bien par les fonds du 2e pilier, à les rembourser à l'IP. Ainsi, lorsqu'une personne a occupé son logement et se décide par la suite à le louer, elle n'est en principe tenue de rembourser les fonds que dans des cas spécialement qualifiés, par exemple en cas d'octroi d'un usufruit ou de conclusion d'un contrat de bail de très longue durée, non résiliable, pour un loyer symbolique (ATF 147 V 37).

3.4. Saisissabilité des avoirs parqués dans une institution de libre passage

Une prestation de sortie est saisissable si elle est exigible. Elle devient naturellement exigible en cas de paiement en espèces. Une prestation de sortie parquée auprès d'une institution de libre passage pourra être sortie du cycle de la prévoyance dès cinq ans avant l'âge de référence. Toutefois, l'assuré peut conserver ces montants dans l'institution jusqu'à cinq ans après l'âge de référence (depuis le 1er janvier 2024, sous réserve des dispositions transitoires, pour autant qu'il démontre exercer une activité lucrative). Aussi, tant que l'assuré n'a pas requis le paiement de ces montants en espèces, les avoirs tenus dans l'institution de libre passage restent insaisissables (ATF 148 III 232). Dans tous les cas, la prestation sera saisissable une fois l'âge maximal atteint.

3.5. Taux d'intérêt moratoire, subrogatoire ou compensatoire

La question de l'intérêt moratoire se pose, par exemple, en cas de versement rétroactif d'une rente ou en cas de retard dans le paiement de cotisations. A défaut de disposition réglementaire, cet intérêt s'élève à 5 % l'an. Dans l'ATF 149 V 106, le TF a dû trancher d'un cas où le règlement de l'IP prévoyait l'absence d'intérêt moratoire en faveur de l'assuré lorsque la rente était versée de manière rétroactive. Le TF a considéré qu'il fallait refuser l'application d'une telle disposition, jugeant que l'IP ne pouvait pas prévoir, par règlement, un taux d'intérêt moratoire inférieur au taux d'intérêt minimal LPP.

Dans les cas où un assuré ayant changé d'IP est reconnu invalide, il n'est souvent pas aisé de déterminer immédiatement quelle IP est tenue à prestation. Dans le domaine obligatoire, l'IP à laquelle l'assuré était affilié en dernier lieu doit verser une prestation préalable. Lorsque l'IP sujette à prestations est finalement déterminée, celle-ci rembourse la prestation préalable à l'IP qui l'a versée. Après avoir nié le droit à un intérêt moratoire courant sur cette prétention (ATF 145 V 18), le TF a récemment retenu, dans l'ATF 147 V 10, qu'en sus du remboursement des montants payés, l'IP peut demander un intérêt subrogatoire ou compensatoire. Celui-ci est égal au taux d'intérêt minimal LPP auquel est ajouté 1 %, pour compenser le fait que l'IP effectuant la prestation préalable n'a pu obtenir de rendements sur les montants payés.

Le taux d'intérêt minimal LPP obligatoire est passé à 1.25 %.

3.6. Calcul de surindemnisation

En matière de LPP obligatoire, la coordination des prestations d'assurance est réglée dans la loi. En matière de prévoyance étendue, l'IP définit souverainement les règles applicables en matière de surindemnisation. Cela étant, elle reste tenue par les conceptions de l'assurance sociale et les principes généraux. En l'espèce, un règlement prévoyait un calcul de surindemnisation tenant toujours compte d'une rente de 1er pilier complète, et ce même pour les assurés ne touchant pas une telle rente complète du fait de lacunes d'années de cotisations. Le TF a jugé qu'une telle règle était insolite, contraire au but recherché (à savoir l'absence d'une surindemnisation) et violait le principe de l'égalité de traitement (ATF 147 V 146).

3.7. Examen de la légalité des mesures d'assainissement

Il n'est pas toujours évident de distinguer si une contestation doit être examinée par le tribunal désigné par le canton pour trancher des litiges relatifs à la prévoyance professionnelle (art. 73 LPP), avec possibilité de recours au TF, ou s'il convient de suivre la voie de la plainte à l'autorité de surveillance, avec possibilités de recours au Tribunal administratif fédéral, puis au TF. Dans un cas où une IP réclamait plus de CHF 6 millions à titre de contributions d'assainissement à un ancien employeur affilié, le TF a estimé qu'il fallait respecter les délimitations de compétences suivantes : l'autorité de surveillance est compétente pour examiner la légalité des mesures d'assainissement, tandis que le tribunal de la prévoyance professionnelle connaît de la mise en Suvre de l'assainissement, notamment du recouvrement de cotisations d'assainissement impayées par un employeur (arrêt 9C_244/2021, destiné à publication).

3.8. Maintien de l'assurance par l'art. 47 LPP

Dans son arrêt 9C_430/2022, le TF s'est penché sur le champ d'application de l'art. 47 LPP lequel permet à l'assuré qui cesse d'être assujetti à l'assurance obligatoire de maintenir sa prévoyance dans la même mesure que précédemment auprès de l'institution supplétive. Dans le cas d'espèce, cette dernière avait retenu que cette possibilité n'était pas offerte à un assuré ayant atteint 58 ans et que, dans tous les cas, l'application de cette norme était limitée à deux ans, comme l'indiquait notamment la Conférence suisse des impôts. Le TF a conclu au contraire que l'assuré qui, après avoir atteint l'âge de 58 ans, cesse d'être assujetti à l'assurance obligatoire peut maintenir son assurance aux conditions fixées par l'art. 47 LPP, et ce sans application d'une quelconque limite de deux ans. Les directives et circulaires administratives mentionnant une telle limitation temporelle ne créaient pas de nouvelles règles de droit et ne liaient pas le juge.

4 Perspectives

Au-delà de ces quelques changements, il conviendra de suivre les développements qui surviendront ces prochaines années en matière de prévoyance professionnelle, l'enjeu le plus significatif étant la réforme LPP 21.

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