La Suisse et certains Etats de l'Union européenne et de l'AELE ont signé un nouvel accord-cadre concernant les règles d'assujettissement en matière de sécurité sociale pour faciliter le télétravail transfrontalier. Cet accord-cadre est appliqué par la Suisse dès le 1er juillet 2023 et permet aux employés frontaliers de consacrer jusqu'à 49.9% de leur temps de travail en télétravail dans leur Etat de résidence tout en maintenant la compétence de l'Etat du siège de l'employeur pour les assurances sociales.

Bref rappel de la situation jusqu'au 30 juin 2023

Dans le cadre de l'Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) ou de la Convention AELE, les employés ressortissants des Etats concernés sont en principe assujettis au système de sécurité sociale de l'Etat du lieu de travail. Ainsi les employés frontaliers actifs en Suisse sont soumis à l'obligation de cotiser au système suisse de sécurité sociale.

Toutefois, lorsque l'employé exerce aussi une partie de son activité dans son Etat de résidence, l'assujettissement change et se fait au système de sécurité sociale de l'Etat de résidence si l'activité dans cet Etat est égale ou supérieure à 25%.

Cette règle d'assujettissement s'applique également au travail que l'employé frontalier effectue à son domicile.

Depuis les restrictions liées à la pandémie de SARS-CoV-2, ces règles d'assujettissement ont cependant bénéficié d'une "interprétation souple" en cas de télétravail dans l'Etat de résidence, interprétation exprimée dans la Guidance Note on telework de la Commission administrative européenne pour la coordination des systèmes de sécurité sociale (CACSSS). Sur la base de cette interprétation, les caisses de compensation suisses pouvaient considérer qu'un employé télétravaillant depuis son Etat de résidence (même à 100%) restait assujetti aux assurances sociales suisses (Etat du siège de l'employeur). Une attestation A1 n'était en principe pas nécessaire dans ces situations.

Cette dérogation aux règles générales en faveur du télétravail des frontaliers n'était toutefois valable que jusqu'au 30 juin 2023.

Nouvel accord cadre applicable dès le 1er juillet 2023

Afin de faciliter la pratique du télétravail après le 30 juin 2023, un accord-cadre a été rédigé par un groupe ad hoc créé par la Commission européenne et la CACSSS. Cet accord-cadre, dont la nature juridique n'est pas clairement définie, ne modifie cependant pas les règles générales d'assujettissement découlant de l'ALCP et de la Convention AELE. Il n'engage que les Etats qui en sont signataires, soit, au 3 juillet 2023: l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Croatie, l'Espagne, la Finlande, la France, le Liechtenstein, le Luxembourg, Malte, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République Tchèque, la Slovaquie, la Suède et la Suisse. D'autres Etats ont manifesté leur intention d'appliquer l'accord-cadre (notamment l'Estonie, la Hongrie, l'Irlande, la Lituanie), mais ne l'ont pas encore signé. Le Royaume-Uni a indiqué quant à lui qu'il ne signera pas l'accordcadre.

En application de l'accord-cadre, plusieurs conditions doivent être remplies pour que le télétravail ne change pas l'Etat d'assujettissement aux assurances sociales :

  1. Résidence et travail dans deux Etats signataires

Tout d'abord, les dérogations aux règles générales d'assujettissement ne s'appliquent qu'entre Etats signataires. Il faut donc que l'employé réside dans un Etat signataire et qu'il travaille pour un employeur ayant son siège dans un autre Etat signataire.

  1. Limite à 50% de télétravail

Ensuite, les dérogations ne s'appliquent qu'à l'employé qui effectue jusqu'à 50% de télétravail transfrontalier dans son Etat de résidence (soit au maximum 49.9% du temps total de travail).

Cette limite se calcule par période de 12 mois. Il est donc possible de dépasser la limite de 49.9% pendant certaines semaines pour autant toutefois que cette limite soit respectée sur 12 mois.

  1. Limite du type de télétravail

Autre condition importante, l'accord-cadre ne s'applique que dans des situations dans lesquelles l'employé est relié à l'employeur par une connexion électronique. Le travail purement manuel (p.ex. travail manuel sur des pièces d'horlogerie) n'entre pas dans le télétravail tel que défini par l'accord-cadre.

Ce lien électronique doit exister et être habituellement utilisé. Il n'est toutefois pas demandé que 100% du travail soit fait par informatique. Par exemple, la lecture de documents imprimés ou la notation de copies d'élèves par un professeur entrent aussi dans la notion de télétravail tel que définie par l'accordcadre.

  1. Inapplicabilité de l'accord à certaines situations

De plus, l'accord-cadre n'est pas applicable aux situations suivantes :

  • Aux personnes qui exercent également une activité autre que du télétravail dans l'Etat de résidence (p. ex. visite de clients, activité accessoire indépendante); 
  • Aux personnes qui exercent également une activité dans d'autres Etats de l'UE resp. l'AELE en dehors de leur Etat de résidence signataire de l'accord et de la Suisse;
  • Aux personnes qui en plus de l'activité exercée pour leur employeur suisse travaillent aussi pour un autre employeur situé dans l'UE resp. l'AELE; 
  • Aux travailleurs indépendants.
  1. Nécessité de demander une attestation A1

Enfin, l'application de l'accord-cadre n'est pas automatique. Pour en bénéficier, les employeurs ayant leur siège en Suisse doivent demander une attestation A1 à leur caisse de compensation AVS par le biais de la plateforme Applicable Legislation Portal Switzerland (ALPS). 

Cette plateforme est actuellement en cours d'actualisation. L'Office fédéral des assurances sociales avait d'ailleurs annoncé le fait que cette plateforme pourrait ne pas être utilisable dès le 1er juillet 2023, date de l'entrée en vigueur de l'accord-cadre en Suisse. L'attestation pourra toutefois, selon les termes de l'accord-cadre, être demandée avec effet rétroactif au 1er juillet 2023 si la demande est déposée avant la fin juin 2024.

L'attestation A1 ainsi obtenue aura une validité maximale de trois ans et sera renouvelable.

Autres éléments pertinents

Comme indiqué, l'accord-cadre ne s'applique qu'entre Etats signataires. Dans les situations de télétravail transfrontalier dans lesquelles un Etat non-signataire de l'accord-cadre est impliqué (siège de l'employeur ou résidence de l'employé), les règles et procédures applicables avant la pandémie seront à nouveaux appliquées dès le 1er juillet 2023, sauf accord spécifique.

Ainsi, il faudra notamment vérifier l'applicabilité du Règlement (CE) nº 883/2004 ou de toute autre accord portant sur les assurances sociales. Si le Règlement (CE) nº 883/2004 est applicable, l'assujettissement aux assurances sociales changera pour l'Etat de résidence si l'activité dans cet Etat (télétravail compris) excède 25%. En outre, l'accord-cadre ne règle pas les aspects fiscaux du télétravail transfrontalier. Ceux-ci doivent dès lors être analysés séparément. L'application des règles fiscales peut d'ailleurs, dans certains cas, conduire à appliquer un seuil d'activité en télétravail plus bas que 49.9%.

De surcroît, comme dans toute situation de télétravail transfrontalier, il faut notamment procéder à une analyse relative au droit applicable, à la potentielle création d'un for judiciaire, aux questions de droit de l'immigration, aux problématiques de l'établissement stable en fiscalité et de l'établissement en droit de la protection des données, avant de mettre en place tout télétravail transfrontalier.

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